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je pourrois donc ajoûter, que nous l'adorions? Il faut, dites-vous, l'adorer par le filence & par l'admiration. Ouy par un filence refpectueux que la contemplation de fa grandeur nous impofe, par un filence religieux où l'éclat de fa Majefté nous réduife, par un filence forcé, pour ainfi dire, qui vienne de nôtre impuiflance, & qui n'ait point pour principe une negligence criminelle, une curiofité déreglée de connoître au lieu de luy des objets bien moins dignes de nôtre application. Qu'admirerez-vous dans la Divinité, , fi vous n'en connoiffez rien? Comment l'aimerezvous, fi vous ne la contemplez? Comment nous édifierons-nous les uns les autres dans la charité, fi nous banniffons de nos entretiens celuy que vous venez de reconnoître pour l'ame du commerce que nous avons enfemble, pour le lien de notre petite focieté? Affûrément, Arifte, plus vous connoîtrez l'Etre Souverain, plus vous en admirerez les perfections infinies. Ne craignez donc point d'y trop penfer & d'en parler indignement, pourvû que la foy vous conduife. Ne craignez point d'en porter de faux jugemens, pourvû qu'ils foient toûjours conformes à la notion de l'Etre infiniment parfait, Vous ne deshonorerez

point les perfections divines par des jugemens indignes d'elles, pourvû que vous n'en jugiez jamais par vous-même, pourvû que vous ne donniez point au Createur les imperfections & les limitations des creatures. Penfez y donc, Arifte. J'y penferay de mon côté, & j'efpere que Theotime en fera de même. Cela eft neceffaire pour la fuite des principes donc je croy devoir vous entretenir. A demain donc à l'heure ordinaire, car il eft temps que je me retire.

ARISTE. Adieu, Theodore. Je vous prie, Theotime, que nous nous retrouvions tous trois à l'heure marquée.

THEOTIME. Je fuis Theodore. Mais je reviendray avec luy, puis que vous le voulez bien... Ah, Theodore! qu'Arifte est changé.. Il eft attentif: il ne raille plus il ne s'arrête plus fi fort aux manieres: en un mot il entend raifon, & s'y rend de bonne foy.

THEODORE. Il eft vray. Mais fes préjugez reviennent encore à la traverse, & confondent un peu fes idées. La Raifon & les préjugez parlent tour à tour par sa bouche. Tantoft la verité le fait parler, & tantoft la memoire jouë fon jeu. Mais fon imagination n'ofe plus fe révolter.

C'eft

C'est ce qui marque un bon fonds, & me -fait tout efperer.

THE OTIM E. Que voulez-vous, Theodore? les préjugez ne fe quittent pas comme un vieil habit auquel on ne penfe plus. Il me femble que nous avons été comme Arifte. Car nous ne naiffons pas Philofophes, nous le devenonis. Il faudra luy rebattre inceffamment les grands principes, afin qu'il y penfe fi fouvent, que fon efprit s'en mette en poffeffion, & que dans le befoin ils fe préfentent à luy

tout naturellement.

THEODORE. C'eft ce que j'ay tâché de faire jufques icy. Mais cela luy fait de la peine, car il aime le détail & la varieté des penfées. Je vous prie d'appuyer toûjours fur la neceffité qu'il y a de bien comprendre les principes, afin d'arrêter la vivacité de fon efprit: & n'oubliez pas, s'il vous plaift, de mediter le fujet de nôtre entretien.

T

VIII. ENTRETIEN.

De Dieu & de fes attributs.

HEODORE. Hé bien, Arifte, dans quelle difpofition étes-vous? H

faut

faut que nous fachions l'état où vous vous trouvez, afin que nous puiffions y accommoder ce que nous avons à vous dire.

ARISTE. J'ay repaffé dans mon efprit ce que vous m'avez dit jufques icy, & je vous avouë que je n'ay pû résister à l'évidence des preuves fur lefquelles vos principes font appuyez. Mais ayant

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voulu mediter le fujet des attributs divins que vous nous avez propofé, j'y ay trouvé tant de difficultez, que je me fuis rebutté. Je vous difois bien que cette matiere étoit trop fublime, ou trop abftraite pour moy: je ne fçaurois y atteindre, & je n'y trouve point de prife.

THEODORE. Quoy! vous ne voulez rien nous dire?

ARISTE. C'eft que je n'ay rien de bon, rien qui me fatisfaffe. Je vous écouteray tous deux s'il vous plaift.

THEODORE. Cela ne nous plaist nullement. Mais puis que vous ne voulez pas nous dire ce que vous avez penfé, fouffrez que je vous interroge pour fçavoir vôtre sentiment sur ce qui m'eft venu dans l'efprit.

ARISTE. Volontiers: mais Theo

time?

THEO

THEODORE. Theotime fera le juge des petits differens, qui pourront bien naitre de la diverfité de nos idées.

THE OTIME. Le juge! comment l'entendez-vous? C'eft à la Raifon à préfider parmy nous, & à décider, fouverai

nement.

THEODORE. J'entens, Theotime, que vous ferez juge fubalterne par dépendance de la Raifon, & que vous ne pourrez prononcer que felon les loix qu'elle vous preferit comme à nous. Ne perdons point de temps, je vous pric. Confrontez feulement ce que nous dirons l'un & l'autre avec les réponfes de la Verité interieure, pour avertir & redreffer celuy qui s'égarera. Allons, Arifte. Suivez moy & ne m'arrêtez que lors que je pafferay trop legerement fur des endroits difficiles.

I. Par la Divinité nous entendons tous l'Infiny, l'Eftre fans reftriction, l'Eftre infiniment parfait. Or rien de finy ne peut reprefenter l'infiny. Donc il fuffit de penfer à Dieu pour fçavoir qu'il eft. Ne foyez pas furpris, Theotime, fi Arifte me paffe cela. C'eft qu'il en eft dêjà demeuré d'accord avant que vous fuf- II. Enfięz icy.

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tretien

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