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pas: il n'a le temps, ni de penser, ni d'approfondir; ni de faire des plans, ni d'étudier les hommes dont il se sert : il est toujours entraîné au jour la journée par un torrent de détails à expédier.

D'ailleurs, cette multitude d'emplois sur une seule tête, souvent assez foible, exclut tous les meilleurs sujets qui pourroient se former et faire de grandes choses: tout talent demeure étouffé. La paresse du prince en est la vraie cause. Les plus petites raisons décident sur les grandes affaires. De là naissent des injustices innombrables. Pauca de te, disoit saint Augustin au comte Boniface, sed multa propter te. Peutêtre ferez-vous peu de mal par vous-même; mais il s'en fera infiniment par votre autorité mise en mauvaises mains.

SUPPLÉMENT OU ADDITION

AUX DIRECTIONS PRÉCÉDENTES,

XXV-XXX,

Concernant en particulier, non seulement le droit lé· · gitime, máis même la nécessité indispensable de former des alliances, tant offensives que défensives, contre une puissance supérieure justement redoutable aux autres et tendant manifestement à la monarchie universelle.

Les états voisins les uns des autres ne sont pas seulement obligés à se traiter mutuellement selon les regles de la justice et de la bonne foi; mais ils doivent encore, pour leur sûreté particuliere autant que pour l'intérêt commun, faire une espece de société et de république générale.

Il faut compter qu'à la longue la plus grande puissance prévaut toujours et renverse les autres, si les autres ne se réunissent point pour faire le contrepoids. Il n'est pas permis d'espérer parmi les hommes qu'une puissance supérieure demeure dans les bornes d'une exacte modération, et qu'elle ne veuille dans sa force que ce qu'elle pourroit obtenir dans sa plus.

grande foiblesse. Quand même un prince seroit assez parfait pour faire un usage si merveilleux de sa prospérité, cette merveille finiroit avec son regne. L'am-` bition naturelle des souverains, les flatteries de leurs conseillers, et la prévention des nations entieres, ne permettent pas de croire qu'une nation qui peut subjuguer les autres s'en abstienne pendant des siecles entiers. Un regne où éclateroit une justice si extraordinaire, seroit l'ornement de l'histoire, et un prodige qu'on ne peut plus revoir.

Il faut donc compter sur ce qui est réel et journalier, qui est que chaque nation cherche à prévaloir sur toutes les autres qui l'environnent. Chaque nation est donc obligée à veiller sans cesse, pour prévenir l'excessif agrandissement de chaque voisin, pour sa sûreté propre. Empêcher le voisin d'être trop puissant, ce n'est point faire un mal; c'est se garantir de la servitude et en garantir ses autres voisins; en un mot, c'est travailler à la liberté, à la tranquillité, au salut public: car l'agrandissement d'une nation au-delà d'une certaine borne change le systême général de toutes les nations qui ont rapport à celle-là. Par exemple, toutes les successions qui sont entrées dans la maison de Bourgogne, puis celles qui ont élevé la maison d'Autriche, ont changé la face de toute l'Europe. Toute l'Europe a dû crain

TOME III.

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dre la monarchie universelle sous Charles-Quint, surtout après que François Ier eut été défait et pris à Pavie. Il est certain qu'une nation qui n'avoit rien à démêler directement avec l'Espagne ne laissoit pas alors d'être en droit, pour la liberté publique, de prévenir cette puissance rapide qui sembloit prête à tout engloutir.

Les particuliers ne sont pas en droit de s'opposer de même à l'accroissement des richesses de leurs voisins, parcequ'on doit supposer que cet accroissement d'autrui ne peut être leur ruine. Il y a des loix · écrites et des magistrats pour réprimer les injustices et les violences entre les familles inégales en biens: mais pour les états, ils ne sont pas de même. Le trop grand accroissement d'un seul peut être la ruine et la servitude de tous les autres qui sont ses voisins: il n'y a ni loix écrites ni juges établis pour servir de barriere contre les invasions du plus puissant. On est toujours en droit de supposer que le plus puissant, à la longue, se prévaudra de sa force, quand il n'y aura plus d'autre force à-peu-près égale qui puisse l'arrêter. Ainsi, chaque prince est en droit et en obligation de prévenir dans son voisin cet accroissement de puissance qui jetteroit son peuple et tous les autres peuples voisins dans un danger prochain de servitude sans ressource.

Par exemple, Philippe II, roi d'Espagne, après avoir conquis le Portugal, veut se rendre maître de l'Angleterre. Je sais bien que son droit étoit mal fondé; car il n'en avoit que par la reine Marie sa femme, morte sans enfants. Élisabeth illégitime ne devoit point régner. La couronne appartenoit à Marie Suart et à son fils. Mais enfin, supposé que le droit de Philippe II eût été incontestable, l'Europe entiere auroit eu raison néanmoins de s'opposer à son établissement en Angleterre : car ce royaume si puissant ajouté à ses états d'Espagne, d'Italie, de Flandre, des Indes orientales et occidentales, le mettoit en état de faire la loi, sur-tout par ses forces maritimes, à toutes les autres puissances de la chrétienté. Alors, summum jus, summa injuria. Un droit particulier de succession ou de donation devoit céder à la loi naturelle de la sûreté de tant de nations. En un mot, tout ce qui renverse l'équilibre et qui donne le coup décisif pour la monarchie universelle, ne peut être juste, quand même il seroit fondé sur des loix écrites dans un pays particulier. La raison en est que ces loix écrites chez un peuple ́ne peuvent prévaloir sur la loi naturelle de la liberté et de la sûreté commune, gravée dans le cœur de tous les autres peuples du monde. Quand une puissance monte à un point que toutes les autres puis

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