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sur les beautés et les défauts des plus fameux ouvrages

de leurs temps.

D'ailleurs rien ne sauroit être plus utile pour exécuter le dessein que l'académie a toujours eu de donner au public une rhétorique et une poétique. L'article XXVI de nos statuts porte en termes exprès que ces ouvrages seront composés sur les observations de l'académie: c'est donc par les observations qu'il faut commencer, et c'est ce que je propose.

S'il ne s'agissoit que de mettre en françois les regles d'éloquence et de poésie que nous ont données les Grecs et les Latins, il ne nous resteroit plus rien à faire. Ils ont été traduits en notre langue, et sont entre les mains de tout le monde ; et la poétique d'Aristote n'étoit peut-être pas si intelligible de son temps pour les Athéniens qu'elle l'est aujourd'hui pour les François depuis l'excellente traduction que nous en avons, et qui est accompagnée des meilleures notes qui aient peut-être jamais été faites sur aucun auteur de l'antiquité.,

Mais il s'agit d'appliquer ces préceptes à notre langue, de montrer comment on peut être éloquent en françois, et comment on peut, dans la langue de Louis le Grand, trouver le même sublime et les mêmes graces qu'Homere et Démosthene, Cicéron et Virgile, avoient trouvés dans la langue d'Alexandre et dans celle d'Auguste.

TOME III.

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Or cela ne se fera pas en se contentant d'assurer avec une confiance peut-être mal fondée que nous sommes capables d'égaler et même de surpasser les anciens. Ce n'est en effet que par la lecture de nos bons auteurs et par un examen sérieux de leurs ou̟vrages que nous pouvons connoître nous-mêmes et faire ensuite sentir aux autres ce que peut notre langue et ce qu'elle ne peut pas, et comment elle veut être maniée pour produire les miracles qui sont les effets ordinaires de l'éloquence et de la poésie.

Chaque langue a son génie, son éloquence, sa poésie, et, si j'ose ainsi parler, ses talents particuliers.

Les Italiens ni les Espagnols ne feront jamais peutêtre de bonnes tragédies ni de bonnes épigrammes, ni les François de bons poëmes épiques ni de bons

sonnets.

Nos anciens poëtes avoient voulu faire des vers sur les mesures d'Horace comme Horace en avoit fait sur les mesures des Grecs: cela ne nous a pas réussi, et il a fallu inventer des mesures convenables aux mots dont notre langue est composée.

Depuis cent ans l'éloquence de nos orateurs pour la chaire et pour le barreau a changé de forme trois ou quatre fois. Combien de styles différents avonsnous admirés dans les prédicateurs avant que d'avoir éprouvé celui du P. Bourdaloue qui a effacé tous les autres, et qui est peut-être arrivé à la perfection dont

notre langue est capable dans ce genre d'éloquence!

Il seroit inutile d'entrer dans un plus grand détail; il suffit de dire en un mot que les plus importants et les plus utiles préceptes que nous ont laissés les anciens, soit pour l'éloquence, ou pour la poésie, ne sont autre chose que les sages et judicieuses réflexions qu'ils avoient faites sur les ouvrages de leurs plus célebres écrivains.

Voilà le travail que j'estime être le seul digne de l'académie après que le dictionnaire sera achevé, et je proposerai la maniere de le conduire avec ordre et avec facilité au cas qu'elle en fasse le même jugement que moi.

Je demande cependant qu'à l'exemple de l'ancienne Rome on me permette de sortir un peu de món sujet, et de dire mon avis sur une chose qui n'a point été mise en délibération, mais que je crois très importante à l'académie.

Je dis donc qu'avant toutes choses nous devons songer très sérieusement à rétablir dans la compagnie une discipline exacte qui y est très nécessaire et qui peut-être n'y a jamais été depuis son établisse

.ment. 17

Sans cela, nos plus beaux projets et nos plus fermes résolutions s'en iront en fumée et n'auront point d'autre effet que de nous attirer les railleries du public.

Il n'y a point de compagnie, de toutes celles qui s'assemblent sous l'autorité publique dans le royauqui n'aient leurs loix et leurs statuts, et elles ne se maintiennent qu'en les observant.

me,

Eschine disoit à ses citoyens qu'il faut qu'une république périsse lorsque les loix n'y sont point observées, ou qu'elle a des loix qui se détruisent l'une l'autre ; et il seroit aisé de montrer que l'académie est dans ces deux cas.

Il faut donc remédier à ce désordre qui entraîneroit infailliblement la ruine de l'académie : mais pour le faire avec succès, et pour pouvoir même, en nous faisant des loix, conserver l'indépendance et la liberté que nous procure la glorieuse protection dont nous sommes honorés, je suis d'avis que l'académie commence par députer au roi pour demander à sa majesté la permission de se réformer elle-même, d'abroger ses anciens statuts, et d'en faire de nouveaux, selon qu'elle le jugera convenable.

Qu'elle demande aussi la permission de nommer pour ce travail des commissaires en tel nombre qu'elle trouvera à propos, et qu'elle supplie sa majesté de vouloir bien lui faire l'honneur de marquer elle-même un ou deux de ceux qu'elle aura le plus agréable qui soient nommés.

DIRECTIONS

POUR

LA CONSCIENCE D'UN ROI.

Et nunc, reges, intelligite; erudimini, qui

judicatis terram. Ps. 2, 10.

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