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quent de raison et d'honneur jusqu'à se faire châtier; retranchez les marques d'amitié ordinaires, jusqu'à ce que vous voyiez qu'il ait besoin de consolation; rendez ce châtiment public ou secret, selon que vous jugerez qu'il sera plus utile à l'enfant, ou de lui causer une grande honte, ou de lui montrer qu'on la lui épargne; réservez cette honte publique pour servir de dernier remede; servez-vous quelquefois d'une personne raisonnable qui console l'enfant, qui lui dise ce que vous ne devez pas alors lui dire vous-même, qui le guérisse de la mauvaise honte, qui le dispose à revenir à vous, et à qui l'enfant, dans son émotion, puisse ouvrir son cœur plus librement qu'il n'oseroit le faire devant vous. Mais sur-tout qu'il ne paroisse jamais que vous demandiez de l'enfant que les soumissions nécessaires; tâchez de faire en sorte qu'il s'y condamne lui-même, qui les exécute de bonne grace, et qu'il ne vous reste qu'à adoucir la peine qu'il aura acceptée. Chacun doit employer les regles générales selon les besoins particuliers: les hommes, et sur-tout les enfants, ne se ressemblent pas toujours à eux-mêmes; ce qui est bon aujourd'hui est dangereux demain; une conduite toujours uniforme ne peut être utile.

Le moins qu'on peut faire de leçons en forme, c'est le meilleur. On peut insinuer une infinité d'in

structions plus utiles que les leçons mêmes, dans des conversations gaies. J'ai vu divers enfants qui ont appris à lire en se jouant: on n'a qu'à leur raconter des choses divertissantes qu'on tire d'un livre en leur présence, et leur faire connoître insensiblement les lettres; après cela, ils souhaitent d'eux-mêmes de pouvoir aller à la source de ce qui leur a donné du plaisir.

Les deux choses qui gâtent tout, c'est qu'on leur fait apprendre à lire d'abord en latin, ce qui leur ôte tout le plaisir de la lecture, et qu'on veut les accoutumer à lire avec une emphase forcée et ridicule. Il faut leur donner un livre bien relié, doré même sur la tranche, avec de belles images et des caracteres bien formés. Tout ce qui réjouit l'imagination facilite l'étude : il faut tâcher de choisir un livre plein d'histoires courtes et merveilleuses. Cela fait, ne soyez pas en peine que l'enfant n'apprenne à lire: ne le fatiguez pas même pour le faire lire exactement, laissez-le prononcer naturellement comme il parle; les autres tons sont toujours mauvais, et sentent la déclamation du college: quand sa langue sera dénouée, sa poitrine plus forte, et l'habitude de lire plus grande, il lira sans peine, avec plus de grace et plus distinctement.

La maniere d'enseigner à écrire doit être à-peu

près de même. Quand les enfants savent déja un peu lire, on peut leur faire un divertissement de former les lettres; et s'ils sont plusieurs ensemble, il faut y mettre de l'émulation. Les enfants se portent d'euxmêmes à faire des figures sur le papier: si peu qu'on aide cette inclination sans la gêner trop, ils formeront les lettres en se jouant, et s'accoutumeront peuà-peu à écrire. On peut même les y exciter en leur promettant quelque récompense qui soit de leur goût, et qui n'ait point dé conséquence dangereuse."

Écrivez-moi un billet, dira-t-on ; mandez telle chose à votre frere ou à votre cousin : tout cela fait plaisir à l'enfant, pourvu qu'aucune image triste de leçon réglée ne le trouble. Une libre curiosité, dit saint Augustin sur sa propre expérience, excite bien plus l'esprit des enfants, qu'une regle et une nécessité imposée par la crainte.

Remarquez un grand défaut des éducations ordinaires: on met tout le plaisir d'un côté, et tout l'ennui de l'autre; tout l'ennui dans l'étude, tout le plaisir dans les divertissements. Que peut faire un enfant? sinon supporter impatiemment cette regle, et courir ardemment après les jeux.

Tâchons donc de changer cet ordre : rendons l'étude agréable; cachons-la sous l'apparence de la liberté et du plaisir; souffrons que les enfants inter

rompent quelquefois l'étude par de petites saillies de divertissement, ils ont besoin de ces distractions pour délasser leur esprit.

Laissons leur vue se promener un peu; permettons-leur même de temps en temps quelque digression ou quelque jeu, afin que leur esprit se mette au large; puis ramenons-les doucement au but. Une régularité trop exacte pour exiger d'eux des études sans interruption leur nuit beaucoup: souvent ceux qui les gouvernent affectent cette régularité, parcequ'elle leur est plus commode qu'une sujétion continuelle à profiter de tous les moments. En même temps, ôtons aux divertissements des enfants tout ce qui peut les passionner trop: mais tout ce qui peut délasser l'esprit, lui offrir une variété agréable, satisfaire sa curiosité pour les choses utiles, exercer le corps aux arts convenables, tout cela doit être employé dans les divertissements des enfants. Ceux qu'ils aiment le mieux sont ceux où le corps est en mouvement; ils sont contents, pourvu qu'ils changent souvent de place; un volant ou une boule suffit. Ainsi il ne faut pas être en peine de leurs plaisirs, ils en inventent assez eux-mêmes; il suffit de les laisser faire, de les observer avec un visage gai, et de les modérer dès qu'ils s'échauffent trop. Il est bon seulement de leur faire sentir, autant qu'il est possible, les plaisirs

que l'esprit peut donner, comme la conversation, les nouvelles, les histoires, et plusieurs jeux d'industrie qui renferment quelque instruction. Tout cela aura' son usage en son temps: mais il ne faut pas forcer le goût des enfants là-dessus, on ne doit que leur offrir des ouvertures; un jour leur corps sera moins disposé à se remuer, et leur esprit agira davantage.

Le soin qu'on prendra cependant à assaisonner de plaisirs les occupations sérieuses servira beaucoup à ralentir l'ardeur de la jeunesse pour les divertissements dangereux. C'est la sujétion et l'ennui qui donnent tant d'impatience de se divertir. Si une fille s'ennuyoit moins à être auprès de sa mere, elle n'auroit pas tant d'envie de lui échapper pour aller chercher des compagnies moins bonnes.

Dans le choix des divertissements, il faut éviter toutes les sociétés suspectes. Point de garçons avec les filles, ni même des filles dont l'esprit ne soit réglé et sûr. Les jeux qui dissipent et qui passionnent trop, ou qui accouțument à une agitation de corps immodeste pour une fille, les fréquentes sorties de la maison, et les conversations qui peuvent donner l'envie d'en sortir souvent, doivent être évités. Quand on ne s'est encore gâté par aucun grand diver tissement, et qu'on n'a fait naître en soi aucune passion ardente, on trouve aisément la joie; la santé et

TOME III.

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