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cédentes à perdre l'éloquence, et ne furent pas moins nuisibles à la poésie 9.

Les circonstances politiques, morales et littéraires que je viens d'exposer, sont bien plus relatives à Juvénal qu'à l'auteur dont nous allons examiner l'ouvrage, et cela plutôt pour suivre l'ordre des Satiriques, que les progrès de la Satire telle que nous l'avons considérée. Ce que je dirai de Perse, néanmoins, ne sera pas étranger à mon sujet: il en résultera des observations propres à faire connoître plus particulièrement le genre dont il s'agit. Quelques précautions que je prenne, je risque d'être, dans cet examen, d'autant plus diffus, que Perse est trop succinct : mais j'irai le plus vîte qu'il me sera possible, afin de revenir au poëte intéressant dont je n'ai fait, pour ainsi dire, qu'annoncer le caractère.

Si l'on trouve de temps en temps des dé tracteurs qui n'étudient que pour blâmer,

d'excellens orateurs. Plerisque videtur ad formandam eloquentiam vel sola sufficere. QUINCT. Lib. II, cap. 10. Voyez Juvénal, Satir. VII, note 38, tome II, page 125.

on rencontre aussi des exagérateurs de bonne foi qui, dans leurs têtes actives et fécondes, refont tout ce qu'ils lisent, et s'extasient ensuite sur leurs propres idées. Pour éviter les inconvéniens qu'entraînent ces dispositions si contraires à la saine critique, j'examinerai d'abord ce que, relativement au genre satirique, on peut attendre de l'éducation de Perse, de ses études, de son caractère et de ses liaisons: nous verrons ensuite ce que l'on a pensé de ses Satires; et je finirai par un jugement impartial, c'est-à-dire, conforme aux impressions que j'en ai reçues, après les avoir bien médi

tées.

Je contredirai peut-être les opinions de quelques savans que j'aime et que j'estime, mais ce sera de manière qu'ils ne pourront pas m'en savoir mauvais gré. L'honnête Casaubon, lorsqu'il défendit Perse vivement attaqué par Scaliger, sut allier les égards à la critique, et ne fut pas moins l'admirateur et l'ami de celui qu'il réfutoit (a).

(a) Jamais deux hommes n'ont été plus opposés

Né sous Tibère, et mort à vingt-huit ans sous Néron, Perse s'attacha, dès l'âge de seize ans, au stoïcien Cornutus, l'un des savans les plus honnêtes et les plus universels de son temps (a); car, indépendamment

dans les jugemens qu'ils ont portés de Perse, que Scaliger et Casaubon: voyez cependant avec quel enthousiasme celui-ci parle de son adversaire : « Quelqu'un, dit-il, n'a pas craint de s'élever contre les éloges qui avoient été donnés à Perse: » At qui vir? tanti judicii, tantæ eruditionis, tam portentosi acuminis, ut et Persius magnum solatium habeat, quod Enea magni dextra cadit : et nos vel bonam caussam prodere diu constitutum ac certum habuerimus, potius quam cum illo Hercule in certamen descendere. CASAUB. Proleg. in Pers. pag. 3.

(a) Cornutus, originaire de Leptis, ville d'Afrique, florissoit avant et sous le règne de Néron. Peu s'en fallut, selon Dion-Cassius (in Neron. §. 26), que ce prince ne le fît périr; mais il se contenta de l'exiler dans une île, et voici pourquoi. Néron ayant formé le projet d'écrire en vers toute l'histoire romaine, quelqu'un lui dit qu'il devoit la diviser en quatre cents livres; sur quoi Cornutus s'écria que personne ne la liroit, etc. Eusèbe (de la traduction de saint Jérôme, page 162) rapporte seulement que Néron exila le philosophe Cornutus, précepteur de Perse.

de la philosophie stoïcienne qu'il n'enseignoit pas moins aux Grecs qu'aux Romains, il étoit encore versé dans tous les genres de littérature. C'est à l'école de ce philosophe, et surtout dans son commerce intime, que ce jeune chevalier romain (a) puisa cet amour sincère de la secte stoïque qui se manifeste dans la plupart de ses vers. Il consacra dès lors le reste de ses jours, trop promptement terminés, au culte des Muses et de la Philosophie, qui furent ses premières et dernières affections.

Si ce qui nous reste de ses ouvrages est peu satisfaisant au gré des plus grands critiques, excepté Casaubon, il faut du moins convenir que nul écrivain, dans les mêmes circonstances, n'a laissé la mémoire d'une vie plus innocente et plus pure que la sienne. Eloge mince! s'il regardoit quelque contemporain de Lælius ou de Scipion. Alors tout

(a) Quelques commentateurs, par leur manière d'expliquer le prologue des Satires de Perse, ont présumé que ce poëte étoit si pauvre qu'il avoit voulu tirer parti de son talent; ce qui répugne à plusieurs passages de cet auteur.

fomentoit le génie, et il pouvoit se produire impunément : alors la philosophie et les lettres s'allioient avec l'exercice des fonctions publiques, et les premières ne servoient que de délassement à des hommes d'état qui, dans l'une et l'autre carrière, se sont également illustrés. Mais il est dans l'histoire des époques stériles en vertus, et non moins funestes aux talens ; des époques où le zèle est inutile, où les dispositions naturelles étant étouffées par la contrainte et la terreur, les citoyens vertueux ne sont pas responsables du bien qu'ils n'ont pas fait, et où le plus bel éloge pourroit se réduire à ces termes modestes: IL VÉCUT SANS REPROCHES ET MOURUT SANS REMORDS.

Sa vie offre des détails que je ne dois pas omettre, puisqu'ils honorent sa mémoire. Il s'attira, chez Cornutus, l'estime et la bien veillance de tous les hommes célèbres qui fréquentoient cet illustre philosophe : mais ceux-ci, réunis sous le drapeau de leur secte, n'avoient guère avec lui que des rapports qui l'éloignoient de son but, au lieu de l'en rapprocher. En qualité de satirique,

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