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PHILOSOPHIQUE

DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER

PARAISSANT TOUS LES MOIS

DIRIGÉE PAR

TH. RIBOT

VINGT-NEUVIÈME ANNÉE

LVIII

(JUILLET A DÉCEMBRE 1904)

FÉLIX ALCAN, ÉDITEUR

108, BOULEVARD SAINT-GERMAIN, 108

PARIS, 6o

TET VAID RIVWŁOWDYM

LE SOURIRE1

ÉTUDE PSYCHOPHYSIOLOGIQUE

I

On s'accorde d'ordinaire à considérer le sourire comme un rire atténué, un rire qui s'arrête en commençant; et l'expression même de sourire ne signifie pas autre chose.

le

Darwin, lorsqu'il étudie le rire, y distingue trois degrés sourire, le rire modéré et le fou rire. Piderit classe lui aussi le sourire parmi les degrés faibles du rire et Littré le définit « un rire sans éclat ». La première conséquence de cette assimilation est qu'il n'y a pas à proprement parler de physiologie ni de psychologie du sourire; la question du rire attire seule l'attention et lorsque celle du sourire est par hasard abordée, ce n'est qu'à titre de corollaire sans importance ou même de digression. L'objet de ces quelques pages est de présenter du sourire une étude directe, aussi indépendante que possible de toutes celles qui ont été écrites sur le rire. On espère montrer, au cours de l'analyse, que si le sourire est dans certains cas le premier degré du rire, il s'en distingue souvent pour se rattacher, sans intermédiaire, aux lois profondes de l'expression et de la vie.

II

Ce n'est pas seulement la bouche qui sourit mais les joues, le nez, les paupières, les yeux, le front, les oreilles, et si l'on veut bien comprendre la nature et la signification du sourire, il importe de ne négliger aucune des parties du visage par lesquelles il s'exprime.

1. Dans l'Étude sur le sourire où figureront ces deux articles l'auteur se réserve de traiter de la pathologie du sourire (sourires par inflammation des centres nerveux, par contractures, etc.), et de la localisation cérébrale des mouvements du sourire.

2. De l'expression des émotions, p. 227 (trad. Pozzi et Benoit).

3. La Mimique et la Physiognomonie, p. 148, trad. Girot. Paris, F. Alcan.

TOME LVIII.

1

JUILLET 1904.

La bouche s'élargit plus ou moins dans le sourire, tandis que les commissures des lèvres sont tirées fortement en arrière et légèrement vers le haut. Cette expression bien connue, est due à l'action combinée de plusieurs muscles. Le buccinateur1 attire en arrière les commissures des lèvres, l'élévateur de l'aile du nez et de la lèvre supérieure ainsi que l'élévateur propre de la lèvre supérieure exercent l'action indiquée par leur nom, le petit zygomatique 2 attire en haut et légèrement en dehors la partie de la lèvre supérieure à laquelle il s'insère, le grand zygomatique attire en haut et en dehors la commissure labiale et le risorius de Santorini l'attire en arrière.

On peut distinguer une infinité de degrés dans le sourire de la bouche suivant la contraction plus ou moins forte des muscles; quelquefois même il y a sourire sans contraction apparente. Chez Marie S. par exemple, une petite fille de douze ans, les fibres du risorius de droite n'arrivent pas toutes au coin des lèvres; quelquesunes se fixent à la peau des joues et creusent une jolie fossette pour une contraction légère que le coin des lèvres ne trahit pas encore ou trahit à peine; c'est le sourire de la bouche le plus faible et le plus gracieux peut-être, car il en déforme à peine la ligne ondulée.

Les joues remontent pour sourire; la partie moyenne du visage s'élargit ainsi, elle s'épanouit suivant l'expression courante et le visage tout entier semble diminuer de longueur. Cette ascension des joues détermine au-dessus et au-dessous deux sillons caractéristiques; le premier, le sillon labio-nasal, va de l'aile du nez au coin des lèvres, le second s'étend sur le bord inférieur de l'orbite pour se terminer du côté extérieur par de petits plis horizontaux appelés pattes d'oie, et ces sillons, comme l'ascension qui les provoque, sont le sourire des joues.

