qu'elles soient savantes, la curiosité les rend vaines et précieuses; il suffit qu'elles sachent gouverner un jour leurs ménages, et obéir à leurs maris sans raisonner. On ne manque pas de se servir de l'expérience qu'on a de beaucoup de femmes que la science a rendues ridicules: après quoi on se croit en droit d'abandonner aveuglément les filles à la conduite des meres ignorantes et indiscretes. Il est vrai qu'il faut craindre de faire des savantes ridicules. Les femmes ont d'ordinaire l'esprit encore plus foible et plus curieux que les hommes : aussi n'est-il point à propos de les engager dans des études dont elles pourroient s'entêter. Elles ne doivent ni gouverner l'état, ni faire la guerre, ni entrer dans le ministere des choses sacrées: ainsi elles peuvent se passer de certaines connoissances étendues qui appartiennent à la politique, à l'art militaire, à la jurisprudence, à la philosophie et à la théologie. La plupart même des arts méchaniques ne leur conviennent pas; elles sont faites pour des exercices modérés. Leur corps, aussi-bien que leur esprit, est moins fort et moins robuste que celui des hommes: en revanche, la nature leur a donné en partage l'industrie, la propreté et l'économie, pour les occuper tranquillement dans leurs maisons. Mais que s'ensuit-il de la foiblesse naturelle des femmes? Plus elles sont foibles, plus il est important cuter. Le monde n'est point un fantôme, c'est l'assemblage de toutes les familles : et qui est-ce qui peut les policer avec un soin plus exact que les femmes, qui, outre leur autorité naturelle et leur assiduité dans leur maison, ont encore l'avantage d'être nées soigneuses, attentives au détail, industrieuses, insinuantes et persuasives? Mais les hommes peuvent-ils espérer pour eux-mêmes quelque douceur dans la vie, si leur plus étroite société, qui est celle du mariage, se tourne en amertume? Mais les enfants, qui feront TOME III с dans la suite tout le genre humain, que deviendrontils, si les meres les gâtent dès leurs premieres années? Voilà donc les occupations des femmes, qui ne sont guere moins importantes au public que celles des hommes, puisqu'elles ont une maison à régler, un mari à rendre heureux, des enfants à bien élever. 'Ajoutez que la vertu n'est pas moins pour les femmes que pour les hommes: sans parler du bien ou du mal qu'elles peuvent faire au public, elles sont la moitié du genre humain, rachetées du sang de Jésus-Christ. et destinées à la vie éternelle. Enfin, il faut considérer, outre le bien que font les femmes quand elles sont bien élevées, le mal qu'elles causent dans le monde quand elles manquent d'une éducation qui leur inspire la vertu. Il est constant que la mauvaise éducation des femmes fait plus de mal que celle des hommes, puisque les désordres des hommes viennent souvent et de la mauvaise éducation qu'ils ont reçue de leurs meres, et des passions que d'autres femmes leur ont inspirées dans un âge plus avancé. Quelles intrigues se présentent à nous dans les histoires, quel renversement des loix et des mœurs, quelles guerres sanglantes, quelles nouveautés contre la religion, quelles révolutions d'état, causés par le déréglement des femmes ! Voilà ce qui prouve l'importance de bien élever les filles: cherchons en les moyens. CHAPITRE II. Inconvénients des éducations ordinaires: L'IGNORANCE d'une fille est cause qu'elle s'ennuie, et qu'elle ne sait à quoi s'occuper innocemment. Quand elle est venue jusqu'à un certain âge sans s'appliquer aux choses solides, elle n'en peut avoir ni le goût, ni l'estime : tout ce qui est sérieux lui paroît triste, tout ce qui demande une attention suivie la fatigue: la pente aux plaisirs, qui est forte pendant la jeunesse, l'exemple des personnes du même âge qui sont plongées dans l'amusement, tout sert à lui faire craindre une vie réglée et laborieuse. Dans ce premier âge, elle manque d'expérience et d'autorité pour gouverner quelque chose dans la maison de ses parents: elle ne connoît pas même l'importance de s'y appliquer, à moins que sa mere n'ait pris soin de la lui faire remarquer en détail. Si elle est de condition,' elle est exempte du travail des mains : elle ne travaillera donc que quelques heures du jour, parcequ'on dit, sans savoir pourquoi, qu'il est honnête aux femmes de travailler; mais souvent ce ne sera qu'une contenance, et elle ne s'accoutumera point à un travail suivi. En cet état que fera-t-elle? La compagnie d'une mere qui l'observe, qui la gronde, qui croit la bien élever en ne lui pardonnant rien, qui se compose avec elle, qui lui fait essuyer ses humeurs, qui lui paroît toujours chargée de tous les soucis domestiques," la gêne et la rebute; elle a autour d'elle des femmes flatteuses qui, cherchant à s'insinuer par des complaisances basses et dangereuses, suivent toutes ses fantaisies, et l'entretiennent de tout ce qui peut la dégoûter du bien: la piété lui paroît une occupation languissante, et une regle ennemie de tous les plaisirs. A quoi donc s'occupera-t-elle? A rien d'utile. Cette inapplication se tourne même en habitude incurable. Cependant voilà un grand vuide qu'on ne peut espérer de remplir de choses solides: il faut donc que les frivoles prennent place. Dans cette oisiveté, une fille s'abandonne à sa paresse; et la paresse, qui est une langueur de l'ame, est une source inépuisable d'ennuis. Elle s'accoutume à dormir un tiers plus qu'il ne faudroit pour conserver une santé parfaite ; ce long sommeil ne sert qu'à l'amollir, qu'à la rendre plus délicate, plus exposée aux révoltes du corps: au lieu qu'un sommeil médiocre, accompagné d'un exercice réglé, rend une personne gaie, vigoureuse et robuste; |