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II. ENTRETIEN.

De l'Existence de Dieu.

Que nous pouvons voir en luy toutes chofes, & que rien de finy ne peut le reprefenter. Deforte qu'il fuffit de penser à luy pour Sçavoir qu'il eft.

HEODORE. Hé bien, Arifte, que Tpenfez-vous de ce monde intelligible où je vous conduifis hier? Vôtre imagination n'en eft-elle plus effrayée? Vôtre efprit marche-t-il d'un pas ferme & affûré dans ce pays des meditatifs, dans cette region inacceffible à ceux qui n'écoutent que leurs fens?

ARISTE, Le beau fpectacle, Theodores que l'Archetype, de l'Univers! Je J'ay contemplé avec une extrême fatisfaction. Que la furprife eft agreable, lors que fans fouffrir la mort l'ame fe trouve tranfportée dans le pays de la verité, où elle rencontre abondamment dequoy fe nourrir. Je ne fuis pas, il est vray, encore bien accoûtumé à cette manne celefte, à cette nourriture toute fpirituelle. Elle me paroît dans certains momens bien creuse & bien legere. Mais quand je la goûte avec

atten

attention, j'y trouve tant de faveur & de folidité, que je ne puis plus me réfoudre à venir paître avec les brutes fur une terre materielle,

THEODORE. Oh oh, mon cher Arifte, que me dites-vous là? Parlez-vous ferieufement?

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ARISTE. Fort ferieufement. Non je ne veux plus écouter mes fens. Je veux toûjours rentrer dans le plus fecret de moymême & vivre de l'abondance que j'y trouve. Mes fens font propres à condaire mon corps à fa pafture ordinaire: je confens qu'il les fuive. Mais que je les fuive moy! c'eft ce que je ne feray plus. Je veux fuivre uniquement la Raifon, & marcher par mon attention dans ce pays la verité, où je trouve des mets delicieux, & qui' feuls peuvent nourrir des intelligen

ces.

de

THEODORE. C'eft donc à ce coup que vous avez oublié que vous avez un corps. Mais vous ne ferez pas long-temps fans penfer à luy, ou plûtoft fans penfer par rapport à luy. Ce corps que vous negligez prefentement, vous obligera bientoft à le mener paître vous-même, & à vous occuper de fes befoins. Car maintenant l'efprit ne fe dégage pas fi facilement

de la matiere. Mais pendant que vous voilà pur efprit, dites moy, je vous prie, qu'avez-vous découvert dans le pays des idées? Sçavez-vous bien prefentement ce que c'eft que cette Raifon dont on parle tant dans ce monde materiel & terreftre, & que l'on y connoît fi peu? Je vous promis hier de vous élever au deffus de toutes les creatures, & de vous conduire jufqu'en prefence du Createur. N'y auriez-vous point volé de vous-même, & fans penfer à Theodore?

I. ARISTE. Je vous l'avoue. J'ay cru que fans manquer au refpect que je vous dois, je pouvois aller feul dans le chemin que vous m'avez montré. Je l'ay fuivy, & j'ay, ce me femble, connu clairement ce que vous me dîtes hier, fçavoir que la Raifon univerfelle eft une nature immuable, & qu'elle ne fe trouve qu'en Dieu. Voicy en peu de mots toutes mes démarches. Jugez en, & dites moy fi je me fuis égaré. Après que vous m'eûtes quitté, je demeuray quelque temps tout chancelant & tout interdit. Mais une fecrete ardeur me preffant, il me fembla que je me dis à moymême, je ne fçay comment, La Raison m'eft commune avec Theodore: pourquoy donc ne puis-je fans luy la confulter & la fuivre ?

Je

la

Je la confultay, & je la fuivis ; & elle me conduifit, fi je ne me trompe, jufqu'à celuy qui la poffede en propre, & par neceffité de fon être: car il me femble qu'elle y conduit tout naturellement. Voicy donc tout fimplement & fans figure le raifonnement que je fis.

L'étendue intelligible infinie n'eft point une modification de mon efprit. Elle est immuable, éternelle, neceflaire. Je ne puis douter de fa realité & de fon immenfité. Or tout ce qui eft immuable, éternel, neceffaire, & fur tout infiny, n'est point une creature, & ne peut appartenir à la creature. Donc elle appartient au Createur, & ne peut fe trouver qu'en Dieu. Donc il y a un Dieu, & une Raifon : un Dieu dans lequel fe trouve l'archetype que je contemple du monde creé que j'habite : un Dieu dans lequel fe trouve la Raifon qui m'éclaire par les idées purement intelligibles qu'elle fournit abondamment à mon efprit & à celuy de tous les hommes. Car je fuis feur que tous les hommes font unis à la même Raifon, que moy; puis que je fuis certain qu'ils voyent ou peuvent voir ce que je voy quand je rentre en moymême, & que j'y découvre les veritez ou les rapports neceffaires que renferme la

fub

fubftance intelligible de la Raison univerfelle qui habite en moy, ou plutoft dans laquelle habitent toutes les intelligences.

II. THEODORE. Vous ne vous étes point égaré, mon cher Arifte. Vous avez fuivy la Raifon; & elle vous a conduit à celuy qui l'engendre de fa propre fubftance, & qui la poffede éternellement. Mais ne vous imaginez pas qu'elle vous ait découvert la nature de l'Etre fuprême auquel` elle vous a conduit. Lors que vous contemplez l'étenduë intelligible, vous ne voyez encore que l'archetype du monde materiel que nous habitons, & celuy d'une infinité d'autres poffibles. A la verité Vous voyez alors la fubftance divine. Car il n'y a qu'elle qui foit vifible, ou qui puiffe éclairer l'efprit. Mais vous ne la voyez pas en elle-même, ou felon ce qu'elle eft. Vous ne la voyez que felon le rapport qu'elle a aux creatures materielles, que felon qu'elle eft participable par elles, ou qu'elle en eft reprefentative. Et par confequent ce n'eft point Dieu, à proprement parler, que vous voyez, mais feulement la matiere qu'il peut produire.

Vous voyez certainement par l'étenduë intelligible infinie que Dieu eft. Car il n'y a que luy qui renferme ce que vous voyez,

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