1720. L'argent pour des Billets, il n'eft pas étonnant que l'affluence du Peuple y fut extraordinaire. Il n'y avoit point de jours que quelqu'un n'y fut écrafé ou étouffé, & c'est ce qui achevoit de rendre odieux un Syftême, que fans doute S. A. R. avoit établi avec des intentions droites & finceres. Une autre chofe qui fut regardée de mau vais œil fut l'élection du Marquis de Châteauneuf en la place de Prevôt des Marchands. Elle effuia de grandes opofitions de la part du Corps de Ville, parce que ce Seigneur étoit né à Chambery. Il fallut même lui donner une dispense, dans laquelle il fut exprimé qu'on n'entendoit point préjudicier aux intérêts des Parifiens, à qui cette dignité apartenoit de droit. Auffi on ne manqua pas de raifonner furcet évenement avec la ma-lignité que la paffion inspire d'ordi. naire. On difoit que Monfieur de Châteaunenf avoit été fubftitué à Monfieur de Trudaine, parce que ce dernier aiant reçû une grande quantité d'actions diftribuées par liaffes pour les faire brûler devant l'Hôtel de Vil le, il avoit inferé ces mots dans le Procès verbal qu'on lui en préfentang & qu'on l'empêcha de vérifier. Tant 1720. de liaffes, à tant & tant de differens' prix, qu'on nous a dit monter à telle fomme en totalité. Voilà ce qui lui a fait donner un Succeffeur, ajoutoient quelques perfonnes. On lui a dit qu'il étoit honnête homme mais qu'il n'entendoit rien au Siftême de la Banque. On a eu raifon. Il ne le con noit pas, ce Siftême pernicieux, & il eft évident que perfonne dans Paris n'en fait plus que lui fur cette matiére, puifqu'il a fallu chercher un Etranger pour remplir une place, qu'on reconnoît être dûë aux feuls Pari fiens. PENDANT ce tems-là on con tinuoit de couper & de paier les Bil lets de Banque, felon la métode qui à été marquée ci-deffus. On en brû loit auffi un nombre prodigieux devant l'Hôtel de Ville, & on comp toit qu'il en avoit déja disparude la for te pour trois cens feptante quatre millions quarante mille livres. Il en étoit de même des actions, & on devoit continuër jufqu'à ce que les Billets de Banque fuffent réduits à la quantité de cinq cens millions, vifez par le Prevôt des Marchands, & les Actions à deux AS 1720. cens mille vifez par des Commiffaires que le Roi nommeroit. D'un autre côté, S. A. R. le Parlement, & le Chancelier, travailloient fans interruption à retablir les Finan Diverfes affaires ces. TANT d'affaires importantes n'emparticu. pêchérent pourtant point que le Puliéres. blic ne s'occupât de quelques autres qui l'étoient moins. Tel fut le procez que le Prince de Conti gagna contre le Marquis de Laffai, & par lequel il retira le Duché de Mercœur d'où dépendent quatre-vingt deux bourgs ou villages dans le Gevaudan. Il y joignit le Marquifat de Mardogne qu'il acheta fept cens mille li vres. 2 Le bruit qui s'étoit répandu que le Maréchal de Villeroi étoit mort parut auffi intéreffer beaucoup de perfonnes, jufques - là qu'il fut obligé pour le diffiper de fe laiffer voir en public, & que les Harangeres lui envoierent une Députation folemnelle. Celle qui portoit la parole attendrit tellement ce Seigneur & fa Famille que le Duc & le Marquis de Villeroi les embrafférent toutes les unes après les autres, & les réconduifirent en les remerciant de leur affection pour le 1720, Maréchal, & de leur zéle pour Sa Ma jesté. IL s'en fallut beaucoup qu'on s'inquiétât autant de ce qui regardoit la maladie de Monfieur d'Argenfon. La fortune de ce Magiftrat avoit été renverfée en peu de jours. Son fils ainé avoit été rapellé de l'Intendance de Maubeuge. Son fecond fils avoit perdu la Charge de Lieutenant Général de Police. Lui-même il n'avoit confervé que le titre de Garde des Sceaux, & la permifflon d'affifter au Confeil. Peu de tems après, il tomba malade d'uné rétention d'urine, & d'une jauniffe, & il choifit fa fe pulture dans l'Eglife des Théatins aufquels il laiffa des fonds confiderables. du Bois LA nomination de l'Abbé du Bois L'Abbe à l'Archevêché de Cambrai arriva nommé vers le même tems & il prêta fer- Aichement le fix Juin au Roi, en fence de S. A. R. qui lui donna anneau eftimé cent mille livres. vêque pré- decame un brai Prépa pour la PENDANT ce tems là, les Puif- ratifs fances de l'Europe travailloient à y Paixe établir la Paix, ce qui n'empêchoit pas qu'on ne fit des deux côtez divers 723. préparatifs de Guerre. Les Officiers de France avoient reçû ordre de fe rendre dans leurs quartiers. On for tifioit Bergues-Saint-Winox en Flan dres, & Seiffel dans le Bugey à neufTM lieuës de Chambery. Le Duc de Berwich étoit allé fur les frontières d'Espagne vifiter les Quartiers qui étoient fous fon commandement. D'un autre côté, on publioit que Sa Ma-jefté Catholique faifoit lever en différens païs un bon nombre de Trou-pes & d'Officiers, dont on ignoroit la deftination. Mais ces marques de défiance réciproque difparurent bientôt, par l'habileté du nouvel Archevêque de Cambrai, qui diffipa divers obftacles. On convint que le Con-grez fe tiendroit à Cambrai. L'Archevêque fut nommé Plénipotentiaire de France avec Meffieurs de Mor ville & de Saint Canteft. Le Mar. quis de Maulévrier eut ordre de fe difpofer à paffer en Espagne en qualité d'Ambaffadeur, & il partit le douze du mois d'Août.. Il y porta Te cordon-bleu au dernier Infant. Il avoit avec lui Monfieur. de Ro bin, qui avoit travaillé dans le département des Finances fous le Duc |