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prit. C'eft moy qui apperçois cette étendue. Mais cette étendue que j'apperçois n'eft point une modification de mon efprit. Car je fens bien que ce n'eft point moy-même que je voy, lors que je penfe à des efpaces infinis, à un cercle, à 'un quarré, à un cube, lors que je regarde cette chambre, lors que je tourne les yeux vers le ciel. La perception de l'étendue eft de moy. Mais cette étenduë, & toutes les figures que j'y découvre, je voudrois bien fçavoir comment, ne font point à moy. La perception que j'ay de l'étenduë ne peut être fans moy. C'eft donc une modification de mon efprit. Mais l'étenduë que je voy fubfifte fans moy. Car vous la pouvez contempler fans que j'y penfe, vous & tous les autres hom

mes.

X, THEODORE. Vous pourriez fans crainte ajoûter, ET DIEU MESME. Car toutes nos idées claires font en Dieu quant à leur realité intelligible. Ce n'eft qu'en luy que nous les voyons; ce n'eft que dans la Raifon univerfelle, qui éclaire par elle toutes les intelligences. Si nos idées font éternelles, immuables, neceffaires vous voyez bien qu'elles ne peuvent fe trouver que dans une nature immuable. B 4

Quý,

Ouy, Arifte, Dieu voit en luy-même l'étendue intelligible, l'archetype de la matiere dont le monde est formé, & où habitent nos corps: & encore un coup, ce n'eft qu'en luy que nous la voyons. Car nos efprits n'habitent que dans la Raifon univerfelle, dans cette fubftance intelligible qui renferme les idées de toutes les veritez que nous découvrons; foit en confequen*Cy.def. ce* des loix generales de l'union de nôtre fous, XII. efprit avec cette même Raifon ; foit en confequence des loix generales de l'union de nôtre ame avec nôtre corps, dont la caufe occafionnelle ou naturelle n'eft que les traces qui s'impriment dans le cerveau par l'action des objets, ou par le cours des efprits animaux.

Entr.

L'ordre ne permet pas prefentement que je vous explique tout cecy en particulier. Mais pour fatisfaire en partie le defir que vous avez de fçavoir comment l'efprit peut découvrir toutes fortes de figures, & voir ce monde fenfible dans l'étendue intelligible, prenez garde que vous appercevez un cercle, par exemple, en trois manieres. Vous le concevez, vous l'imaginez, vous le fentez ou le voyez. Lors que vous le concevez, c'eft que l'étendue intelligible s'applique à vôtre efprit avec des

bor

bornes indéterminées quant à leur grandeur, mais également diftantes d'un point déterminé, & toutes dans un même plan: & alors vous concevez un cercle en general. Lors que vous l'imaginez, c'eft qu'u ne partie déterminée de cette étenduë, dont les bornes font également diftantes d'un point, touche legerement vôtre efprit. Et lors que vous le fentez ou le voyez, c'eft qu'une partie déterminée de cette étenduë touche fenfiblement vôtre ame, & la modifie par le fentiment de quelque couleur. Car l'étendue intelligible ne devient vifible, & ne reprefente tel corps en particulier que par la couleur, puis que ce n'eft que par la diverfité des couleurs que nous jugeons de la difference des objets que nous voyons. Toutes les parties intelligibles de l'étendue intelligible font en qualité d'idées de même nature, auffibien que toutes les parties de l'étendue locale ou materielle en qualité de fubftance. Mais les fentimens de couleur étant effentiellement differens, nous jugeons par eux de la varieté des corps. Si je diftingue vôtre main de vôtre habit, & l'un & l'au tre de l'air qui les environne, c'eft que j'en ay des fentimens de couleur ou de lumiere fort differens. Cela eft évident. Car fi j'a B 5 vois

3. liv.

vois de tout ce qui eft dans votre chambre le même fentiment de couleur, je n'y verrois par le fens de la vue nulle diverfité d'objets. Ainfi vous jugez bien que l'étenduë intelligible diverfement appliquée à Voy. la nôtre efprit, * peut nous donner toutes Rech. de les idées que nous avons des figures mathela Verité, matiques, comme auffi de tous les objets 2. part. que nous admirons dans l'Univers, & enE- fin de tout ce que nôtre imagination nous clairciffe- reprefente. Car de même que l'on peut sette ma- par l'action du cifeau former d'un bloc de tiere. marbre toutes fortes de figures, Dieu peut Voy. auffi nous reprefenter tous les êtres materiels ma Rép. par les diverfes applications de l'étendue vre des intelligible à nôtre efprit. Or comment cela fe fait, & pourquoy Dieu le fait ainsi, des c'eft ce que nous pourrons examiner dans fauffes, la fuite.

ment fur

au Li.

vrayes

Idées de

Mr. Arn.

Lettre rouchant

digit

Cela fuffit, Arifte, pour un premier

ma I. entretien. Tâchez de vous accoûtumer aux idées metaphyfiques, & de vous élefa Dé. ver au deffus de vos fens. Vous voilà, fi fenfe. je ne me trompe, tranfporté dans un monde intelligible. Contemplez en les beautez. Repaffez dans votre efprit tout ce que je viens de vous dire. Nourriffez vous de la fubftance de la verité, & préparez vous à entrer plus avant dans ce pays inconnu

où vous ne faites encore qu'aborder. Je tâcheray demain de vous conduire jufqu'au Thrône de la Majefté fouveraine à qui appartient de toute éternité cette terre heureufe & immobile où habitent nos efprits.

ARISTE. Je fuis encore tout furpris & tout chancelant. Mon corps appefantit mon efprit, & j'ay peine à me tenir ferme dans les veritez que vous m'avez découvertes & cependant vous prétendez m'élever encore plus haut. La tête me tournera,

main coore: & fi je me fens de

je me trouve aujourd'huy je n'auray pas l'affûrance de vous fuivre.

THEODORE. Meditez, Arifte, ce que je viens de vous dire, & demain je vous promets que vous ferez preft à tout. La meditation vous affermira l'efprit, & yous donnera de l'ardeur & des afles pour paffer les creatures, & vous élever jufqu'à la prefence du Createur. Adieu, mon cher. Ayez bon courage.

ARISTE. Adieu, Theodore. Je vas faire ce que vous venez de m'ordonner.

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