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dont il est imbu, et ses actions par ses livres et son langage, en un mot, qu'il n'est pas plus conforme à la connaissance philosophique de l'homme qu'à la vérité de l'histoire, de prendre pour des païens des chrétiens qui parlaient le langage de l'antiquité, et d'appeler la Renaissance la résurrection du paganisme. Aussi persisteronsnous à croire au christianisme de la Renaissance, tant que l'Univers ne nous aura pas démontré clairement que la foi religieuse fait plus encore que de donner à l'homme une règle, un modèle idéal de sainteté, et de développer en lui des habitudes salutaires qui améliorent les incrédules euxmêmes, mais qu'elle parvient, dans toutes les âmes, à renverser ce mur intérieur qui sépare les actions des idées, et à faire de l'homme une personne unique, conséquente avec elle-même, parce qu'elle a tout soumis à sa croyance, ses intérêts, ses goûts, ses penchants, ses passions.

Mais l'Univers ne démontrera rien. Oserons-nous dire toute notre pensée ? Nous regrettons presque d'avoir tant insisté sur le paganisme prétendu de la Renaissance; nous semblons être la dupe de l'Univers et de ses amis. Les adversaires de la Renaissance savent parfaitement qu'elle n'est pas le paganisme. La preuve en est dans la vivacité. même de leurs attaques. On ne tue pas les morts avec tant d'acharnement: or, le paganisme est bien mort; il n'y a plus personne en ce monde qui offre des victimes à Jupiter; mais il y a des hommes qui se croient libres d'examiner les opinions qu'on leur propose, libres de les juger, libres, en un mot, de croire ce qu'ils trouvent raisonnable et vrai. Il y a des libres penseurs, comme les appelle avec amertume l'Univers. La Renaissance a pu contribuer à la réforme, nous ne le nierons pas plus que ne l'ont nié les Débats, quoique en vérité les grands schismes d'Occident, les doctrines hardies du concile de Constance et du concile. de Bâle, le mécontentement général contre les impôts

levés par la cour de Rome sous mille noms divers, les fautes de la papauté, et bien d'autres causes encore, aient été d'une efficacité plus directe, et que probablement elles auraient suffi pour produire Luther. Mais ce que l'Univers peut imputer en toute certitude à la Renaissance, c'est le libre examen, c'est la liberté de conscience, deux choses bien funestes, sans doute, au monde moderne, mais dont le monde moderne ne semble pas désabusé. C'est la liberté d'examen, c'est la liberté de conscience que l'Univers attaque si ardemment au sein de la Renaissance, et sous le pseudonyme de paganisme; sous le paganisme qui est bien mort, il veut atteindre la liberté qui respire toujours. Montluc raconte, dans ses Mémoires, qu'un jour, après un combat, il vit un soldat occupé à percer des cadavres à coups d'épée. Pourquoi, lui dit-il, t'avises-tu de tuer les morts? Vous voyez bien, dit le soldat, que sous les morts il y a encore un vivant. » L'Univers est ce soldat; mais il peut continuer à frapper ce qui est mort; il ne tuera pas ce qui ne saurait mourir.

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(Revue de l'Instruction publique, 25 mars, 15 avril, 13 et 27 mai 1852.)

CLASSIQUES CHRÉTIENS,

publiés par M. l'abbé Gaume.

Selectæ Sanctorum vitæ. Biblia parvula.

C'est un beau livre que la Vie des Saints; ce sont des légendes admirables que celles qui enchantaient la jeunesse de Racine, et d'où Corneille tirait l'un des chefs-d'œuvre de la tragédie chrétienne, Polyeucte. Toutes les âmes tendres et pieuses, tous les esprits poétiques se plaisent à ces sou

venirs de la primitive Eglise, où se déploient sans cesse et les miracles de l'héroïsme humain et ceux de la puissance divine. Partout s'offre un double spectacle, celui de la grandeur des saints dans leurs luttes avec la tentation, et celui de leur humilité devant Dieu. A toutes les pages de leur vie, éclate cette alliance plus belle, plus édifiante encore que l'antithèse perpétuelle de Pascal et de Bossuet entre la petitesse de l'homme du côté de la terre et sa grandeur du côté du ciel.

On comprend sans peine que, frappée d'admiration pour de pareilles vertus, l'imagination des premiers âges du christianisme ait mêlé à des récits authentiques certaines merveilles moins attestées, qui ont transformé peu à peu en légende l'histoire de ces saintes vies. L'enthousiasme est crédule; et comme, dans les prodiges de la vertu humaine, il est légitime d'apercevoir toujours la main de Dieu, on arrive bientôt à exprimer l'action divine par des récits de miracles où se peint la naïveté de la foi, mais où l'Église elle-même nous permet de ne pas tout admettre.