Un assez grand nombre de muscles concourent à produire cette expression. Quelques-uns nous sont déjà connus; ce sont l'élévateur propre de la lèvre supérieure, le petit et le grand zygomatique qui

1. Pour savoir quels muscles concourent au sourire et dans quelle mesure je me suis servi soit de la vue soit du toucher soit des deux sens à la fois.

2. Il est juste d'ajouter ici que Duchenne de Boulogne (Mécanisme de la physionomie humaine, p. 81 sqq.) considère le petit zygomatique, l'éleveur propre de la lèvre supérieure et l'éleveur commun de l'aile du nez et de la levre supérieure comme les muscles du pleurer et du pleurnicher, Il est fort possible en effet qu'ils donnent cette expression en combinant leurs contractions lorsque les muscles voisins sont au repos; mais dans l'expression générale du sourire ils ne restent pas inactifs comme on peut s'en convaincre par le toucher et par la vue; leurs contractions sont seulement plus légères et comme fondues avec les contractions voisines. D'ailleurs Piderit (op. cit., p. 147) n'a pas hésité à compter parmi les muscles du rire le petit zygomatique et l'élevateur de la lèvre supérieure.

ne peuvent se contracter sans tirer en haut la masse charnue des joues et ce sont aussi, quoique d'une façon moins apparente, la plupart des muscles masticateurs.

Le temporal se contracte légèrement et bien que sa contraction ne modifie pas sensiblement l'expression du visage, elle concourt à maintenir le maxillaire inférieur contre le maxillaire supérieur et par suite à arrondir les joues. Le masséter exerce la même action et de plus traduit sa contraction par un renflement de la partie postérieure et inférieure des joues.

Il est assez difficile de savoir si le ptérygoïdien interne, inséré en haut dans la fosse ptérygoïde et en bas sur la partie interne et postérieure du maxillaire, concourt pendant le sourire avec les deux muscles précédents à élever cet os. Dans tous les cas, il ne pourrait guère, étant invisible, exercer dans l'expression qu'une action indi

recte.

Le nez sourit plus ou moins suivant les sujets, mais toujours d'une façon très marquée; chez tout le monde il parait proéminer davantage, s'allonger en bas et en avant, tandis que de chaque côté les narines se dilatent; chez quelques personnes il se couvre, pendant les forts sourires, de rides verticales situées sur le dos, près de la racine. Cette expression domine complètement dans le sourire de Marie D., une femme de soixante-deux ans, et elle a été si forte autrefois que son fils, lorsqu'il essaie d'évoquer l'image de sa mère jeune et souriante, voit toujours et d'abord un nez froncé de rides verticales; les autres traits du visage ne viennent qu'ensuite. Si le nez s'allonge et s'effile, c'est d'abord à cause du retrait des joues en arrière et en haut, mais c'est aussi par la contraction du muscle transverse dont les faisceaux antérieurs attirent vers le dos du nez les téguments sur lesquels ils s'insèrent et c'est cette même contraction, qui lorsqu'elle est assez forte, détermine la formation des rides verticales. C'est donc surtout par les faisceaux antérieurs transverse que le nez sourit.

Le sourire des yeux est aussi important dans l'expression totale du visage que celui de la bouche et il est presque aussi compliqué. On y doit distinguer des contractions musculaires et des modifications dans l'éclat du regard.

Les contractions musculaires viennent toutes de l'orbiculaire des paupières qui entoure l'orifice palpébral à la manière d'un anneau elliptique aplati, large et mince. Leur résultat est de diminuer plus ou moins la grandeur apparente du globe oculaire jusqu'à masquer parfois de façon complète le blanc de la cornée. La partie colorée de l'œil apparaît ainsi toute seule et comme l'iris est, suivant les sujets,

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