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Philippe V, nourri selon les mœurs et selon les préjugés de la nation espagnole, avec beaucoup d'aversion pour les François et pour leurs loix, viendroit étendre sa domination sur eux. Alors les descendants de monseigneur le duc de Berri, nourris en France avec l'amour et le respect de toute la nation, contesteroient apparemment la couronne avec un grand parti à ce roi étranger qui viendroit subjuguer la France. C'est ce qu'on auroit dû prévoir de loin.

Il faut encore observer que le roi, et monseigneur le dauphin, qui est en puissance de pere, n'ont pas été libres d'accepter le testament de Charles II, où Philippe V est appellé, parcequ'ils étoient actuelle-ment liés par le traité solemnel de partage. Ils ne pouvoient rien faire contre ce traité qu'après avoir fait consentir à leur changement le roi d'Angleterre et les états-généraux, avec lesquels ils s'étoient engagés solemnellement. Il falloit sommer l'empereur d'accepter le partage, et, sur son refus, déclarer à l'Angleterre et à la Hollande qu'on se tenoit pour dégagé: alors on eût été libre d'accepter le testament; jusques-là, on ne l'étoit pas.

Enfin, Philippe V n'a pas renoncé à ses droits d'enfant de France pour succéder à la couronne : au contraire, il a demandé et obtenu d'y être confirmé. La qualité de roi d'Espagne ne peut donc pas le rendre

indépendant du roi son pere, pour toutes les choses qui concernent la conservation du royaume et de la couronne à laquelle il a un droit de succession; il faut ou qu'il renonce à tout droit de succession (et c'est ce qu'il ne peut jamais faire pour ses descendants), ou qu'il ne soit roi d'Espagne qu'à condition de ne jamais manquer aux devoirs d'un fils de France, qui est un des héritiers de la couronne. En vérité, peut-on croire que le roi et monseigneur le dauphin aient procuré à ce prince cadet, par préférence aux aînés, la couronne d'Espagne, en sorte qu'il puisse sacrifier la France même à sa grandeur personnelle, et aimer mieux laisser périr le roi, et messeigneurs ses peres et ses bienfaiteurs, avec toute la maison royale et tout le royaume, plutôt que de renoncer à ce qu'il tient de leur pure bonté? Qu'y auroit-il de plus ingrat et de plus dénaturé que ce procédé? Il ne cesse point de se devoir tout entier à la conservation des personnes du roi et de monseigneur le dauphin, de la maison dont il est membre, et de la couronne à laquelle il a droit de succéder. Ce n'est que par le Foi et monseigneur le dauphin qu'il appartient à l'Espagne. C'est à la France qu'il appartient par la nature même, dont la loi est indispensable. Il est toujours censé, par le droit naturel, que les engagements qu'il a pris avec l'Espagne sont subordonnés à ceux dans

lesquels il est né, pour ne laisser périr ni ses peres et bienfaiteurs, ni sa maison, ni sa patrie, ni la couronne à laquelle il peut succéder. Voilà le premier devoir, qui est essentiel; l'autre ne peut être que le second. J'avoue que j'ai cru dans les commencements que le droit de Philippe V pouvoit être bien soutenu: dans la suite, en examinant les choses de plus près, j'y ai trouvé les embarras que je marque ici. Mais enfin je ne vois rien qui doive faire douter que ce prince ne soit obligé de renoncer à son droit bón ou mauvais sur l'Espagne pour sauver la France, supposé que nous nous trouvions dans le cas d'une derniere extrémité. Cette déposition volontaire, loin de déshonorer ce prince, seroit en lui un acte héroïque de religion, de courage, de reconnoissance pour le roi et pour monseigneur le dauphin, de zele pour la France et pour sa maison. Il seroit même inexcusable de refuser ce sacrifice. Il ne s'agit nullement de ruiner l'Espagne; car, en la quittant, il en laissera toute la monarchie aussi entiere et aussi paisible qu'il l'a reçue. Il ne manquera donc en rien au dépôt qui lui a été confié : il ne sacrifiera que sa grandeur personnelle. Or ne doit-il pas préférer à sa grandeur personnelle ses peres et ses bienfaiteurs, de qui il la tient, avec le salut de la France entiere qui paroît dépendre de ce sacrifice?

E

TROISIÈME MÉMOIRE.

Je suis très mal instruit du véritable état des affaires générales, et je n'en puis parler qu'au hasard sur ce que j'en entends dire confusément : mais les personnes plus éclairées et mieux instruites que moi, pour qui je parle, sauront bien corriger mes vues si elles ne sont pas justes. J'avoue que je crains que nous n'allions point jusqu'au fond des choses, et que nous ne nous flattions encore très dangereusement, lors même que nous croyons enfin avoir ouvert les et que nous ne nous flattons plus. Venons au détail.

I.

yeux,

Je conviens que les ennemis, ne doivent point vouloir réduire le roi à faire la guerre à son petit-fils: c'est plutôt vouloir le déshonorer, qu'exiger de lui une sûreté effective. Si les ennemis raisonnent solidement, ils doivent voir que cette condition n'éviteroit pas ce qu'ils craignent, supposé que le roi fût de mauvaise foi, comme ils le soupçonnent. Sa majesté leur donneroit, selon son traité, un certain nombre de troupes contre l'Espagne; et, d'un autre côté, elle feroit passer insensiblement en Espagne un nombre prodigieux de soldats et d'officiers congé

TOME III.

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diés, contre nos ennemis. Ce qui me paroît de l'intention des alliés, c'est qu'en demandant au roi une si dure et si honteuse condition, ils supposent que le roi est le maître de faire revenir son petit-fils, pourvu qu'il le veuille de bonne foi, et qu'il y emploie les moyens les plus efficaces. Ils comptent que le roi emploiera tous ces moyens décisifs plutôt que de se déshonorer par la démarche honteuse de faire la guerre à son petit-fils pour lui arracher la couronne qu'il lui a donnée.

I I.

J'ai été dès le commencement affligé du secret avec lequel la négociation de Hollande a été menée: j'aurois souhaité que.M. de Torci l'eût rendue publique jusques dans la populace de Hollande, qui souffre de la guerre, et qui soupire après la paix.. D'un côté, c'étoit une mauvaise honte que de n'oser publier nos offres humiliantes : vous ne pouviez espérer aucun secret à cet égard, puisque ces offres étoient dans les mains de tous vos ennemis, intéressés à les publier jusques dans l'Espagne. D'un autre côté, vous deviez voir, ce me semble, qu'une grande partie des alliés ne desiroit point la paix, et que vous ne pouviez la leur arracher qu'autant que vous feriez sentir aux vrais républicains de Hollande et à tout le peuple leur véritable intérêt, qui est sans doute de

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