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en nous-mêmes, mon cher Arifte, & tâchons de faire taire non feulement nos fens, mais encore nôtre imagination & nos paffions. Je ne vous ay parlé que des fens, parce que c'eft d'eux que l'imagination & les paffions tirent tout ce qu'ils ont de malignité & de force. Generalement tout ce qui vient à l'efprit par le corps uniquement en.confequence des loix naturelles, n'eft que pour le corps. N'y ayons donc point d'égard. Mais fuivons la lumiere de la Raifon, qui doit conduire les jugemens de nôtre efprit, & regler les mouvemens de nôtre cœur. Diftinguons l'ame & le corps, & les modalitez toutes differentes dont ces deux fubftances font сараbles, & faifons fouvent quelque réflexion fur l'ordre & la fageffe admirables des loix. generales de leur union. C'eft par de telles réflexions qu'on acquiert la connoiffance de foy-même, & qu'on fe délivre d'une infinité de préjugez. C'eft par là qu'on apprend à connoître l'homme; & nous avons à vivre parmy les hommes & avec nousmêmes. C'est par là que tout l'Univers paroît à nôtre efprit tel qu'il eft, qu'il paroît, dis-je, dépouillé de mille beautez qui nous appartiennent uniquement, mais avec des refforts & des mouvemens qui

nous

nous font admirer la fageffe de fon auteur. Enfin c'eft par là, anh que vous venez de voir, qu'on reconnoît fenfiblement, non feulement la corruption de la nature & la neceffité d'un Mediateur, deux grands principes de nôtre foy, mais encore une infinité d'autres veritez effentielles à la Religion & à la Morale. Continuez donc, Arifte, de mediter comme vous avez déjà commencé, & vous verrez la verité de ce que je vous dis. Vous verrez que le métier des Meditatifs devroit être celuy de toutes les perfonnes raifonnables.

ARISTE Que ce mot de Meditatifs me donne maintenant de confufion, maintenant que je comprens en partie ce que vous venez de me dire, & que j'en fuis tout penetré! Je vous ay crû, Theodore, dans une espece d'illufion, par le mépris aveugle que j'avois pour-la Raifon. Il faut que je vous l'avoue. Je vous ay traité de Meditatif, & quelques-uns de vos amis. Je trouvois de l'efprit & de la fineffe dans cette fotte raillerie ; & je penfe que vous fentez bien ce qu'on prétend dire par là. Je vous protefte neanmoins que je ne voulois pas qu'on le cruft de vous, & que j'ay bien empêché le mauvais éffet de ce terme de raillerie par des éloges fe

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rieux, & que j'ay toûjours crû très-veritables.

THEODORE. J'en fuis perfuadé, Arifte. Vous vous étes un peu diverty à mes dépens. Je m'en réjouïs. Mais je pense qu'aujourd'huy vous ne ferez pas fort fâché d'apprendre qu'il vous en a plus coûté qu'à moy. Sçavez-vous bien qu'il y avoit dans la compagnie un de ces Meditatifs qui dès que vous fuftes forty fe crut obligé, non de me défendre moy, mais l'honneur de la Raifon univerfelle que vous aviez offenfée, en détournant les efprits de la confulter. D'abord que parla le Meditatif, tout le monde fe foûleva en vôtre faveur. Mais après qu'il eut effuyé quelques railleries, & les airs méprifans qu'infpire l'imagination révoltée contre la Raifon, il plaida fi bien fa cause, que l'imagination fuccomba. On ne vous railla point, Arifte. Le Meditatif parut affligé de vôtre aveuglement. Pour les autres, ils furent émûs de quelque indignation. Deforte que fi vous étiez encore dans le même efprit, vous en étes fort éloigné, je ne vous confeillerois pas d'aller chez Philandre débiter des plaifanteries & des lieux communs contre la Raison, pour rendre méprifables les taciturnes Meditatifs.

ARISTE.

ARISTE. Le croiriez-vous, Theodore? Je fens une fecrete joye de ce que vous m'apprenez là. On a remedié bientôt au mal que je craignois d'avoir fait. Mais à qui eft-ce que j'en ay l'obligation? N'eftce pas à Theotime?

THEODORE. Vous le fçaurez, lors que je feray bien convaincu que vôtre amour pour la verité fera affez grand pour s'étendre jufqu'à ceux à qui vous avez une obligation un peu ambiguë.

ARISTE. Cette obligation n'eft point ambiguë. Je vous protefte que fi c'est Theotime, je l'en aimeray & je l'en estimeray davantage. Car à mefure que je medite, je fens augmenter l'inclination que j'ay pour ceux qui recherchent la verité, pour ceux que j'appellois Meditatifs, lors que j'étois affez infenfé pour traiter de vifionnaires ceux qui rendent à la Raifon les affiduitez qui luy font duës. Obligez moy donc de me dire qui eft cét honête homme qui voulut bien m'épargner la confufion que je meritois, & qui foûtint fi bien l'honneur de la Raison fans me tourner en ridicule. Je le veux avoir pour amy. & fi je Je veux meriter fes bonnes graces; n'en puis venir à bout, je veux du moins qu'il fache que je ne fuis plus ce que j'é

tois.

THEO

THEODORE. Bien donc, Arifte, il le fçaura. Et fi vous voulez être du nombre des meditatifs, je vous promets qu'il fera auffi du nombre de vos bons amis, Meditez, & tout ira bien. Vous le gagnerez bientoft, lors qu'il vous verra de l'ardeur pour la verité, de la foûmiffion foy, & un profond refpect pour nôtre

Maître commun.

V. ENTRETIEN.

pour

la

De l'ufage des fens dans les fciences. Il y a dans nos fentimens idée claire, & fentiment confus. L'idée n'appartient point au fentiment. C'eft l'idée qui éclaire l'efprit, & le fentiment qui l'applique & le rend attentif car c'est par le fentiment que l'idée intelligible devient fenfible.

A

RISTE. J'ay bien fait du chemin, Theodore, depuis que vous m'avez quitté. J'ay bien découvert du pays. Jay parcouru en general tous les objets de mes fens, conduit, ce me femble, uniquement par ma Raifon? Je ne fus jamais plus furpris, quoy que déjà un peu accoûtumé à ces nouvelles découvertes. Bon Dieu ! que j'ay reconnu de pauvretez dans ce qui G

me

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