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RÉPONSE

De M. le prince de BEAUVAU au discours de M. BEAUZÉE.

MONSIEUR,

QUAND je me bornerois à faire connoître à cette assemblée que M. Duclos vous avoit toujours désiré pour confrère, je m'acquitterois à la fois de deux obligations que le sort m'impose aujourd'hui : vous recevriez, Monsieur, l'éloge le plus flatteur par un suffrage d'un si grand prix, et la mémoire de M. Duclos se trouveroit honorée par le choix que l'académie fait de vous pour le remplacer; mais le public et vos nouveaux confrères me reprocheroient de ne pas les entretenir assez, et de vos ouvrages qui leur ont été utiles, et des différens mérites d'un académicien qui sera long-temps l'objet de leurs regrets.

A l'exemple de M. l'abbé Girard, vous vous êtes occupé, Monsieur, à déterminer le sens de ces mots qu'on employoit trop indifféremment l'un pour l'autre, et par là vous avez ajouté à la précision et à la clarté de notre langue.

Vous avez enrichi d'un très-grand nombre

d'articles de grammaire, ce dépôt des connoissances humaines qui fait tant d'honneur à la littérature françoise. Vous avez pleinement justifié le choix des éditeurs éclairés de ce grand ouvrage; ils vous avoient jugé digne de remplacer le célèbre Du Marsais qui en étoit chargé avant

vous.

L'académie, qui a souvent employé dans son dictionnaire les observations dont vous lui avez fait part, regarde la Grammaire Générale, que vous avez publiée, comme un des ouvrages de nos jours où la science du langage a été le plus approfondie.

Ces travaux, dont le genre et le succès ont fait vos titres pour être adopté par l'académie, vous firent connoître avantageusement de M. Duclos : l'étude de notre langue devint un objet commun entre vous, Monsieur, et ce digne secrétaire qui, sur la fin de sa vie, ne se livroit plus qu'aux occupations que lui imposoient ses emplois, la continuation de l'Histoire de l'académie et des Recherches sur l'histoire de France.

Les premiers ouvrages de M. Duclos avoient été plus propres à faire connoître ses talens : la jeunesse de l'auteur s'y fait apercevoir par le choix des sujets, plutôt que par la manière dont ils sont traités; on y démêle un homme qui a beaucoup observé, qui aperçoit la variété et les nuances

des caractères, qui saisit les rapports de la galanterie avec notre esprit et avec nos mœurs.

M. Duclos s'essaya quelquefois à faire des vers: quoique la nature ne l'eût point formé poëte, il fit un ballet qu'on se plaît encore à voir, et qui peut être mis à côté de tout ce qu'on peut faire en poésie, avec de l'esprit et du goût.

M. Duclos étoit très-savant dans notre histoire (il est fâcheux que ce mérite soit, dans les hommes de lettres, une distinction). L'académie des belles-lettres l'adopta fort jeune encore; les dissertations les plus estimées dont il ait enrichi le recueil de cette académie, sont celles qui ont pour objet les épreuves du feu, de l'eau bouillante, et plusieurs autres que nos ancêtres regardoient comme des moyens de distinguer le crime et l'innocence : ces absurdités subsistent encore dans des pays très-éloignés de nous; il n'est pas nécessaire que les hommes se communiquent leurs idées, pour se rencontrer dans les mêmes erreurs.

Dans l'Histoire de Louis XI, M. Duclos raconte avec rapidité les événemens d'un des règnes les plus remarquables de la monarchie, et qui prépara la révolution la plus importante dans le gouvernement et dans les mœurs: sa narration est vive, animée et semée de réflexions; il peint

avec énergie et avec impartialité : on voit que Tacite est son modèle.

L'Histoire de Louis XI procura sans doute à M. Duclos l'honneur de remplacer M. de Voltaire dans la charge d'historiographe de France. Il avoit depuis plusieurs années mérité d'être admis dans l'académie françoise; il s'occupoit avec zèle du genre d'étude qui est un de nos devoirs; il donna un commentaire sur la Grammaire de Port-Royal, et ce commentaire est estimé de ceux mêmes qui n'adoptent pas toutes les idées de l'auteur.

Les Considérations sur les Moeurs sont un des derniers ouvrages que M. Duclos ait donnés au public: il y a peu de livres de morale où l'on trouve un plus grand nombre d'observations justes, fines et profondes; c'est un recueil de maximes vraies et de définitions exactes: c'est surtout dans cet ouvrage, digne d'un philosophe, que M. Duclos a mis son caractère; on y remarque toute la pénétration, la justesse, la précision de son esprit, et le tour énergique ou plaisant qu'il donnoit à ses idées dans la conversation. La sienne étoit toujours agréable, parce qu'elle étoit toujours instructive et gaie: on étoit sûr d'entendre de lui des vérités neuves et intéressantes; elles lui échappoient comme des saillies ses maximes étoient souvent prouvées par des anec

dotes bien choisies; ses plaisanteries du moment étoient des bons mots, dont plusieurs ont survécu aux occasions qui les avoient fait naître.

Dans sa jeunesse il ne haïssoit pas la dispute; il y portoit une finesse de discussion qu'il devoit à sa sagacité naturelle et à l'étude philosophique de la grammaire : il fut souvent aussi le censeur sévère de tout ce qui avoit des prétentions sans avoir des titres: l'âge, l'expérience, un grand fonds de bonté lui avoient appris à devenir indulgent pour les particuliers, et à ne plus dire qu'au public des vérités dures.

Il avoit ce caractère d'humanité, cet amourpropre généreux qui attachent les hommes aux sociétés dont ils sont les membres : il étoit particulièrement zélé pour les académies qui l'avoient adopté; mais rien n'approche de l'attachement qu'il eut pour la province où il étoit né, si ce n'est les regrets dont cette province l'honore : sa bienfaisance envers ses concitoyens ne pourra jamais être mieux célébrée que par les larmes que sa mort leur a fait répandre.

Dans sa place de secrétaire de l'académie françoise, il donna de fréquentes preuves de son amour et de son respect pour les lettres : attaché scrupuleusement à maintenir les priviléges de l'académie, sa dépendance immédiate du roi et l'égalité entre ses membres, il ne tenta jamais

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