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de faire comme les autres. Jugez en, dis-je, non fur les applaudiffemens que vous avez receus, mais fur les réponses décifives de la Verité interieure. Jugez en fur la Loy éternelle, l'Ordre immuable, fans égard aux folles penfées des hommes. Quoy, Arifte! à caufe que tout le monde fe jette dans la bagatelle, chacun à fa maniere & felon fon gouft, faudra-t-il le fuivre, de peur de paffer pour Philofophe dans l'efprit des fous? Faudra-t-il mêmes fuivre par tout les Philofophes, jufques dans leurs abstractions & dans leurs chimeres, de crainte qu'ils ne nous regardent comme des ignorans ou des novateurs? Il faut mettre chaque chofe dans fon rang. 11 faut donner la préference aux connoiffances qui la meritent. Nous devons apprendre ce que nous devons fçavoir, & ne pas nous laiffer remplir la tefte d'un meuble inutile, quelque éclattant qu'il paroiffe, lors que le neceffaire nous manque. Penfez à cela, Arifte; & vous me direz demain quel doit être le fujet de nos entretiens. En voilà affez pour aujourd'huy.

ARISTE. Il vaut bien mieux, Theodore, que vous me le difiez vous-même.

THEODORE. Il vaut infiniment mieux que ce foit la Raifon qui nous le di

fe à tous deux. Confultez la ferieufement, & j'y penferay de mon côté,

VI. ENTRETIEN.

Preuves de l'existence des corps tirées de la révelation. Deux fortes de révelations. D'où vient que les révelations naturelles des fentimens nous font une occafion d'er

reur.

A

RISTE. Que la queftion, Theodore, , que vous m'avez donnée à réfoudre eft difficile ! J'avois bien raison de vous dire, que c'étoit à vous, c'étoit à vous, qui fçavez le fort & le foible des fciences, l'utilité & la fecondité de leurs principes, de regler toutes mes démarches dans ce monde intelligible où vous m'avez tranfporté. Car je vous avoue que je ne fçay de quel côté je dois tourner. Ce que vous m'avez appris peut bien me fervir pour m'empêcher de m'égarer dans cette terre inconnue. Je n'ay pour cela qu'à fuivre cela qu'à fuivre pas à pas la lumiere, & ne me rendre qu'à l'évidence qui accompagne les idées claires. Mais il ne fuffit pas d'avancer, il faut encore fçavoir où l'on va. Il ne fuffit pas de découvrir fans ceffe de nouvelles veritez: il faut fçavoir

où se trouvent ces veritez fecondes, qui donnent à l'efprit toute la perfection dont il est maintenant capable: ces veritez qui doivent regler les jugemens qu'il faut porter de Dieu & de fes ouvrages admirables; qui doivent regler les mouvemens du cœur, & nous donner le gouft, ou du moins l'avantgouft du fouverain bien que nous defirons.

Si dans le choix des fciences il ne falloit s'arrêter qu'à l'évidence, fans pefer leur utilité, l'Arithmetique feroit préferable à toutes les autres. Les veritez des nombres font les plus claires de toutes; puis que tous les autres rapports ne font clairement connus, qu'autant qu'on peut les exprimer par ces mefures communes de tous les rapports exacts qui fe mefurent par l'unité. Et cette fcience eft fi feconde & fi profonde, que quand j'employerois dix mille fiecles pour en percer les profondeurs, j'y trouverois encore un fonds inépuifable de veritez claires & lumineufes. Cependant je ne croy pas que vous trouviez fort à propos que nous nous tournions de ce côté-là, charmez par l'évidence qui y éclatte de toutes parts. Car enfin que nous ferviroit-il de penetrer dans les myfteres les plus cachez de l'Arithme

tique & de l'Algebre? Il ne fuffit pas de courir bien du pays, de penetrer bien avant dans des terres fteriles, de découvrir des lieux où perfonne ne fut jamais: il faut aller droit à ces heureuses contrées, où l'on trouve des fruits en abondance, des viandes folides capables de nous nourrir.

Quand j'ay donc comparé les sciences entr'elles felon mes lumieres, les divers avantages ou de leur évidence, ou de leur utilité, je me fuis trouvé dans un embar ras étrange. Tantôt la crainte de tomber dans l'erreur donnoit la préference aux fciences exactes, telles que font l'Arithmetique & la Geometrie, dont les démonftrations contentent admirablement nôtre vaine curiofité. Et tantôt le defir de connoître, non les rapports des idées entr'elles, mais les rapports qu'ont entr'eux & avec nous les ouvrages de Dieu parmy lefquels nous vivons, m'engageoit dans la Phyfique, la Morale, & les autres fciences qui dépendent fouvent d'experiences & de phenomenes affez incertains. Chofe étrange, Theodore, que les fciences les plus utiles foient remplies d'obfcuritez impenetrables; & que l'on trouve un chemin feur, & affez facile & uny, dans celles qui ne font point fi neceffai

ceffaires! Or, je vous prie, quel moyen de faire une jufte eftime du rapport de la facilité des unes & de l'utilité des autres, pour donner la préference à celle qui le merite? Et comment pouvoir s'affûrer fi cel les-là mêmes qui paroiffent les plus utiles, le font effectivement; & fi celles qui ne paroiffent qu'évidentes, n'ont point de grandes utilitez dont on ne s'avife pas Je vous avoue, Theodore, qu'après y avoir bien penfé, je ne fçay point encore quoy me déterminer.

à

?

que

I. THEODORE. Vous n'avez pas perdu vôtre temps, mon cher Arifte, dans les réflexions que vous avez faites. Car quoy que vous ne fachiez pas précisément à quoy vous devez vous appliquer, je suis déjà bien affûré que vous ne donnerez pas dans quantité de fauffes études, auxquelles plus de la moitié du monde eft furieufement engagé. Je fuis bien certain fi je me trompois moy-même dans le choix que je feray de la fuite de nos entretiens, vous êtes en état de me defabufer. Quand les hommes levent la tefte & regardent de tous côtez, ils ne fuivent pas toûjours ceux qui vont devant. Ils ne les fuivent que lors qu'ils vont où il faut aller, & où ils veulent aller eux-mêmes. Et lors que

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