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impérial, elles allèrent toujours en dégénérant, pendant que tous les vices croissoient et régnoient ensemble. Enfin tout retomba dans la barbarie, sous le despotisme militaire, qui fait alternativement la force et la perte des princes qui l'emploient.

On assigne communément quatre époques au règne des lettres et des arts, les siècles d'Alexandre, d'Auguste, de Léon X et de Louis XIV; le premier a été plus justement nommé le siècle d'Athènes et de la Grèce. Si l'on en fait honneur à Alexandre, c'est qu'il a fait lui-même époque dans l'histoire universelle, que ce prince proté gea les savans, fit les plus grandes dépenses pour les recherches et les expériences d'Aristote, son précepteur, et que, toutes choses égales, le goût brille plus particulièrement dans une cour, quand il s'y montre. D'ailleurs Athènes est un exemple unique parmi les républiques. En effet, ce n'est pas à Carthage et dans un état uniquement commerçant, qu'il faut chercher les arts d'agrément. La destruction de cette rivale ne procura que des richesses à l'avarice de Rome, et contribua plus à sa corruption qu'à son goût.

Nous venons de voir ce qui a mérité à Auguste l'honneur de faire la seconde époque. A l'égard de Léon X, sa famille doit être regardée comme la restauratrice des lettres et des arts en

Europe; les Médicis recueillirent tout ce que la barbarie chassa de la Grèce; ainsi les Grecs furent encore, pour l'Italie, ce que leurs ancêtres avoient été pour les Romains, leurs premiers maîtres, comme les Italiens ont été les nôtres. C'est de l'Italie que sont partis les rayons qui ont éclairé tous les états modernes; mais ils ont porté en quelques endroits plus de chaleur qu'il n'en est resté au centré. On y trouve encore des hommes qui, en chaque genre, seroient distingués ailleurs; mais les productions ordinaires sont des comédies bizarres, des sonnets, ou ce qui ne tient qu'au bel esprit, qui n'est de sa nature que le brillant des idées communes. Si les artistes de toutes les nations vont encore en Italie étudier les modèles de leur art, ils y cherchent plutôt les chefs-d'œuvres dont elle est dépositaire, que ce qu'elle produit aujourd'hui.

Le siècle de Louis XIV, et je ne le borne pas à la France, a égalé en tout les trois siècles renommés, et les a surpassés en plusieurs points. Ce siècle dure encore, malgré les déclamations de ceux qui ne contribuent en rien à sa gloire. Si quelques talens paroissent peut-être avoir moins d'éclat, combien de lumières, quelquefois, je l'avoue, mêlées d'un peu de fumée, ne se sont pas répandues de proche en proche ! Plusieurs de ceux qui se bornent à juger des let

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tres, en ont autant que ceux qui les cultivent par état, et plus que bien des auteurs qui brilloient autrefois. Tel qui auroit parlé alors, ne seroit pas aujourd'hui en état d'entendre. Je ne nierai pas que des esprits éblouis de leur propre lumière n'aient pu, , par hasard, la porter

dans de fausses routes; mais c'est toujours la clarté qui fait reconnoître la vraie, et y ramène; au lieu que des gens, qui ne peuvent régner que dans les ténèbres, ont exagéré de légers écarts, non pour ramener, mais pour empêcher de marcher.

Ceux qui occupent certaines places sans les remplir, voudroient n'avoir que des aveugles pour témoins. Ils regrettent le règne des talens futiles, et protégent de petits cliens qui ne peuvent les démasquer. Ils voudroient éteindre partout le flambeau de la raison. Ce sont, si je puis en matière si grave employer une comparaison frivole, ce sont des femmes dont le visage craint le grand jour. S'ils sont quelquefois obligés de recourir aux gens d'esprit, ils les recherchent comme instrumens, et les haïssent comme témoins.

Après avoir considéré l'état des sciences, des lettres et des arts dans leurs différentes époques, on remarque aisément quelle forme de gouvernement leur est la plus favorable. Il me semble

que c'est un état opulent régi par des lois dou

ees,

tel que celui d'Athènes; telle fut aussi l'administration des Médicis, qui, après quelques contrariétés, usurpèrent la souveraineté par l'amour de leurs concitoyens, usurpation plus légitime que le droit de conquête. Les mêmes avantages se trouvent dans une monarchie tempérée par une politique habile, telle que celle d'Auguste, ou par le désir de plaire à un prince puissant qui aura été assez heureux pour l'inspirer, ou en jouir s'il le trouve établi. Alexandre est un exemple du premier, et Louis XIV du second.

A quelque degré de perfection que les sciences, les lettres et les arts soient portés dans une monarchie, le goût doit y être presque aussi varié qu'il s'y trouve de classes de citoyens isolés les uns des autres. J'entends, par ce goût varié, celui qui dépend de l'arbitraire ou qui en participe; car le bon goût est un, et se dirige constamment vers le vrai beau; mais qui regarderat-on dans une monarchie comme les vrais gardiens du goût?

Le prince et un petit nombre d'hommes peuvent être nés avec un goût naturel pour le beau, auquel l'habitude d'en être frappés, la facilité de s'en procurer les modèles, les rendra sensibles. Ils peuvent exciter, récompenser, encoura

ger

les talens; mais ils ne peuvent ni ne doivent en faire une étude qui nuiroit à des devoirs essentiels. N'as-tu pas honte, disoit un jour Philippe à Alexandre, de chanter si bien? Il eût été à désirer pour l'humanité qu'il ne se fût occupé que de musique ; mais....

Les hommes livrés à des professions gravęs, telles que

la magistrature, à une administration de commerce, de finance, enfin, à tout ce qui exige une application suivie, nés, comme les premiers dont je viens de parler, avec un goût naturel, ne peuvent l'avoir fort exercé.

Le peuple, moins considéré dans une monarchie que dans les républiques, livré à des travaux pénibles, ou dégradé par la misère, n'en est pas même à soupçonner la perfection des arts. Les plus grossières productions font sur son âme plus d'impression que les chefs-d'œuvres de délicatesse et de goût. J'excepterai toujours l'éloquence: j'entends celle qui échauffe et subjugue l'imagination; et peut-être n'y a-t-il que cette sorte d'éloquence qui en mérite le nom : trop d'art la refroidit et l'énerve. Si je ne craignois pas de scandaliser les gens polis et autres, je dirois que les missionnaires et les charlatans, inspirés par le zèle et l'intérêt, sont les plus élo

quens orateurs.

Si les grands objets de la société politique ou

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