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IX. ENTRETIEN.

Que Dieu agit toûjours felon ce qu'il eft. Qu'il a tout fait pour sa gloire en JesusChrift, & qu'il n'a point formé fes deffeins fans avoir égard aux voyes de les exe

I.

cuter.

and

HEODORE. Que penfez-vous Taujourd'huy, Arifte, de ce que

T

nous difmes hier. Avez-vous bien contemplé la notion de l'infiny, de l'Etre fans reftriction, de l'Etre infiniment parfait & pouvez-vous a maintenant l'envifager: toute pure, fans la reveftir des idées des creatures, fans l'incarner, pour ainfi dire, fans la limiter, fans la corrompre, pour l'accommoder à la foibleffe de l'efprit humain?

ARISTEAh, Theodore, qu'il eft difficile de feparer de la notion de l'être les idées de tels & tels êtres! Qu'il eft difficile de ne rien attribuer à Dieu de ce qu'on fent en foy-même ! Nous humanifons à tous momens la Divinité : nous limitons naturellement l'infiny. C'eft que l'efprit veut comprendre ce qui eft incomprehenfible: il veut voir le Dieu invifible. Il le

cher

cherche dans les idées des creatures : il s'arrête à les propres fentimens qui le touchent & qui le penetrent. Mais que tout cela eft éloigné de reprefenter la Divinité! & que ceux qui jugent des perfections divies par le fentiment interieur de ce qui fe paffe en eux., portent des jugemens étranges des attributs de Dieu, & de fa Providence adorable! J'entre voy ce que je vous dis: mais je ne le voy pas encore affez bien pour m'en expliquer.

THEODORE. Vous avez medité, Arifte. Je le fens bien par vôtre réponse. Vous comprenez que pour juger folidement des attributs divins & des regles de la Providence, il faut écarter fans ceffe de la notion de l'être les idées de tels & tels

C

propres

êtres, & ne confulter jamais fes fentimens interieurs. Cela fuffit. Continuons nôtre route; & prenons garde tous trois que nous ne donnions dans ce dangereux écueil de juger de l'infiny par quelque chofe de finy.

ARISTE. Nous y donnerons affûrément, Theodore, car tous les courans nous y portent. Je l'ay bien éprouvé depuis hier.pso

THEODORE. Je le croy, Arifte. Mais peut-être n'y ferons-nous pas naufra

ge.

ge. Du moins n'y donnons pas inconfiderément comme le commun des hommes. J'efpere que nous éviterons par nôtre vigilance mutuelle un bon nombre d'erreurs dangereufes, dans lefquelles on fe précipite aveuglément. Ne fattons point, Arifte, notre pareffe naturelled Courage, nôtre Maître commun qui eft l'auteur de nôtre foy, nous en donnera quelque intelligence, fi nous fçavons l'interroger avec une attention ferieufe, & avec le refpect & la foûmiffion qui eft duë à fa parole, & à l'autorité infaillible de fon Eglife. Commençons donc.

II. Hier, Arifte, vous demeuraftes. d'accord que Dieu connoiffoit & qu'il vouloit, non parce que nous connoiffons & que nous voulons, mais parce que connoître & vouloir font de veritables perfections. Qu'en penfez-vous maintenant ? Je prétens aujourd'huy confiderer la Divinité dans fes voyes, & comme fortant, pour ainfi dire, hors d'elle-même, comme prenant le deffein de fe répandre au dehors dans la production de fes creatures. Ainfi il faut bien s'affûrer que Dieu connoît & qu'il veut, puis que fans cela il eft, impoffible de comprendre qu'il puiffe rien. produire au dehors. Car comment agi

roit-il fagement fans connoiffance? Comment formeroit-il l'Univers fans le vou loir? Croyez-vous donc, Arifte, que celuy qui fe fuffit à luy-même, foit capable de former quelque defir?

2

ARISTE. Vous m'interrogezide maniere que vous faites toûjours naître en moy de nouveaux doutes. Je voy bien que c'eft que vous ne voulez pas me furprendre, ni laiffer derriere nous quelque retraite aux préjugez. Hé bien donc, Theodore, je ne doute nullement que Dieu ne connoiffe: mais je doute qu'il puiffe jamais rien vouloir, & qu'il ait jamais rien voulu. Car que pourroit-il vouloir, luy qui fe fuffit pleinement à luymême? Nous voulons nous autres: mais c'eft une marque de nôtre indigence. N'ayant pas ce qu'il nous faut, nous le defrons. Mais l'Etre infiniment parfait ne peut rien vouloir, rien defirer; puis qu'il voit bien que rien ne luy manque.

THEODOR E. Oh oh, Arifte! vous me furprenez. Dieu ne peut rien vouloir. Mais quoy! l'Etre infiniment parfait peutil nous avoir creez malgré luy, ou fans l'avoir bien voulu? Nous fommes, Arifte: ce fait eft conftant.

ARISTE. Ouy nous fommes: mais

nous

nous ne fommes point faits. Nôtre nature est éternelle. Nous fommes une émanation neceffaire de la Divinité. Nous en faifons partie. L'Etre infiniment parfait c'eft l'Univers, c'eft l'affemblage de tout ce qui eft.

THEODORE. Encore !

ARISTE. Ne penfez pas, Theodore, que je fois affez impie & affez infenfé pour donner dans ces rêveries. Mais je fuis bien-aife que vous m'appreniez à les réfuter. Car j'ay ouï dire qu'il y a des efprits affez corrompus pour s'en être laissé charmer.

THEODORE. Je ne fcay, Arifte, fi tout ce qu'on dit maintenant de certaines gens eft bien fûr; & fi mêmes ces anciens Philofophes, qui ont imaginé l'opinion que vous propofez, l'ont jamais cruë veritable. Car quoy qu'il y ait peu d'extravagances dont les hommes ne foient сараbles, je croirois volontiers que ceux qui produifent de femblables chimeres n'en font gueres perfuadez. Car enfin l'Auteur qui a renouvellé cette impieté, convient que Dieu eft l'Etre infiniment parfait. Et cela étant, comment auroit-il pû croire que tous les êtres creez ne font que des parties, ou des modifications de la Divi0 2 nité?

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