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à fes attributs par la fimplicité & la generalité de fes voyes, que par l'exemp tion des defauts qu'il permet dans l'Univers ou qu'il y produit en confequence des loix generales qu'il a établies pour de meilleurs effets que la generation des monftres, comme nous l'expliquerons dans la suite. Ainfi Dieu eft jufte en lui-même, jufte dans fes voyes, jufte effentiellement ; parce que toutes fes volontez font neceflairement conformes à l'Ordre immuable de la juftice qu'il fe doit à lui-même & à fes divines perfections.

Mais l'homme n'eft point jufte par lui-même. Car l'Ordre immuable de la juftice, qui comprend tous les rap-. ports de perfection de tous les êtres poffibles & de toutes leurs qualitez, ne fe trouvant qu'en Dieu, & nullement dans nos propres modalitez; quand I homme s'aimeroit par un mouvement dont il feroit lui-même la caufe, bien loin que fon amour propre pût le rendre jufte, qu'il le corromproit infiniment plus que l'amour propre du plus fcele rat des hommes. Car il n'y cut jamais d'ame affez noire, & poffedée d'un amour propre fi déreglé, que la beauté

de l'Ordre immuable ne l'ait pû frapper en certaines occafions. Nous ne fommes donc parfaitement juftes, que lors que voyant en Dieu ce que Dieu y voit lui-même, nous en jugeons comme lui, nous eftimons & nous aimons ce qu'il aime & ce qu'il eftime. Ainfi bien loin que nous foyons juftes par nous-mêmes, nous ne ferons parfaitement tels, que lors que délivrez de ce corps qui trouble toutes nos idées, nous verrons fans obfcurité la Loy éternelle, fur laquelle nous reglerons exactement tous les jugemens & tous les mouvemens de notre cœur. Ce n'eft pas qu'on ne puiffe dire que ceux qui ont la charité font juftes veritablement, quoi qu'ils forment fouvent des jugemens fort injuftes. Ils font juftes dans la difpofition de leur cœur. Mais ils ne font pas juftes en toute rigueur, parce qu'ils ne connoiffent pas exactement tous les rapports de perfection qui doivent regler leur eftime & leur amour.

XIV. ARISTE. Je comprens, Theodore, par ce que vous me dites-là, que la juftice auffi-bien que la verité habitent, pour ainfi dire, éternellement dans une nature immuable. Le jufte &

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l'injufte, auffi-bien que le vrai & lë faux ne font point des inventions de l'efprit humain, ainfi que pretendent certains efprits corrompus. Les hommes, difent-ils, fe font fait des loix pour leur mutuelle confervation. C'est fur l'amour propre qu'ils les ont fondées. Ils font convenus entr'eux: & par là ils fe font obligez. Car celui qui manque à la convention fe trouvant plus foible que le refte des contractans, il fe trouve parmi des ennemis qui fatisfont à leur amour propre en le puniffant. Ainfi, par amour propre, il doit obferver les loix du païs où il vit: non parce qu'elles font juftes en elles-mêmes, car delà l'eau, difent-ils, on en obferve de toutes contraires; mais parce qu'en s'y foûmettant on n'a rien à craindre de ceux qui font les plus forts. Selon eux, tout eft naturellement permis à tous les hommes. Chaque particulier droit à tout; & fi je cede de mon droit, c'eft que la force des concurrens m'y oblige. Ainfi l'amour propre eft la regle de mes actions. Ma loi c'est une puiffance étrangere ; & fi j'étois le plus fort, je rentrerois naturellement dans tous mes droits. Peut-on rien dire

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de plus brutal & de plus infenfe? La force a deferé au lion l'empire fur les autres brutes; & j'avouë que c'eft fouvent par elle que les hommes l'ufurpent les uns fur les autres. Mais de croire que cela foit permis, & que le plus fort ait droit à tout, fans qu'il puiffe jamais commettre aucune injustice, c'eft affurément fe ranger parmi les animaux, & faire de la focieté humaine une af femblée de bêtes brutes. Oui, Theodore, je conviens que l'Ordre immuable de la juftice cft une loi dont Dieu même ne fe dispense jamais, & fur laquelle il me femble que tous les efprits doivent regler leur conduite. Dieu eft jufte effentiellement & par la neceffité de fon être. Mais voyons un peu s'il eft bon, mifericordieux, patient : car il me femble que tout cela ne peut gueres s'accorder avec la feverité de fa juftice.

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XV. THEODORE. Vous avez raifon, Arifte. Dieu n'eft ni bon, ni mifericordieux ni patient: felon les idées vulgaires, Ces attributs tels qu'on les conçoit ordinairement font indignes de l'Etre infiniment parfait. Mais Dieu poffede ces qualitez dans le fens que la Raifon nous l'apprend, & que l'Ecri

ture, qui ne peut fe contredire, nous le fait croire. Pour expliquer tout cela plus diftinctement, voyons d'abord fi Dieu eft effentiellement jufte en ce fens qu'il récompenfe neceffairement les bonnes œuvres, & qu'il puniffe indifpenfablement tout ce qui l'offenfe, on qui bleffe, pour ainfi dire, fes attri

buts.

ARISTE. Je conçois bien, Theodore, que fi les créatures font capables d'offenfer Dieu, il ne manquera pas de s'en vanger, lui qui s'aime par la neceffité de fon être. Mais que Dieu puiffe en être offenfé, c'eft ce qui ne me paconcevable. Et fi cela étoit

roît pas poffible, comme il s'aime neceffairement, il n'auroit jamais donné l'être, ou du moins cette liberté ou cette puiffance à des créatures capables de lui refifter. Eft-ce que cela n'eft pas évident?

THEODORE. Vous me proposez, Arifte, une difficulté qui s'éclaircira bien-tôt. Suivez-moi, je vous prie, fans me prévenir. N'eft-il pas clair par ce que je viens de vous dire, que l'Or dre immuable eft la loi de Dieu, la regle inviolable de ses volontez &

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