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trifteffe, fans penser à l'étenduë, & mêmes en fuppofant qu'il n'y ait point d'étendue. Donc toutes ces chofes ne font point des modifications de l'étenduë, mais des modifications d'une fubftance qui penfe, qui fent, qui defire, & qui eft bien differente de l'étenduë.

Toutes les modifications de l'étenduë ne confiftent que dans des rapports de diftance. Or il eft évident que mon plaifir, mon defir & toutes mes penfées ne font point des rapports de distance. Car tous les rapports de diftance fe peuvent comparer, mefurer, déterminer éxactement par les principes de la Geometrie : & l'on ne peut ni comparer ni mefurer de cette maniere nos perceptions & nos fentimens. Donc mon ame n'est point materielle. Elle n'eft point la modification de mon corps. C'eft une fubfrance qui penfe, & qui n'a nulle reffemblance avec la fubftance étendue dont mon corps eft compofé.

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ARISTE. Cela me paroît démontré. Mais qu'en pouvez-vous conclure ? III. THEODORE. J'en puis conclure une infinité de veritez. Car la diftinction de l'ame & du corps eft le fondement des principaux dogmes de la

pas,

*

*

la Feri

de l'ame

Philofophie, & entr'autres de l'immortalité de nôtre être. Car, pour le Voy.le dire en paffant, fi l'ame eft une fubftan- Rech. de ce diftinguée du corps, fi elle n'en eft té. liv. 4, point la modification, il est évident que a dif chap. 2. quand mêmes la mort anéantiroit nôtre tination corps, ce qu'elle ne fait il ne s'en- & du fuivroit pas delà que nôtre ame fuft corps eft anéantie. Mais il n'est pas encore temps ment de de traiter à fonds cette importante quef- toutes les tion. Il faut que je vous prouve aupara- fances vant beaucoup d'autres véritez. Tâchez qui ont de vous rendre attentif à ce que je vas l'homme. vous dire.

ARISTE. Continuez. Je vous fuivrai avec toute l'application dont je fuis capable.

IV. THEODOR E. Je penfe à quantité de chofes ; à un nombre, à un cercle, à une maison, à tels & tels êtres, à l'être. Donc tout cela eft, du moins dans le temps que j'y penfe. Aflurément, quand je penfe à un cercle, à un nombre, à l'être ou à l'infini, à tel être fini, j'apperçois des realitez. Car fi le cercle que j'apperçois n'étoit rien, en y penfant je ne penferois à rien. Or le cercle que j'apperçois a des proprietez que n'a pas telle autre figure. Donc ce cercle

le fonde

connoif.

rapport à

éxifte dans le temps que j'y penfe; puifque le néant n'a point de proprietez, & qu'un néant ne peut être different d'un autre néant.

ARISTE. Quoi, Theodore ! tout ce à quoi vous penfez exifte? Est-ce que vôtre efprit donne l'être à ce cabinet, à ce bureau, à ces chaifes, parce que vous y penfez ?

vous dis

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THEODORE. Doucement. Je que tout ce à quoi je penfe eft, રે ou, fi vous voulez, exifte. Le cabinet le bureau, les chaifes que je voi, tout cela eft, du moins dans le temps que je le voi. Mais vous confondez ce que je voi avec un meuble que je ne voi point. Il y a plus de difference entre le bureau que je voi, & celui que vous croyez voir, qu'il n'y en a entre vôtre efprit & vôtre corps.

ARISTE. Je vous entens en partic, Theodore, & j'ai honte de vous avoir interrompu. Je fuis convaincu que tout ce que nous voyons, ou tout ce à quoi nous penfons, contient quelque réalité. Vous ne parlez pas des objets, mais de leurs idées. Oui, fans doute, les idées que nous avons des objets, exiftent dans le temps qu'elles font prefentes à nôtre efpric. Mais je croyois que vous parliez des objets mêmes.

V. THEODORE. Des objets mêmes! oh que nous n'y fommes pas ! Je tâche de conduire par ordre mes réflexions. Il faut bien plus de principes que vous ne pensez, pour démontrer ce dont perfonne ne doute. Car où font ceux qui doutent qu'ils ayent un corps, qu'ils marchent fur une terre folide, qu'ils vivent dans un monde materiel? Mais

vous fçaurez bientoft ce que peu de gens comprennent bien, fçavoir que fi nôtre corps fe promene dans un monde cor porel, nôtre efprit de fon côté fe tranfporte fans ceffe dans un monde intelligible qui le touche, & qui par là lui devient fenfible.

Comme les hommes comptent pour rien les idées qu'ils ont des chofes, ils donnent au monde creé beaucoup plus de réalité qu'il n'en a. Ils ne doutent point de l'éxiftence des objets, & ils leur attribuent beaucoup de qualitez qu'ils n'ont point. Mais ils ne penfent feulement pas à la réalité de leurs idées. C'eft qu'ils écoutent leurs fens, & qu'ils ne confultent point affez la vérité intérieure. Car encore un coup, il est bien plus facile de démontrer la réalité des idées, ou, pour me fervir de vos termes,

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la réalité de cet autre monde tout rempli de beautez intelligibles, que de démontrer l'éxiftence de ce monde matériel. En voici la raifon,

C'eft que les idées ont une éxistence éternelle & néceffaire, & que le monde corporel n'éxifte que parce qu'il a plû à Dieu de le créer. Ainfi, pour voir le monde intelligible, il fuffit de confulter la Raifon qui renferme les idées intelligibles, éternelles & neceffaires, l'archetype du monde vifible: ce que peuvent faire tous les efprits raifonnables, ou unis à la Raifon. Mais pour voir le monde matériel, ou plûtoft pour juger que ce monde éxiste, car ce monde eft invifible par lui-même, il faut par néceffité que Dicu rous le révéle; parce que nous ne pouvons pas voir fes volontez arbitraires dans la Raifon néceffaire.

Or Dieu nous révéle l'éxiftence de fes creatures en deux manieres, par l'autorité des Livres Sacrez, & par l'entremife de nos fens. La premiere autorité fuppofée, & on ne peut la rejetter, on * démontre en rigueur l'éxiftence des * Ci-def fous, En corps. Par la feconde on s'aflure fuffitret. VI. famment de l'éxiftence de tels & tels

corps. Mais cette feconde n'eft pas

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