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on dit en termes d'art: Prodiguez vos parfums: à quoi vous ferviront-ils ? Puifque vous avez perdu celui qui étoit votre parfum.

Les Amours ont coupé leurs cheveux. C'étoit un figne de douleur chez les anciens on le voit dans Homere, par l'exemple d'Achille, qui coupe les fiens pour les jeter fur le corps de Patrocle, & chez Sophocle par celui d'Orefte, qui fait la même chofe fur le tombeau de fon pere Agamemnon. Tout ce tableau eft charmant, il est gracieux, riant; & nous ne faurions être de l'avis de ceux qui trouvent qu'il l'eft trop, & qui difent qu'il ref femble plutôt à un jeu d'enfant, qu'à un devoir funébre; d'autant plus que tout cet appareil n'eft que la repréfentation dont parle Théocrite. Tous ces Amours n'étoient qu'en figures; & le poëte ne les anime que parce que c'eft Fufage des poëtes de faire parler & agir toutes les figures dont ils font des defcriptions.

Songez que tous les ans, &c, Ces

derniers vers nous annoncent affez clairement, que cet ouvrage a été compofé pour les fêtes funèbres qui revenoient tous les ans.

On nous pardonnera d'avoir parlé librement de ce qui nous a paru repréhensible dans cet ouvrage. Qu'on fe rappelle, fi on le veut bien, notre but, qui eft d'aider les jeunes gens à fe former le goût. Les petits défauts de Bion font dans l'excès des ornemens; ceux de Théocrite font ordinairement dans l'excès oppofé. Si nous avions été obligés de parler des fautes de ce dernier, nous l'euffions fait avec la même liberté. Cependant cela eût peut être été moins néceffaire ; parce que, dans le fiècle où nous fommes, on eft, du moins pour les ouvrages d'efprit, plus près d'approuver les défauts de Bion, que ceux de Théocrite.

On peut par le moyen de cette pièce, fi on le veut, fe former une idée jufte de l'expreffion des fentimens. On y voit d'abord beaucoup d'interjec

tions, qui font le premier langage du fentiment quand il eft feul enfuite des tours naïfs, tels que l'apostrophe, l'exclamation, &c, quand le fentiment eft lié à quelque pensée : des penfées douces, qui femblent porter en ellesmêmes le ton affectueux avec lequel on doit les prononcer; enfin une efpèce de défordre dans les idées, qui fe fuccédent fans liaison, & fe choquent mutuellement. Rien n'eft moins régulier que les difcours de Vénus: elle faifit un objet, puis elle labandonne; puis elle y revient : elle réfléchit fur fa douleur : elle s'écrie: elle appelle Adonis : elle lui veut parler, & ne lui dit rien.

,

Si on veut rapprocher les caractères de ces trois poëtes, & les comparer en peu de mots on peut dire que Théocrite a peint la nature fimple & quelquefois négligée ; que Mofchus l'a arrangée avec art; que Bion lui a donné des parures. Chez Théocrite l'Idylle eft dans un bois, ou dans une

verre prairie : chez Mofchus, elle est dans une ville : chez Bion, elle est prefque fur un théâtre. Or quand nous lifons des Bergeries, nous fommes bien aifes d'être hors des villes. L'art eft charmant: rien ne plaît tant à l'efprit que la fymmétrie & les proportions. Il y a néanmoins des inftans où l'efprit aime à s'en débarraffer, à fe trouver dans une efpèce de défordre, où il voie tout, fans que rien se fe faffe remarquer. C'eft alors qu'il fent proprement la folitude, & qu'il en jouit. On veut qu'une Eglogue amuse doucement, mollement, fi j'ofe parler ainfi ; que fa lecture foit pour nous comme un demi fommeil, où on ne penfe qu'autant qu'il le faut, pour fentir qu'on fe repofe : & c'eft préci fément ce que produit le ton & la marche de Théocrite. Mais difons plu tôt que ce font trois efpèces différentes, & qu'aucune d'elles ne doit être la régle, ni le modèle des deux au

tres.

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CHAPITRE VII.

ÉGLOGUES DE VIRGILE.

VIRGILE né à Mantone, de parens

de médiocre condition, fe fit connoî tre à Rome par fes poëfies paftorales. Il eft le feul poëte latin qui ait excellé dans ce genre, & il a mieux aimé prendre pour modèle Théocrite que Mofchus, ni Bion. Il s'y eft attaché tellement que fes Eglogues ne font prefque que des imitations du poëte grec. Ce font les mêmes fujets, les mêmes tours, très fouvent les mêmes penfées. Horace a peint le caractère de fes Eglogues dans ce vers fameux:

Molle atque facetum
Virgilio annuerunt gaudentes rure Camana.

Il s'agit de déterminer au jufte la fignification de ces deux mots, molle & facetum. Madame Deshoulieres les avoit en vûe quand elle a dit que le

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