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troient pas Paris à l'égard de la table, des habits, des meubles et des équipages. Il

n'y avoit, par exemple, des cuisiniers que dans les maisons de la première classe. Plus de la moitié de la magistrature ne se servoit que de cuisinières. Il y a trente ans qu'on n'auroit pas yu à pied, dans les rues, un homme vêtu de velours; et M. de Caumartin, conseiller d'état, mort en 1720, a été le premier homme de robe qui en ait porté. Je me rappelle, au sujet de la modestie de la haute magistrature d'autrefois, que le président à mortier de Nes mont fut le premier qui fit mettre sur sa porte le marbre d'hôtel. Quand la plus haute magistrature étoit modeste, la finance n'auroit osé être insolente. Les financiers les plus riches jouissoient sourdement de leur opulence. J'en ai encore vu qui avoient un carrosse simple et doublé de drap brun ou olive, tel que Serrefort le recommande à madame Patin dans la comédie du Chevalier à la mode; car les comédies et les romans déposent des mœurs du temps, sans que les auteurs en aient eu

le dessein. Tous les genres de luxe ne dépendoient pas autrefois uniquement de l'opulence. Il y en avoit dont l'état des personnes décidoit. Si j'ai vu des distinctions personnelles quant au luxe, j'en ai vu encore dans la manière de paroître en public. Par exemple, on ne voyoit dans les premières loges de l'opéra et de la comédie, que des personnes de qualité, et dans les balcons que des seigneurs françois ou étrangers. Je ne parle point des petites loges, dont l'origine est assez singulière; la voici : Les seuls fils et filles de France ont le droit de faire mettre un tapis au devant de leurs loges, c'est-à-dire lorsque le roi n'y est pas; car alors la famille est à sa suite. S. A. R. duchesse d'Orléans, femme du régent, n'étant que petite-fille de France, n'avoit pas le droit du tapis ; c'est pourquoi elle alloit dans la loge de Madame, vcuve de Monsieur, frère de Louis XIV, et fils de France. Mais Madame n'allant pas au spectacle tous les jours où la duchesse d'Orléans vouloit y aller, celle-ci prit le parti de louer une petite loge où,

gardant une espèce d'incognito, l'étiquette du tapis étoit évitée.

Les princesses du sang suivirent cet exemple. Aujourd'hui chacun a pour son argent tout ce qui lui plaît, places, équipages, etc. Il est sûr que les carrosses sont doublés depuis trente ans. Les valets ne se sont pas moins multipliés. Quantité de services, de fonctions jadis réservées aux femmes, sont exercées par des hommes, ce qui enlève à la campagne la plus belle jeunesse, augmente dans la ville le nombre des fainéans et des catins que la misère livre à la débauche. Si Henri III disoit

de Paris: Capo troppo grosso, que diroit-il aujourd'hui, que cette capitale est le vampire du royaume?

Je m'aperçois que, ne m'étant proposé que d'écrire mes mémoires, j'y joins beaucoup d'autres souvenirs. Je pourrois donc bien, si je n'y prends garde, faire une suite des Considérations, où je suis naturelment porté. A la bonne heure! il en arrivera ce qui pourra; je ne m'en contraindrai point. Je reviens cependant à ce qui

me regarde. J'avois déjà six ans lorsqu'il fallut penser à me donner ce qu'on appelle de l'éducation. Elle n'est pas précoce en province; d'ailleurs, paroissant destiné au commerce par l'état de ma famille, il suffisoit de m'apprendre à lire et à écrire, sauf à me faire ensuite faire d'autres études, suivant les circonstances.

Mon frère très-aîné avoit fini ses classes. Comme il avoit passé ses dernières vacances dans une de ces abbayes de génovéfins, où trois ou quatre religieux forment toute la communauté, et vivent à peu près comme des gentilshommes de château, cette vie lui parut assez douce, et il résolut d'entrer dans la congrégation. Tel est communément le principe des vocations. Se fait-il une mission dans une ville, tous les enfans font des processions. Y vient-il un régiment, ils font l'exercice. Pour moi, élevé dans Paris, où tout inspire la vocation pour le plaisir, j'ai été long-temps sans en éprouver d'autre. Mais n'anticipons point.

Ma mère voulut d'abord s'opposer au

nec,

parti que mon frère vouloit prendre. Il fallut enfin y consentir; et, pour lui procurer quelque douceur dans son état, elle lui assura une pension viagère. Dans la même année 1709, ma sœur fut mariée à Rennes, avec un secrétaire du roi, nommé Pelledont elle a eu onze enfans, dont trois garçons qui sont morts à la mer, quand ils commençoient à s'avancer dans le service de la compagnie des Indes. Des huit autres enfans, qui étoient des filles, cinq sont mortes en bas âge, et l'aînée à la veille d'être mariée. Les deux cadettes l'ont été. L'une a épousé La Soualaye, gentilhomme breton, retiré du service avec la croix de Saint-Louis. Ils n'ont point d'enfans. L'autre avoit épousé un conseiller au parlement, nommé de Careil, assez mauvais sujet. Elle en avoit eu un enfant mort en bas âge. La mère le suivit de près, en 1768; et son mari ne lui survécut que d'un an, et c'est ce qu'il a fait de mieux en toute sa vie, puisqu'il étoit du baillage d'Aiguillon

Après ce petit détail de ma famille, je

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