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place, si la confiance et la persuasion ne sont pas assez fortes mais il faut toujours commencer par une conduite ouverte, gaie, et familiere sans bassesse, qui vous donne moyen de voir agir les enfants dans leur état naturel, et de les connoître à fond. Enfin, quand même vous les réduiriez par l'autorité à observer toutes vos regles, vous n'iriez pas à votre but; tout se tourneroit en formalités gênantes, et peutêtre en hypocrisie ; vous les dégoûteriez du bien, dont vous devez chercher uniquement de leur inspirer l'amour.

Si le Sage a toujours recommandé aux parents de tenir la verge assidument levée sur les enfants, s'il a dit qu'un pere qui se joue avec son fils pleurera dans la suite, ce n'est pas qu'il ait blâmé une éducation douce et patiente; il condamne seulement ces parents foibles et inconsidérés qui flattent les passions de leurs enfants, et qui ne cherchent qu'à s'en divertir pendant leur enfance, jusqu'à leur souffrir toutes sortes d'excès.

Ce qu'il en faut conclure est que les parents doivent toujours conserver de l'autorité pour la correction, car il y a des naturels qu'il faut domter par la crainte; mais, encore une fois, il ne faut le faire que quand on ne sauroit faire autrement.

Un enfant qui n'agit encore que par imagination;

TOME III.

F

et qui confond dans sa tête les choses qui se présentent à lui liées ensemble, hait l'étude et la vertu, parcequ'il est prévenu d'aversion pour la personne qui lui en parle.

Voilà d'où vient cette-idée si sombre et si affreuse ́de la piété, qu'il retient toute sa vie; c'est souvent tout ce qui lui reste d'une éducation sévere. Souvent il faut tolérer des choses qui auroient besoin d'être corrigées, et attendre le moment où l'esprit de l'enfant sera disposé à profiter de la correction. Ne le reprenez jamais, ni dans son premier mouvement, ni dans le vôtre. Si vous le faites dans le vôtre, il s'apperçoit que vous agissez par humeur et par promptitude, et non par raison et par amitié : vous perdrez sans ressource votre autorité. Si vous le reprenez dans son premier mouvement, il n'a pas l'esprit assez libre pour avouer sa faute, pour vaincre sa passion, et pour sentir l'importance de vos avis c'est même exposer l'enfant à perdre le respect qu'il vous doit. Montrez-lui toujours que vous vous possédez: rien ne le lui fera mieux voir que votre patience. Observez tous les moments pendant plusieurs jours, s'il le faut, pour bien placer une correction. Ne dites point à l'enfant son défaut, sans ajouter quelque moyen de le surmonter qui l'encourage à le faire, car il faut éviter le chagrin et le découragement que la

correction inspire quand elle est seche. Si on trouve un enfant un peu raisonnable, je crois qu'il faut l'engager insensiblement à demander qu'on lui dise ses défauts, c'est le moyen de les lui dire sans l'affliger: ne lui en dites même jamais plusieurs à la fois.

Il faut considérer que les enfants ont la tête foible, que leur âge ne les rend encore sensibles qu'au plaisir, et qu'on leur demande souvent une exactitude et un sérieux dont ceux qui l'exigent seroient incapables. On fait même une dangereuse impression d'ennui et de tristesse sur leur tempérament, en leur parlant toujours de mots et de choses qu'ils n'entendent point: nulle liberté, nul enjouement; toujours leçon, silence, posture gênée, correction et me▾

naces.

Les anciens l'entendoient bien mieux : c'est par le plaisir des vers et de la musique, que les principales sciences, les maximes des vertus et la politesse des mœurs, s'introduisirent chez les Hébreux, chez les Égyptiens et chez les Grecs. Les gens sans lecture ont peine à le croire; tant cela est éloigné de nos coutu mes. Cependant, si peu qu'on connoisse l'histoire, il n'y a pas moyen de douter que ce n'ait été la prátique vulgaire de plusieurs siecles. Du moins retranchons-nous, dans le nôtre, à joindre l'agréable à l'utile autant que nous le pouvons.

Mais, quoiqu'on ne puisse guere espérer de se passer toujours d'employer la crainte pour le commun des enfants, dont le naturel est dur et indocile, il ne faut pourtant y avoir recours qu'après avoir éprouvé patiemment tous les autres remedes. Il faut même toujours faire entendre distinctement aux enfants à quoi se réduit tout ce qu'on leur demande, et moyennant quoi on sera content d'eux; car il faut que la joie et la confiance soient leur disposition ordinaire: autrement on obscurcit leur esprit, on abat leur courage; s'ils sont vifs, on les irrite; s'ils sont mous, on les rend stupides. La crainte est comme les remedes violents qu'on emploie dans les maladies extrêmes : ils purgent; mais ils alterent le tempérament, et usent les organes. Une ame menée par la crainte en est toujours plus foible.

Au reste, quoiqu'il ne faille pas toujours menacer sans châtier, de peur de rendre les menaces méprisables, il faut pourtant châtier encore moins qu'on ne menace. Pour les châtiments, la peine doit être aussi légere qu'il est possible, mais accompagnée de toutes les circonstances qui peuvent piquer l'enfant de honte et de remords: par exemple, montrez-lui tout ce que vous avez fait pour éviter cette extrémité; paroissez-lui en être affligé; parlez devant lui, avec d'autres personnes, du malheur de ceux qui man

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quent de raison et d'honneur jusqu'à se faire châtier; retranchez les marques d'amitié ordinaires, jusqu'à ce que vous voyiez qu'il ait besoin de consolation; rendez ce châtiment public ou secret, selon que vous jugerez qu'il sera plus utile à l'enfant, ou de lui causer une grande honte, ou de lui montrer qu'on la lui épargne; réservez cette honte publique pour servir de dernier remede; servez-vous quelquefois d'une personne raisonnable qui console l'enfant, qui lui dise ce que vous ne devez pas alors lui dire vous-même, qui le guérisse de la mauvaise honte, qui le dispose à revenir à vous, et à qui l'enfant, dans son émotion, puisse ouvrir son cœur plus librement qu'il n'oseroit le faire devant vous. Mais sur-tout qu'il ne paroisse jamais que vous demandiez de l'enfant que les soumissions nécessaires; tâchez de faire en sorte qu'il s'y condamne lui-même, qui les exécute de bonne grace, et qu'il ne vous reste qu'à adoucir la peine qu'il aura acceptée. Chacun doit employer les regles. générales selon les besoins particuliers: les hommes, et sur-tout les enfants, ne se ressemblent pas toujours à eux-mêmes; ce qui est bon aujourd'hui est dangereux demain; une conduite toujours uniforme ne peut être utile.

Le moins qu'on peut faire de leçons en forme, c'est le meilleur. On peut insinuer une infinité d'in

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