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XIII. ENTRETIEN.

Qu'il ne faut point critiquer la maniere ordinaire de parler de la Providence. Quelles font les principales loix generales par lesquelles Dieu gouverne le monde. De la Providence de Dieu dans l'infailli bilité qu'il conferve à fon Eglife.

I.

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RISTE. Ah, Theodore! que, l'idée que vous m'avez donnée de la Providence me paroît belle & noble, mais de plus qu'elle eft feconde & lumineufe, qu'elle eft propre à faire taire les libertins & les impies! Jamais principe n'eut plus de fuites avantageuses à la Religion & à la Morale. Qu'il répand de lu mieres, qu'il diffipe de difficultez cet ad mirable principe! Tous ces effets qui fe contredifent dans l'Ordre de la Nature & dans celuy de la Grace, ne marquent nulle contradiction dans la caufe qui les produit ce font au contraire autant de preuves évidentes de l'uniformité de fa conduite. Tous ces maux qui nous affligent, tous ces defordres qui nous choquent, tout cela s'accorde aifément avec la fageffe, la bonté, la juftice de celuy qui regle tout.

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Je voulois qu'on arrachaft les méchans qui vivent parmy les bons: mais j'attens en patience la confommation des fiecles, le jour de la moiffon, ce grand jour destiné à rendre à chacun felon fes œuvres. faut que l'ouvrage de Dieu s'execute par des voyes qui portent le caractere de fes attributs. J'admire prefentement le cours majeftueux de la Providence generale.

THEODORE. Je voy bien, Ariste, que vous avez fuivy de près & avec plaifir le principe que je vous ay expofé ces jours-cy, car vous en paroiffez encore tout émů. Mais l'avez-vous bien faifi, vous en étes-vous bien rendu le maître ? C'eft de quoy je doute encore, car il est bien difficile que depuis fi peu de temps vous l'ayez affez medité pour vous en mettre en pleine poffeffion. Faites nous part, je vous prie, de quelques-unes de vos réflexions, afin de me délivrer de mon doute, & que je fois en repos. Car plus les principes font utiles, plus ils font féconds, plus eft-il dangereux de ne les prendre pas tout-à-fait bien.

II. ARISTE. Je le croy ainfi, Theodore. Mais ce que vous nous avez dit est fi clair, vôtre maniere d'expliquer la Providence s'accorde fi parfaitement avec

l'idée de l'Etre infiniment parfait, & avec tout ce que nous voyons arriver, que je fçay bien qu'elle eft veritable. Que je fens de joye de me voir délivré du préjugé dans lequel je voy que donne le commun du monde, & même bien des Philofophes! Dès qu'il arrive quelque malheur à un méchant homme, ou connu pour tel, chacun juge auffi-tôt des deffeins de Dieu, & décide hardiment que Dieu l'a voulu punir. Mais s'il arrive, ce qui n'arrive que trop, qu'un fourbe, qu'un fcelerat reüffiffe dans fes entreprises, ou qu'un homme-de-bien fuccombe à la calomnie de fes ennemis; eft-ce que Dieu veut punir celuy-cy,& récompenfer celuylà? Nullement. C'eft, difent les uns, que Dieu veut éprouver la vertu de cet. homme-de-bien; & les autres, que c'eft un malheur qu'il a feulement permis, & qu'il n'a pas eu deffein de caufer. Je trouve que ces peuples qui font gloire de hair & de méprifer les pauvres, fur ce principe, que Dieu luy-même hait & méprife les miferables, puis qu'il les laiffe dans leurs miferes raifonnent plus confequemment. De quoy s'avife-t-on de juger des deffeins de Dieu ? Ne devroit-on pas comprendre qu'on n'y Y S

con

connoît rien, puis qu'on fe contredit à

tous momens ?

THEODORE. Eft-ce là, Arifte, comment vous prenez mes principes, & l'ufage que vous en faites? Je trouve que ceux que vous condamnez ont plus de raifon que vous.

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ARISTE. Comment Theodore ! Je pense que vous raillez, ou que vous voulez vous divertir à me contredire. THEODORE. Nullement.

ARISTE. Quoy donc! eft-ce que vous approuvez l'impertinence de ces Hiftoriens paffionnez, qui après avoir raconté la mort d'un Prince, jugent des deffeins de Dieu fur luy felon leur paffion & les interefts de leur nation? Il faut bien que les Ecrivains Efpagnols, ou les François ayent tort, ou peut-être les uns & les autres, lors qu'ils décrivent la mort de Philippe II. Ne faut-il pas que les Rois meurent auffi-bien que nous ?

THEODORE. Ces Hiftoriens ont tort: mais vous n'avez pas raifon. Il ne faut pas juger que Dieu a deffein de faire du mal à un Prince ennemy que nous haïffons. Cela eft vr: y. Mais on peut, & on doit croire qu'il a deffein de punir les méchans, & de écompenfer les bons.

Ceux qui jugent de Dieu fur l'idée qu'ils ont de la juftice exacte de l'Etre infiniment parfait, en jugent bien; & ceux qui luy attribuent des deffeins qui favorifent leurs inclinations déreglées, en jugent très-mal.

III. ARISTE. Il eft vray: mais c'eft une des fuites des loix naturelles, que tel foit accablé fous les ruines de fa maison; & le plus homme-de-bien n'en auroit pas échappé.

THEODORE. Qui en doute? Mais avez-vous déjà oublié que c'eft Dieu qui a étably ces loix naturelles. La fauffe idée d'une nature imaginaire vous occupe encore quelque peu l'efprit, & vous empêche de bien prendre le principe que je vous ay expliqué. Prenez donc garde. Puis que c'eft Dieu qui a étably les loix naturelles, il a dû combiner le physic avec le moral de maniere, que les fuites de ces loix foient les meilleures qui puisfent être, je veux dire, les plus dignes de fa juftice & de fa bonté, auffi-bien que de fes autres attributs. Ainfi on a raison de dire, que la mort terrible d'un brutal & d'un impie eft un effet de la vangeance divine. Car quoy que cette mort ne foit peut-être qu'une fuite des loix naturelles

Y 6

que

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