La vie des saints et des solitaires, c'est le poëme des temps héroïques du christianisme : le fond des traditions est vrai; l'imagination des légendaires y a mêlé une sorte de mythologie gracieuse qui donne aux récits austères de la sainteté chrétienne l'attrait des chants épiques de la Grèce ou des contes de l'Orient. Quelquefois aussi, ce besoin d'étonner, commun à tous les hagiographes, leur suggère des inventions puériles qui défient, dans le lecteur, les dispositions les plus conciliantes à la crédulité, et qui, à force de braver la raison, finissent par refroidir le cœur. Dans le nombre considérable des récits que l'Église a conservés, il était facile de former pour les enfants un recueil qui les eût intéressés et touchés, sans effaroucher leur réflexion naissante. On présentait ainsi, dans un certain nombre de biographies choisies, l'idéal de la vie chrétienne; et, puis

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qu'on veut absolument humilier les païens, on ne les humiliait du moins que devant la supériorité des vertus évangéliques; on n'insultait ni Épictète ni Marc-Aurèle; on ne les appelait pas animaux de gloire; on opposait seulement à leurs vertus purement humaines des vertus qui viennent du ciel. C'était là une idée élevée. M. l'abbé Gaume n'a pas vu comment ce parallèle de l'idéal chrétien avec l'idéal païen pouvait être édifiant sans cesser d'être juste. Il semble n'avoir eu qu'une pensée : prouver aux enfants que la vie des saints est plus amusante que la mythologie. « Devant ce grand spectacle, dit-il, pâlissent et l'expédition fabuleuse des Argonautes, et le poétique siége de Troie, et tous les faits d'armes de l'antiquité païenne. Pour faire pâlir la fable, M. Gaume recherche soigneusement dans les légendes celles où le merveilleux a la plus grande part; il oppose prodige à prodige; il ne veut pas que les enfants croient que le seul Hercule ait dompté des bêtes féroces. Nous aussi, chrétiens, nous avons des histoires de lions vaincus par les saints du désert; nous avons des serpents qui font pálir l'hydre de Lerne, et des corbeaux plus dociles que les colombes messagères de Vénus. Le recueil de M. Gaume, c'est la mythologie des légendes. Les enfants le liront avec plaisir peutêtre; mais avec profit, nous en doutons. Quand ils expliquent le Selectæ e profanis, cet excellent livre, si mal jugé par M. l'abbé Gaume, ils rencontrent à chaque page des leçons pratiques, utiles pour la conduite de la vie. Le Selectæ, c'est la morale en action des païens. Ce sont des récits variés où les hommes les plus illustres de l'antiquité personnifient chacun quelque vertu. Les vertus de famille, celles du citoyen, la piété même, enfin toutes ces nobles habitudes des grandes âmes, honorées par les sociétés antiques, revivent dans des anecdotes simplement racontées, comme il convient pour l'enfance. Il n'y a rien là de merveilleux; on peut croire, et, ce qui est plus précieux encore, on peut appren

dre à pratiquer ce qu'on lit. Le Selectæ sanctorum vitæ, qui dans le programme de M. l'abbé Gaume remplace le Selectæ e profanis, a-t-il ce double mérite? satisfait-il la raison des enfants? en peuvent-ils tirer des leçons utiles, des idées de morale pratique qui profitent à leur conduite de chaque jour? Car enfin c'est apparemment pour la vie active et non pour la vie contemplative qu'on doit former les hommes de notre temps. On ne peut pas faire de l'éducation publique une préparation au cloître, parce que le monde n'est pas encore un couvent. Ce qui importe, ce n'est pas d'étonner l'imagination, d'exciter la rêverie, de prêcher l'extase : c'est d'élever et de fortifier l'âme, et d'y semer le germe des vertus sociales, non des vertus mystiques. Voilà le seul but légitime d'un livre destiné à des enfants qui n'habitent pas la Thébaïde. Examinons le Selecta de M. Gaume.

Son moindre défaut, c'est d'être souvent puéril, et de compromettre la gravité des préceptes par l'enfantillage des exemples. Quand le Selectæ e profanis veut recommander aux enfants d'être justes, il choisit quelque beau trait de l'histoire où la grandeur des personnages et l'importance des événements ennoblissent encore à leurs yeux cette noble idée de la justice. Le Selectæ sanctorum se passe volontiers des grands événements: le plus mince lui suffit pour en tirer sa petite morale. A quoi bon Aristide ou Socrate? Il y avait dans un couvent un frère cuisinier qui préparait le repas des moines. Un jour que le frère gardien, chargé des fonctions d'inspecteur, faisait sa ronde, il aperçut à terre trois grains de lentilles; c'était le frère cuisinier qui, en lavant des lentilles, avant de les faire cuire, les avait laissés tomber. Le père gardien envoie son rapport à l'abbé, et le frère cuisinier est immédiatement condamné comme prévaricateur et dilapidateur du trésor sacré, interversor et neglector sacri peculii. On le prive du droit d'oraison, et il n'obtient sa grâce qu'après une pénitence publique. Voilà pourtant

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