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cour. Madame, alors, prit le prétexte du voisinage pour demander la permission de passer mer, et d'aller voir son frère. Il n'y avoit d'abord que M. de Turenne et Louvois d'instruits du vrai motif du voyage; mais M. de Turenne, amoureux de madame de Coëtquen, lui confia le secret dès le premier moment, afin qu'elle prît ses mesures pour être du voyage. Madame de Coëtquen, qui aimoit le chevalier de Lorraine, ne manqua pas de lui dire le mystère du voyage, et le chevalier n'eut rien de plus pressé que d'en instruire Monsieur. Ce prince fut outré qu'on eût eu assez peu d'égard, pour cher un projet où sa femme jouoit le principal rôle. N'osant exhaler son ressentiment contre leroi, il traita Madame si mal, que le roi, dansla crainte que cette dissension domestique ne fît un éclat qui divulgueroit le secret, fit arrêter le chevalier de Lorraine, l'envoya prisonnier à Pierre-Encise, de là au château d'If; alors Monsieur, plus furieux que jamais, se retira à Villers-Cotterets, et y emmena sa femme; le roi, employant à la fois l'autorité et la douceur, envoya M. Colbert à Villers-Cotterets, pour ordonner le secret du voyage à Monsieur, et le ramener à la cour. On convint qu'il reviendroit, et que le chevalier de Lorraine sortiroit de prison, mais qu'il iroit quelques mois en Italie. Le

roi fit ensuite la tournée de Flandres, qui couvrit le voyage de Madame en Angleterre, d'où elle revint le 12 de juin, après avoir engagé Charles II à s'unir à la France contre la Hollande. Pendant ce temps-là, le chevalier de Lorraine, qui sentoit qu'il n'obtiendroit jamais son rappel que du consentement de Madame, ce qu'elle étoit fort éloignée d'accorder, prit le parti de s'en défaire par le poison. Le roi le fit revenir dans la suite: il s'en servoit pour gouverner Monsieur. Le chevalier de Lorraine mourut en 1702.

L'abbé de Choisi, écrivain agréable, et dont le style a les grâces négligées d'une femme, a quelquefois trop peu d'exactitude dans les faits. Par exemple, en parlant du voyage de Madame, il fait dire (page 406 de ses Mémoires), par le roi à M. de Turenne, que le chevalier de Lorraine avoit révélé le secret à Monsieur, et l'abbé venoit de dire (page 377) qu'il étoit en Italie; voilà des contradictions assez près les unes des autres. Il ne s'agit que de distinguer les époques: le chevalier étoit à la cour lors du projet, et en Italie lors du voyage et de la mort de Madame.

Causes secrètes de la guerre de 1741.

LE cardinal de Fleuri avoit le désir le plus sincère, à la mort de l'empereur Charles VI (le 20 octobre 1740), d'éviter la guerre avec la reine de Hongrie; il pensoit, avec raison et justice, que le roi, ayant à la dernière paix, dans les préliminaires signés à Vienne, le 3 octobre 1735, accepté la pragmatique-sanction, qui assuroit à la reine l'indivisibilité des états de l'Empereur, la France devoit être fidèle à ses engagemens, et garantir l'exécution de la pragmatique. Le cardinal se laissa entraîner à faire la guerre, par les sollications, ou plutôt les persécutions du roi et de la reine d'Espagne, et de Madame, infante, fille aînée de France, mariée à l'infant, le 26 août 1739. Rien n'étoit si vif, si pressant, que les lettres du roi, de la reine et de l'infante au cardinal. Tous les trois écrivoient au roi pour le même objet, qui étoit de procurer à l'infant un établissement en Italie; mais ils étoient bien convaincus que c'étoit particulièrement le cardinal qu'il falloit gagner. Je ne rapporterai que quelques lettres de l'infante pour donner une idée des autres. Après plusieurs lettres à ce su

jet, auxquelles le cardinal ne répondoit pas toujours, l'infante lui écrivoit, le 21 septembre 1740, en ces termes :

<< Monsieur, je vois bien que vous nous ou>> bliez; cependant ce ne sera pas manque de >> vous en faire ressouvenir. Vous pouvez comp» ter que je ne vous laisserai pas en repos jus» qu'à ce que j'aie réussi. Quand j'étois en Fran>>ce, vous disiez que j'étois votre favorite, et il )) ne faut pas oublier ses amis, et sur-tout moi, » qui étois une des personnes qui vous aimoient » le plus. A moi, l'absence ne m'a pas fait le » même effet qu'à vous, soyez-en persuadé ». Huit jours après, le 28 septembre :

<< Monsieur, je vous écris encore cette lettre >> pour faire ressouvenir le roi de nous; et vous, >> monsieur, de lui parler souvent de l'attache>>> ment sans bornes que j'ai pour lui, et d'être » persuadé de l'obligation et tendre amitié éter>> nelle que j'aurai pour vous, si vous nous pro>> tégez dans cette occasion >>.

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Dans une autre occasion :

« C'est vous qui avez contribué à mon maria>> ge: vous voudrez bien me rendre parfaitement >> heureuse. Je vous aurai une obligation éter

»nelle; soyez persuadé de la reconnoissance » que j'ai pour vous ».

Le roi et la reine d'Espagne n'épargnoient pas plus que l'infante les sollicitations vives, et les caresses au vieux cardinal.

A cette heure, lui écrivoit le roi, c'est une >> belle occasion pour faire avoir quelque chose » à l'infant, et je prie le roi, mon neveu, de se » souvenir de sa fille en cette occasion, pour que >> leurs enfans aient quelque chose pour se main» tenir, et qu'ils ne restent pas des cadets. Je re>> mets nos intérêts entre vos mains, vous assu>>rant de nouveau de l'amitié que j'ai pour

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<< Mon cousin, lui mandoit la reine, je vous >> prie de faire souvenir le roi de France de sa >> fille et de son gendre; je me rapporte entière>> ment à vos lumières, et je remets nos affaires >> entre vos mains. J'attends tout de votre ami» tié, soyez persuadé de la mienne ».

« Monsieur, écrivoit encore l'infante, je n'ai >> pas eu de réponse à la lettre que je vous ai » écrite, je crains que vous ne m'ayez oubliée; >> je vous prie de vous ressouvenir de nous au> tant que je me ressouviens de vous; je ne sais >> si c'est trop me flatter, mais j'en suis persua

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