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VII.

Enfin si on continue la guerre, quand même les ennemis remporteroient de grands avantages, le roi ne devroit pas, ce me semble, s'éloigner de Paris. Je ne voudrois pas qu'il s'y renfermât, si les ennemis venoient, par exemple, jusqu'à Senlis; encore faudroit-il alors qu'il y eût des princes de la maison royale qui soutinssent la ville et qu'on s'y retranchât. Si la capitale, où sont l'argent, le commerce, le crédit, et toutes les ressources, étoit abandonnéc, tout seroit perdu. Les provinces n'ont plus ni hommes. aguerris, ni argent, ni places capables d'arrêter les ennemis; tout est affamé et au désespoir. Plus le roi s'éloigneroit de Paris, plus il se mettroit au milieu des provinces pleines de huguenots dont il a tout à craindre : les bords de la Loire et le Poitou en sont pleins. Il n'y auroit que le courage du roi qui pût soutenir celui de la nation. Les ennemis iroient aussi facilement de Paris à Orléans, à Bourges, etc. et jusqu'aux Pyrénées, que de Béthune ou d'Aire à Paris : tout tomberoit devant eux. Malgré la misere et la stérilité, ils trouveroient à vivre partout en passant. Les huguenots et beaucoup de gens affamés se joindroient d'abord à eux. Paris étant abandonné, il faudroit un miracle pour sauver la France: les Allemands et les Anglois voudroient s'y établir.

C'est pour cette raison que je souhaiterois qu'on fit tomber tout d'un coup cette affreuse guerre par un prompt retour du roi d'Espagne. Le roi n'a qu'à le bien vouloir pour l'obtenir. Il me semble que nous sommes fort heureux de ce que nos ennemis n'ont pas voulu accepter nos offres en se réservant le dessein de se servir des places que nous leur aurions cédées pour entrer en France dès qu'il y auroit eu un nombre considérable de François passés en Espagne : car il y a tout lieu de croire que ce cas seroit arrivé infailliblement, et qu'ils auroient eu un beau prétexte d'entrer tout-à-coup dans le royaume. Le retour du roi d'Espagne peut seul couper la racine du mal.

REMARQUES

Sur les raisons des ennemis, rapportées en quatre articles dans le mémoire.

I.

Les raisons ici alléguées contre Philippe V sont très fortes; mais, sans les examiner en détail, une seule considération semble les détruire toutes.

On sait que les royaumes sont, ou électifs dont le roi n'est qu'usufrutier à vie, ou patrimoniaux dont le roi dispose comme il veut, ou enfin successifs

dont le roi a toujours pour successeur nécessaire son plus proche héritier descendant du premier roi, la ligne directe préferée et le droit d'aînesse gardé, soit mâle seulement, soit fille à défaut de mâle : et c'est ce dernier usage qu'on voit établi en Espagne depuis mille ans; car Philippe V descend en ligne directe des deux premiers rois qui, réfugiés en différents lieux des montagnes du nord, commencerent à reconquérir en même temps l'Espagne sur les Maures vers 717, et dont les familles se réunirent ensuite par mariage en une seule qui a toujours régné depuis, i

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Voilà donc un usage de dix siecles qui forme tout ensemble une loi et une possession inviolable en faveur des descendants de ces premiers rois tant qu'il y en aura. C'est une espece de substitution graduelle et perpétuelle contre laquelle aucun testament ni renonciation ne peut prescrire, que nul des substitués n'a le pouvoir de changer, et que la nation même qui s'est soumise à cette famille ou descendants n'a plus droit d'infirmer, mais seulement de juger si les conditions ordonnées par la loi pour la succession sont remplies.

Par cette raison, dira-t-on, Louis dauphin, et, après lui, Louis duc de Bourgogne, devoient être rois d'Espagne : il est vrai; mais comme il est permis à un roi d'abdiquer sa couronne, à plus forte raison ces deux

princes pouvoient-ils céder personnellement celle d'Espagne qu'ils n'avoient pas encore.

Si l'on répond qu'ils ne pouvoient céder que leur droit personnel, et non pas celui de leurs futurs descendants, qui sont venus depuis, la réplique paroît décisive,

Quand la succession d'un royaume est ouverte, il faut un roi pour le gouverner. C'est pour en avoir perpétuellement que la nation a choisi une famille ou descendance entiere; et c'est pour l'avoir sans interruption ni délai à la mort de chacun, que la succession a été fixée par l'aînesse, qui décide sur le champ, rien n'étant plus pernicieux aux états que les interregnes. Si donc celui qui doit succéder selon la loi refuse, la couronne passe à son fils; et s'il n'y en a point, elle passe nécessairement à son frere ; car la nation n'attend point alors un fils du premier, qui ne viendra peut-être jamais. Ainsi, quand, après la prise de possession de la couronne par le frere puîné, l'aîné, qui a refusé, vient à avoir des enfants, ils ne peuvent rien prétendre à la couronne cédée par leur pere; 1o. parceque n'étant point existants dans le temps de la cession, ils ne sont susceptibles d'aucun droit; 2°. parcequ'ils n'ont pu en acquérir depuis par leur naissance, puisque le seul prince qui pourroit le leur transmettre n'en avoit plus lui-même quand

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ils sont nés. Telle est donc la loi de la succession des monarchies il faut qu'un roi vivant succede sans délai au roi qui meurt. Si celui que le roi met sur le trône refuse d'y monter, il perd son droit, et en saisit son successeur présomptif vivant, auquel le droit, une fois recueilli, demeure et par lui à sa postérité. A l'égard du traité de partage mentionné dans cet article, il n'obligeroit le roi qu'à convenir avec l'Angleterre et la Hollande d'un prince pour l'Espagne, au cas que l'empereur refusât d'accepter ce traité. L'empereur l'a refusé six mois devant la mort du roi d'Espagne; le roi n'étoit donc plus alors engagé qu'à convenir de la nomination du prince avec les deux autres puissances. Or sa majesté notifia le choix de Philippe V par le testament, au roi Guillaume et aux États- Généraux, qui reconnurent ce prince pour roi d'Espagne. Ainsi voilà dès-lors le traité de partage exécuté.

II.

Il falloit sans doute, au mois de mai dernier, faire déclarer les alliés sur ce qu'ils exigeoient du roi pour assurer l'abandon d'Espagne par le roi Philippe. M. de Torci prétend n'avoir rien oublié sur cela, et l'on verra à la fin de ces remarques ce qu'ils lui ont répondu.

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