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voir des gens de la cour; ce commerce ne serviroit qu'à lui faire prendre un air ridicule et disproportionné: renfermez-la dans les bornes de sa condition, et donnez-lui pour modeles les personnes qui réussissent le mieux; formez son esprit pour les choses qu'elle doit faire toute sa vie ; apprenez-lui l'économie d'une maison bourgeoise, les soins qu'il faut avoir pour les revenus de la campagne, pour les rentes et pour les maisons qui sont les revenus de la ville, ce qui regarde l'éducation des enfants, et enfin le détail des autres occupations, d'affaires, ou de commerce dans lequel vous prévoyez qu'elle pourra entrer, quand elle sera mariée. Si au contraire elle se détermine à se faire religieuse sans y être poussée par ses parents, tournez dès ce moment toute son éducation vers l'état où elle aspire; faites-lui faire des épreuves sérieuses des forces de son esprit et de son corps, sans attendre le noviciat, qui est une espece d'engagement par rapport à l'honneur du monde; accoutumez-la au silence; exercez-la à obéir sur des choses contraires à son humeur et à ses habitudes; essayez peu à peu de voir de quoi elle est ca pable pour la regle qu'elle veut prendre; tâchez de l'accoutumér à une vie grossiere, sobre et laborieuse ; montrez-lui en détail combien on est libre et heureux de savoir se passer des choses que la vanité et

la mollesse, ou même la bienséance du siecle, rendent nécessaires hors du cloître; en un mot, en lui faisant pratiquer la pauvreté, faites-lui en sentir le bonheur que Jésus-Christ nous a révélé. Enfin, n'oubliez rien pour ne laisser dans son cœur le goût d'aucune des vanités du monde, quand elle le quittera. Sans lui faire faire des expériences trop dangereuses, découvrez-lui les épines cachées sous les faux plaisirs que le monde donne; montrez-lui des gens qui y sont malheureux au milieu des plaisirs.

JE

CHAPITRE XIII.

Des gouvernantes.

E prévois que ce plan d'éducation pourra passer dans l'esprit de beaucoup de gens, pour un projet chimérique. Il faudroit, dira-t-on, un discernement, une patience, un talent extraordinaire, pour l'exécuter. Où sont les gouvernantes capables de l'entendre? A plus forte raison, où sont celles qui peuvent le suivre ? Mais je prie de considérer attentivement que quand on entreprend un ouvrage sur la meilleure éducation qu'on' peut donner aux enfants, ce n'est pas pour donner des regles imparfaites: on ne doit donc pas trouver mauvais qu'on vise au plus parfait

dans cette recherche. Il est vrai que chacun ne pourra pas aller dans la pratique aussi loin que vont nos pensées lorsque rien ne les arrête sur le papier: mais enfin, lors même qu'on ne pourra pas arriver jusqu'à la perfection dans ce travail, il ne sera pas inutile de l'avoir connue, et de s'être efforcé d'y atteindre c'est le meilleur moyen d'en approcher, D'ailleurs cet ouvrage ne suppose point une nature accomplie. dans les enfants, et un concours de toutes les circonstances les plus heureuses pour composer une éducation parfaite au contraire, je tâche de donner des remedes pour les naturels mauvais ou gâtés; je suppose les mécomptes ordinaires dans les éducations, et j'ai recours aux moyens les plus simples pour redresser, en tout ou en partie, ce qui en a besoin. Il est vrai qu'on ne trouvera point dans ce petit ouvrage de quoi faire réussir une éducation négligée et mal conduite; mais faut-il s'en étonner? N'est-ce pas le mieux qu'on puisse souhaiter, que de trouver des regles simples dont la pratique exacte fasse une solide éducation ? J'avoue qu'on peut faire et qu'on fait tous les jours pour les enfants beaucoup moins que ce que je propose; mais aussi on ne voit que trop combien la jeunesse souffre par ces négligences. Le chemin que je représente, quelque long qu'il paroisse, est le plus court, puisqu'il mene droit où l'on

veut aller: l'autre chemin, qui est celui de la crainte, et d'une culture superficielle des esprits, quelque court qu'il paroisse, est trop long; car on n'arrive presque jamais par-là au seul vrai but de l'éducation, qui est de persuader les esprits, et d'inspirer l'amour sincere de la vertu. La plupart des enfants qu'on a conduits par ce chemin, sont encore à recommencer quand leur éducation semble finie; et après qu'ils ont passé les premieres années de leur entrée dans le monde à faire des fautes souvent irréparables, il faut que l'expérience et leurs propres réflexions leur fassent trouver toutes les maximes que cette éducation gênée et superficielle n'avoit point su leur inspirer. On doit encore observer que ces premieres peines que je demande qu'on prenne pour les enfants, et que les gens sans expérience regardent comme accablantes et impraticables, épargnent des désagré→ ments bien plus fâcheux, et applanissent des obstacles qui deviennent insurmontables dans la suite d'une éducation moins exacte et plus rude. Enfin, considérez que, pour exécuter ce projet d'éducation, il s'agit moins de faire des choses qui demandent un grand talent, que d'éviter des fautes grossieres que nous avons marquées ici en détail. Souvent il n'est question que de ne point presser les enfants, d'être assidu auprès d'eux, de les observer, de leur inspirer

de la confiance, de répondre nettement et de bon sens à leurs petites questions, de laisser agir leur naturel pour le mieux connoître, et de les redresser avec patience, lorsqu'ils se trompent ou font quelque faute. Il n'est pas juste de vouloir qu'une bonne éducation puisse être conduite par une mauvaise gouvernante; c'est sans doute assez que de donner des regles pour la faire réussir par les soins d'un sujet médiocre ; ce n'est pas demander trop de ce sujet médiocre, que de vouloir qu'il ait au moins le sens droit, une humeur traitable, et une véritable crainte de Dieu. Cette gouvernante ne trouvera dans cet écrit rien de subtil ni d'abstrait; quand même elle ne l'entendroit pas tout, elle concevra le gros, et cela suffit. Faites qu'elle le lise plusieurs fois; prenez la peine de le lire avec elle; donnez-lui la liberté de vous arrêter sur tout ce qu'elle n'entend pas, et dont elle ne se sent pas persuadée; ensuite mettez-la dans la pratique; et à mesure que vous verrez qu'elle perd de vue, en parlant à l'enfant, les regles de cet écrit qu'elle étoit convenue de suivre, faites-le lui remarquer doucement en secret. Cette application vous sera d'abord pénible; mais si vous êtes le pere ou la mere de l'enfant, c'est votre devoir essentiel : d'ailleurs vous n'aurez pas long-temps de grandes difficultés là-dessus; car cette gouvernante, si elle est

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