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AQUARELLES

NOUVELLES POÉSIES FRANC-COMTOISES

Par M. Louis MERCIER

MEMBRE RÉSIDANT.

(Séance du 23 décembre 1886.)

ESPOIR !

Après six mois de froid, de neige et de bruine,
J'ai vu, de ma fenêtre ouverte à deux battants,
Paré d'or et d'azur, couronné d'aubépine,
Revenir ce matin le Chevalier Printemps.

Pour fêter son retour, du haut de la colline,

Le soleil ruisselait en rayons éclatants,

Tandis que dans les bois, sous les rameaux d'hermine,
Mille oiseaux s'éveillaient d'amour tout palpitants.

Et moi, le cœur toujours rempli d'ombre et de peine,
Triste, je redisais : De ta suave haleine

Ne pourras-tu jamais, avril, sècher mes pleurs !

Mais tout à coup la muse en frappant à ma porte,

Me dit Réjouis-toi, poète, je t'apporte

:

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Des chants nouveaux, plus doux que les nouvelles fleurs!...»

LA VEILLÉE.

Quand le vent se déchaîne en la forêt rouillée,
Et que la neige tombe à flocons sur les toits,
Qu'il est doux de venir s'asseoir à la veillée
Devant l'âtre éclatant de nos chalets comtois !

Alors nous écoutons, l'oreille émerveillée,
Quelque conte bien noir, légende d'autrefois,
Et ma sœur en faisant tourner sa quenouiliće,
Nous dit de sa voix d'ange un vieux noël patois.
Tandis qu'en perles d'or le blond maïs s'égrène,
Et que le rouge-gorge, ainsi qu'une àme en peine,
Des ailes et du bec vient frapper aux vitraux,

Mon père, pour charmer la fin de la soirée,
De son clairet débouche une fiole empourprée
Où flambe en gais reflets le sang de nos coteaux !

SIMPLE FLEUR.

Je veux aimer celui qui m'aime. (Ronde populaire.)

Au fond de ma vallée heureuse,
Aux bords aimés du Doubs, il est
Une adorable enfant, vrai Greuze
Irradiant dans un chalet.

Son nom est le doux nom de Lise.
De nos églantines en fleur
Elle a toute la grâce exquise
Et la simplesse et la fraîchenr.

De nos monts c'est la plus jolie,
Son teint par le hâle est doré ;
Vous le dirai-je, à la folie
D'elle je suis énamouré.

Plus ravissante qu'une reine,
Elle fascine mon regard
Avec son court jupon de laine
Et son humble petit foulard.

Ses seize ans seuls font sa parure,
Mais en tresses d'or sur son cou
Rutile à flots sa chevelure

Que retient un peigne d'un sou.

Sa pétulance de fauvette,

Me réjouit

pauvre rêveur ·

Et sa gaîté de lutin jette

Des rayons d'aube dans mon cœur.

Ses yeux ont l'azur des pervenches
Etoilant les bois le matin;

Comme des perles, ses dents blanches
Brillent en son rire argentin.

Quand au printemps, de fleurs coiffée,
Le soir elle longe les prés,

Elle apparaît comme une fée
Au milieu des rayons pourprés.

Et lorsqu'en août les blés ondoient,
Je l'aime aussi par les épis,
Immense étang d'or où flamboient
Les coquelicots de rubis!

Mais plus belle elle est le dimanche,
A l'église, quand le soleil
Vient poser sur sa coiffe blanche
Une auréole de vermeil !

Et si, près d'elle, ému, je prie,
En un rêve plein de douceur.
Je crois de la Vierge Marie
Voir rayonner la blonde sœur !

Devant l'âtre, je l'aime encore
A l'heure où flambent les sarments,
Faisant sur son rouet sonore,
Prestes, courir ses doigts charmants.

Et, l'âme tout émerveillée,

J'écoute sa tant douce voix
Rendant trop courte la veillée
Avec nos vieux noëls comtois.

Ou bien parfois elle nous chante
Des Trois princesses la chanson,
Et la ballade si touchante
De dame Berthe en sa prison.

Par les champs où la tâche est rude,
Sa pensée inonde mon cœur,

Elle charme ma solitude,

Et rend moins pesant mon labeur.

Le soir, quand je rentre au village,
Quoique bien las, je suis joyeux
En recueillant sur mon passage

Son sourire délicieux!

Mais pour moi, quel bonheur suprême

Si Lise allait me dire un jour :

Je veux aimer celui qui m'aime,

Et j'ai deviné votre amour!

LE VILLAGE DE BEURE.

Près des rives du Doubs, est un heureux village
Dans les arbres caché délicieusement.

Au monde il n'est je crois, plus riant paysage :
Beure, voilà le nom de cet Eden charmant.

Nulle part on ne voit les fermes aussi gaies,
Montrant leur toit de brique à travers les pruniers,
Plus de fleurs aux rameaux, plus d'oiseaux dans les haies,
Lorsque brillent d'avril les rayons printaniers.

Par ses prés embaumés, par ses rochers arides,
J'ai couru, jeune enfant, et des petits bergers
Combien j'aimais les jeux, les courses intrépides!
Avec eux, j'ai pillé ses splendides vergers.

A la Saint-Jean d'été, qu'il m'est doux, un dimanche,
De revoir ce vallon aux souvenirs si chers!

Pour moi qu'elle a d'attraits sous le noyer qui penche,
Notre pauvre chaumière avec ses pampres verts!

Au détour du chemin, tout ému, je m'arrête,
Et contemple un instant les rochers d'Arguel
Crénelant l'horizon de leur bleuâtre crête,
Et comme un fort abrupt s'étageant dans le ciel.

Je contemple le Doubs à travers les prairies,
Ainsi qu'un serpent vert en zig-zag ondulant,
Ou bien, autour de moi, les blanches gypseries,
Et notre vieille église au dôme de fer-blanc.
Je contemple surtout du joli Bout-du-Monde
La cascade égrenant ses humides saphirs;
Les soirs d'été l'on dit qu'une fée en son onde
Vient mêler ses chansons aux frissons des zéphirs.

Mais on n'a vu venir, et ma mère attentive,
Vite du buffet tire une nappe où se sent

Une suave odeur d'iris et de lessive,

Et mon père à la cave en sifflotant descend.

Grand'mère sommeillant dans son fauteuil de chêne
Se réveille en sursaut sous mon bruyant baiser,
Et, tandis que Médor aboie à perdre haleine,
Le chat sur mes genoux leste, vient se poser.
Qu'il est bon, le dîner dans la faïence peinte
De fantastiques fleurs ou d'un coq jaune et bleu !
Le vin de Mercurot pétille dans la pinte,

Et dans les verres coule ardent comme du feu.

C'est d'abord le pain bis avec son goût d'amande,
Le bresil rouge et sec qui fait boire à grands coups;
L'omelette d'or, blonde ainsi qu'une flamande,
Et la tranche de lard qui tremble sur les choux.

De bon cœur rit mon père, et sa gaîté, c'est signe

Que ses grands bœufs vont bien et que ses blés sont beaux,

Que les foins ont donné, que superbe est la vigne,
Pourtant d'avance il craint... de manquer de tonneaux.

Fraiche comme son nom, ma cousine Rosette
A vêpres se rendant vient nous dire bonjour;
De Muller on dirait l'exquise Mionette.
Vraiment elle devient plus belle chaque jour.

Ma sœur en souriant au milieu de nous pose
Un immense gâteau, des fraises de Fontain.
Et voyant qu'à chanter déjà l'on se dispose,
Mon père apporte encore un flacon de vieux vin!

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