Obrázky na stránke
PDF
ePub

be divin, entant que Raifon univerfelle, renferme dans fa fubftance les idées primordiales de tous les êtres & créez & poffibles. Vous fçavez que toutes les intelligences, qui font unies à cette fouveraine Raifon, découvrent en elle quelques-unes de ces idées, felon qu'il plaît à Dieu de les leur manifefter. Cela se fait en conféquence des loix générales qu'il a établies pour nous rendre raifon nables, & former entre nous & avec lui, une efpece de focieté. Je vous développerai quelque jour tour ce myftere. Vous ne doutez pas que l'étendue intelligible, par exemple, qui eft l'idée. primordiale, ou l'archetype des corps, eft contenue dans la Raifon univerfelle, qui éclaire tous les efprits, & celui-là même à qui cette raifon eft confubftantielle. Mais vous n'avez peut-être pas fait affez de réfléxion fur la différence qu'il y a entre les idées intelligibles qu'elle renferme, & nos propres fentimens, ou les modifications de nôtre ame; & vous croyez peut-être qu'il eft inutile de la remarquer exactement.

III. Qu'il y a de différence, mon cher Arifte, entre la lumière de nos idées, & l'obscurité de nos fentimens, entre con

noître & fentir; & qu'il eft néceffaire de s'accoûtumer à la diftinguer fans peine! Celui qui n'a point fait affez de réfléxion fur cette différence, croyant fans ceffe connoître fort clairement ce qu'il fent le plus vivement, ne peut qu'il ne s'égare dans les ténebres de fes propres modifications. Car enfin, comprenez bien cette importante vérité. L'homme n'eft point à lui-même fa propre lumiere. Sa fubftance, bien loin de l'éclairer, lui eft inintelligible elle-même. Il ne connoît rien que par la lumiere de la Raifon univerfelle qui éclaire tous les efprits, que par les idées intelligibles qu'elle leur découvre dans fa fubftance toute lumineuse.

IV. La raison creée, nôtre ame, l'efprit humain, les intelligences les plus pures & les plus fublimes pcuvent bien voir la lumiere : mais ils ne peuvent la produire, ou la tirer de leur propre fonds; ils ne peuvent l'engendrer de leur fubftance. Ils peuvent découvrir les véritez éternelles, immuables, néceffaires dans le Verbe divin, dans la Sageffe éternelle, immuable, néceflaire. Mais ils ne peuvent trouver en eux que, des fentimens fouven: fort vifs, mais toûjours ob

[ocr errors]

fcurs & confus, que des modalitez pleines de tenebres. En un mot ils ne peuvent en fe contemplant découvrir la verité. Ils ne peuvent fe nourrir de leur propre fubftance. Ils ne peuvent trouver la vie des intelligences que dans la Raifon univerfelle qui anime tous les efprits, qui éclaire & qui conduit tous les hommes. Car c'eft elle qui confole interieurement ceux qui la fuivent ; c'eft elle qui rappelle ceux qui la quittent ; c'eft elle enfin qui par des reproches & des menaces terribles remplit de confufion, d'inquietude & de defefpoir ceux qui font refolus de l'aban donner.

ARISTE. Je fuis bien perfuadé, Theodore, par les reflexions que j'ai faites fur ce que vous m'avez dit ces joursci, que c'eft uniquement le Verbe divin qui nous éclaire par les idées intelligibles qu'il renferme. Car il n'y a point deux ou plufieurs Sageffes, deux ou plufieurs Rai fons univerfelles. La verité eft immuable, neceffaire, éternelle, la même dans le temps & dans l'éternité, la même parmi nous & les étrangers, la même dans le ciel & dans les enfers. Le Verbe éternel parle à toutes les nations le même langage, aux Chinois & aux Tartares com

me aux François & aux Espagnols; & s'ils ne font pas également éclairez, c'eft qu'ils font inégalement attentifs ; c'est qu'ils mêlent les uns plus, les autres moins, les infpirations particulieres de leur amour propre avec les réponses générales de la verité intérieure. Deux fois deux font quatre chez tous les peuples. Tous entendent la voix de la verité, qui nous ordonne de ne point faire aux autres ce que nous ne voulons pas qu'on nous faffe. Et ceux qui n'obeïffent point à cette voix, fentent des reproches intérieurs qui les menacent & qui les puniffent de leur defobeiffance, pourvû qu'ils rentrent en eux-mêmes, & qu'ils entendent raison. Je fuis maintenant bien convaincu de ces principes. Mais je ne comprens pas encore trop bien cette difference entre connoître & fentir, que vous jugez fi neceffaire pour éviter l'erreur. Je vous prie de me la faire remarquer.

V. THEODOR E. Si vous aviez bien medité fur les principes dont vous dites que vous êtes convaincu, vous verriez clairement ce que vous me demandez. Mais fans vous engager dans un chemin trop penible, répondez-moi. Penfez-vous que Dieu fente la douleur nous fouffrons?

que

ARISTE. Non fans doute : car le fentiment de la douleur rend malheureux. THEODORE. Fort bien. Mais croyez-vous qu'il la connoiffe? ARISTE. Oiii, je le croi. Car il connoît tout ce qui arrive à fes creatures. La connoiffance de Dieu n'a point de bornes, & connoître ma douleur ne le rend ni malheureux ni imparfait. Au con

traire...

THEODORE. Oh, oh, Ariste ! Dieu connoît la douleur, le plaifir, la chaleur, & le refte, & il ne fent point ces chofes ! Il connoît la douleur, puis qu'il fçait quelle eft cette modification de l'ame en quoi la douleur confifte. Il la connoît, puis que c'est lui feul qui la cause en nous, ainfi que que je vous prouverai dans la fuite, & qu'il fçait bien ce qu'il fait. En un mot, il la connoît, puis que fa connoiffance n'a point de bornes. Mais il ne la fent pas : car il feroit malheureux. Connoître la douleur ce n'eft donc pas la fentir.

ARISTE. Il eft vrai, Mais fentir la douleur n'eft-ce pas la connoître ?

VI. THEODORE. Non fans doute, puis que Dieu ne la fent nulle

ment, & qu'il le connoît parfaitement.

« PredošláPokračovať »