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l'adolescence, que l'adolescence n'est pas mûre pour une si grave étude, et qu'il réserve la théologie pour un autre ouvrage, complément du premier, et destiné à un âge plus sérieux. Cette réponse au cardinal Pol n'est pas insuffisante, comme le prétend l'Univers; si elle l'était, l'Univers l'aurait citée. Il la tait parce qu'elle est bonne.

Nous voilà donc avertis par Sadolet lui-même que son traité d'éducation n'est qu'un livre de littérature et de morale. Toute la question maintenant est de savoir si la littérature qu'il enseigne est la bonne ou la mauvaise, si la morale qu'il prêche est celle des païens ou celle des chrétiens. Tous ses préceptes de goût sont tirés de Cicéron, dont l'Univers a quelque peu défait la réputation dans ces derniers temps, il est vrai, mais qui avait l'estime de Bossuet et de Fénelon, ce qui excuse le faible de Sadolet pour cet idolâtre. D'ailleurs les mérites que Sadolet a signalés dans les grands écrivains de l'antiquité, il est difficile de ne les pas louer, quand on n'a pas, comme l'Univers, une rhétorique à soi. Ce que l'évêque du xvr siècle vante chez Démosthène, c'est, comme Fénelon, la force de la pensée et la simplicité du style; ce qu'il aime dans Térence, c'est, comme Bossuet, la peinture ingénieuse et délicate des passions. Comme Bossuet, qui récitait les vers de Virgile dans les allées de Germigny, Sadolet sait Virgile par cœur; comme Fénelon, qui dans la prose du Télémaque faisait couler la poésie d'Homère, Sadolet verse à son jeune élève le nectar divin de la poésie homérique. Il admire Plaute, comme saint Jérôme; il traduit Platon, comme saint Augustin; enfin il est païen comme les évêques du XVIIe siècle et comme les Pères de l'Église. Nous comprenons que l'Univers ne lui pardonne pas. Mais que du moins l'Univers fasse grâce à la littérature de Sadolet en faveur de sa morale. Sauf quelques préjugés, qui sont ceux du temps, cette morale est excellente. Ce que nous aimons surtout dans le

bon évêque de Carpentras, ce qui est d'un homme sage et prévoyant, c'est qu'avant de faire l'éducation morale de l'enfant, il commence par faire celle du père, précaution utile et trop négligée! Combien de pères en effet défont sans le vouloir, sans le savoir, l'éducation qu'on donne à leurs fils! Ils se plaignent de l'enseignement public, des écoles, des professeurs, de toutes choses et de tout le monde, excepté d'eux-mêmes. Et pourtant, que de fois les mauvais exemples de la maison paternelle détruisent les bons effets de l'enseignement public! Sadolet commence donc, pour ainsi dire, par élever le père avant d'élever l'enfant. Il lui recommande soigneusement l'honnêteté de la vie, la noblesse des sentiments, la discrétion et la convenance du langage « la bonne tenue jusque dans les vêtements et la démarche, pour que tout en lui, le corps et l'âme, présente à l'enfant l'image de la dignité. » Que le père de famille contienne toutes les émotions, même légitimes, qui pourraient troubler l'équilibre de son âme devant son fils; qu'il soit poli avec ses égaux, sans flatterie pour les grands, plutôt doux que sévère à l'égard de ses serviteurs. Enfin, ajoute Sadolet, je vais lui donner un conseil très-important et contraire à l'opinion des hommes: qu'il accoutume son fils, non pas à mépriser l'argent, l'argent peut être utile au bonheur et même à la vertu, mais à préférer à l'argent le devoir et l'honneur. Et pour cela que le père établisse dans sa maison un ordre, une économie également éloignés de la prodigalité et de l'avarice. Quand les jeunes gens ne voient autour d'eux que l'ostentation et le luxe, quand ils n'entendent parler que de gain et de fortune, comment pourraient-ils se défendre des convoitises dont leurs familles paraissent possédées? comment seraient-ils plus sages que leurs pères? Pour un païen du xvre siècle, ce sont là des sentiments au moins aussi honnêtes que ceux de certains chrétiens du xix', qui par

