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volution qui arrive en France, où tout s'oublie, tous les quarante ans. Nous touchons actuellement à une de ces crises d'état. Celle du système fut terrible pour beaucoup de famille, et la mienne fut de ce nombre. Quelque dérangement que ma mère eût éprouvé, elle ne changea rien à ce qu'elle avoit commencé pour moi, et voulut que mon éducation s'achevât à Paris. Peut-être ne m'y eût-elle pas envoyé, si le système fût arrivé avant qu'elle y eût pensé, et je ne sais si c'eût été pour moi un bien ou un mal, où si j'en aurois été plus ou moins heureux; mais j'aurois vraisemblablement été d'une autre profession que celle où j'ai été engagé. Quoi qu'il en soit, cette première éducation, qu'on va chercher dans la capitale, se trouve en province comme à Paris, et peut-être avec des inconvéniens de moins pour les mœurs. Partout on enseigne, et avec d'aussi mauvaises méthodes, le latin, le grec et la philosophie scolastique. Cela est un peu changé, et j'avoue que les réformes, à cet égard, ont commencé dans la capitale;

mais dans le temps dont je parle, tout étoit pareil. Le proviseur d'Harcourt, où j'étois, étoit le fameux Dagoumer, le plus terrible argumentateur de l'université, et qui donnoit le ton aux écoles. C'est lui que Lesage a peint dans Gilblas, sous le nom du licencié Guyomar. Les leçons de philosophie, dans les écoles, valent aujourd'hui beaucoup mieux qu'il y a trente ou quarante ans. Eh! combien n'y auroit-il pas de réformes à faire dans les autres études! Faut-il six ou sept années pour apprendre du latin et les élémens du grec? Deux ans au plus, et de meilleures méthodes, suffiroient pour cet objet. Faut-il qu'il y ait à Paris douze colléges de plein exercice pour la même routine, et qu'il n'y en ait aucun de ceux-là pour les langues vivantes, et d'autres connoissances applicables aux différentes destinations des élèves? Je m'aperçois que je fais ici le réformateur, et je vais passer à un temps où j'aurois eu moi-même grand besoin de réforme.

Tant que j'avois été dans les humani

tés, l'étude avoit été mon plus grand plaisir. Je ne me bornois pas à celle qui m'étoit prescrite; ma facilité me laissoit du temps de reste; et je l'employois à dévorer les livres que je pouvois me procurer. Je continuai de lire des poëtes, des historiens, des moralistes et les philosophes non scolastiques; car les cathégories, les universaux, les degrés métaphysiques, et le jargon de l'école, s'accordoient peu avec mon goût pour la littérature. Ce ne fut pourtant pas là le plus grand écueil pour la philosophie, et sur-tout pour la mienne. J'étois déjà dans l'âge où la plus vive sion d'un jeune homme se développe avec impétuosité, pour peu qu'on lui donne d'essor.

pas

Jusqu'à la dernière année du collége, j'avois eu peu de liberté. J'en eus alors davantage. Voyons l'usage que j'en fis. Des jeunes gens rassemblés, quelque surveillés qu'ils soient, acquièrent bientôt ensemble la théorie du vice, et un de mes camarades, un peu plus âgé que moi, m'en facilita la pratique, en me menant chez

des filles. J'étois donc déjà assez libertin quand ma mère me fit revenir en Breta

gne, à la fin de mes classes, pour voir quelle seroit ma vocation. Je n'en avois point alors d'autre que de retourner à Paris, dans le dessein d'y continuer de vivre comme j'avois commencé depuis quelques mois. Je n'en fis pas confidence à ma mère, sachant qu'elle ne penseroit pas comme moi. Ainsi, le moyen dont je me servis fut le désir de faire mon droit, d'être reçu avocat, et d'en embrasser la profession, pour laquelle on croyoit me voir du talent. J'ai oublié de marquer qu'en 1718, peu de temps avant la décadence de sa fortune, ma mère étoit venue à Paris dans le dessein de voir par elle-même quel fruit

retirois de l'éducation qu'elle me procuroit. Elle avoit été si contente de ce qu'on lui dit de mes dispositions et de mes progrès, que cela avoit fort contribué à la faire persister à me laisser à Paris, malgré les pertes que lui causa le système. Ce fut la même opinion, que je pourrois, par les talens qu'elle me supposoit, et que j'avois

le

peut-être, réussir dans la capitale, qui̟ la fit consentir à m'y renvoyer faire mon droit. Je ne portois pas, comme elle, mes vues dans l'avenir. Il me suffisoit pour présent de retourner à Paris, et m'y voilà avec une pension, modique, mais exactement suffisante, si je n'eusse été occupé que de mes devoirs. C'étoit ce qui me touchoit le moins. Je pris cependant ma première inscription aux écoles; mais, au lieu de les suivre, j'appliquai au maître d'armes ce qui étoit destiné à l'agrégé. Il est vrai que la plupart de mes camarades d'études n'en faisoient pas plus que moi. Aussi dirai-je en passant que le cours du droit se fait encore plus mal que tous les autres, quoique les professeurs et les agrégés soient très-habiles et choisis au concours. Mais il y a certains abus de tradition qu'on ne corrigeroit aux écoles du droit et ailleurs, que par une réforme dans le plan de toutes les études.

Voyons un peu, pendant les années destinées au droit, quels étoient mes docteurs de jeunes libertins aux écoles; et

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