tagent leur cœur entre Dieu et leur fortune, et réservent dans leur église une petite chapelle au veau d'or. Voilà comment Sadolet prépare le père de famille à devenir le modèle de son fils; c'est alors qu'il commence l'éducation de l'enfant, qui fait de rapides progrès, parce que l'instituteur a levé d'avance tous les obstacles et s'est assuré le concours de l'exemple paternel. La dernière partie du livre de Sadolet, consacrée à l'éducation de l'enfant, sans rien offrir de bien nouveau, abonde en observations fines, en conseils excellents, en précautions touchantes, par exemple, pour le choix des amities dans la jeunesse. Enfin, quand le jeune homme est devenu semblable à son père, le but de l'enseignement est atteint, et l'instituteur ouvre les portes du monde à son élève, « qui ira désormais produire en public les belles images de dignité et d'honneur dont son âme est remplie. » Voilà pourtant l'ouvrage idolâtrique qui attire à Sadolet les rigueurs de l'Univers. Pour nous, nous estimons qu'il y a dans ce paganisme attardé, comme dit l'Univers, bien des leçons opportunes dont les meilleurs chrétiens d'entre nous, instituteurs et pères de famille, feraient sagement de profiter. Nous remercions M. Charpenne de nous avoir fait connaître Sadolet et son livre par une préface intéressante et par une traduction fidèle.

(Journal des Débats, 11 août 1855.)

DE L'ESPRIT CHRÉTIEN DANS LES ÉTUDES,

par M. Laurentie.

LEÇONS DE PHILOSOPHIE

professées au lycée de Lyon par M. l'abbé Noirot.

M. Laurentie est un esprit lettré, doux et pacifique, qu'a vivement affligé la querelle récente du paganisme dans l'éducation. Les hommes aiment la dispute, dit-il, même les meilleurs ; et il se plaint qu'au lieu de se mettre immédiatement d'accord, on ait longtemps disputé. Il est trèsbien d'aimer la paix, et le rôle de conciliateur est un des plus beaux qu'un honnête homme puisse rêver; mais pour concilier les partis, peut-être faut-il, dès l'abord, ne pas trouver si mauvais qu'ils ne commencent point par s'embrasser il est tout naturel de discuter quand on n'est pas du même avis, et les hommes, même les meilleurs, ont le droit de défendre et de garder leur opinion, tant que leurs adversaires ne leur ont pas démontré qu'ils ont tort: Tradidit mundum disputationibus eorum. Puisque Dieu a livré le monde aux disputes des hommes, M. Laurentie, s'il est juste, ne doit pas trop se scandaliser de les voir discuter pour s'entendre l'office de médiateur serait moins honorable, si la médiation était si facile. La lutte, pourvu qu'elle soit loyale et polie, donne seule quelque prix aux traités de paix, et le livre de M. Laurentie, œuvre charitable de réconciliation et de concorde, n'aurait pas le double mérite d'un bon ouvrage et d'une bonne action, si le parti des classiques païens et le parti des classiques chrétiens s'étaient, au premier mot, jetés dans les bras l'un de l'autre.

Je reconnais toutefois que s'il est doux, en même temps

que légitime, de disputer pour une bonne cause, c'est un plaisir plus élevé et plus vif encore de s'accorder, sans discussion préalable, avec un écrivain d'un esprit sensé, d'un caractère droit et d'un langage poli: cette conformité immédiate d'opinion est une de ces jouissances délicates de l'esprit que Vauvenargues a si bien définies les voluptés du sens commun, et c'est précisément le plaisir qu'on éprouve en lisant M. Laurentie. Peut-être dois-je avouer que ce qui m'a rendu plus vif l'attrait de son livre, c'est que j'y ai retrouvé les deux idées principales que la Revue a constamment défendues, la légitimité de l'enseignement classique païen, et la possibilité de le donner chrétiennement. Ces deux idées sont le fond de son livre, comme elles ont été le fond de notre polémique; aussi le plaisir que j'ai goûté en le lisant ressemble-t-il beaucoup à celui que nous éprouvons tous, quand nous entendons exprimer par un autre, beaucoup mieux que par nousmêmes, les idées qui nous sont chères; je m'abstiendrai donc de louer davantage et le livre et l'auteur, de peur que la Revue ne paraisse se vanter elle-même sous le pseudonyme de M. Laurentie.

La légitimité, la conformité de l'enseignement classique païen avec la tradition de l'Église, c'est là désormais une question épuisée, c'est un point débattu et hors de doute, c'est une vérité définitive. Je n'y veux pas revenir, pas même pour signaler les pages spirituelles où M. Laurentie prouve que nos révolutions n'ont pas pour cause la Renaissance, pas même pour lui reprocher les pages injustes où il affirme que l'enseignement public est devenu un métier mécanique, sans doctrine morale qui le vivifie. L'occasion serait belle pour disputer; puisque M. Laurentie n'aime pas les discussions, je ne discuterai pas. Aussi bien la meilleure réfutation de son paradoxe est dans son livre même; il prouve qu'il est si facile d'enseigner chrétien

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