Obrázky na stránke
PDF
ePub

au stoïcien Cornutus. Puisqu'il aimoit sincèrement ce philosophe, pourquoi préludet-il par des grimaces et par des singeries? pourquoi ses protestations, qui d'ailleurs ne sont pas dénuées de sentiment, se trouvent-elles hérissées de métaphores (a) que l'on ne doit jamais employer en pareil cas que pour remplir les places vides et lorsque le mot propre n'est pas suffisant? enfin pourquoi recourir à des mots techniques, et mettre à contribution la fable et l'astrologie (b)?

(a) Je serois suspect si je me mêlois de traduire les passages que je vais citer: c'est pourquoi je me servirai désormais de la traduction de M. l'abbé le Monnier. Perse dit à Cornutus: «< Frappez sur ce coeur ; la prudence vous fera discerner s'il rend un son pur, et si ma langue est couverte d'un enduit : »

[ocr errors]

. Pulsa dignoscere cautus

Quid solidum crepet, et pictæ tectoria linguæ.

Satir. v, vers. 21.

(b) Ce qui suit regarde toujours Cornutus. «N'en doutez point, un accord constant fait couler nos jours unis; ils sont réglés par le même astre, soit que la Parque, immuable dans ses décrets, ait pesé nos momens dans la juste balance, soit que la constellation des gémeaux, qui voit naître les vrais amis, ait par

1

et cela, pour dire moins en trente vers qu 'Horace en un seul (a).

On prétend néanmoins qu'il a peint fidèlement le règne de Néron, et surtout les vices de ce prince: en supposant qu'il l'ait

tagé entre nous deux une destinée sympathique, ou que, sous la protection de Jupiter, nous ayons ensemble vaincu la maligne influence de Saturne : j'ignore laquelle, mais certainement une étoile m'attache à vous: >>

Non equidem hoc dubites, amborum foedere certo
Consentire dies, et ab uno sidere duci :

Nostra vel æquali suspendit tempora libra
Parca tenax veri, seu nata fidelibus hora
Dividit in geminos concordia fata duorum:
Saturnumque gravem nostro Jove frangimus una.
Nescio quod, certe est, quod me tibi temperat,astrum.
Satir. v, vers. 45.

Est-ce là le ton de l'amitié? est-ce là ce langage simple et familier, verba toga, dont Perse se piquoit? M. Batteux avoit raison de dire que ce poëte ne sympathise avec personne. Voy. ci-devant page lxxxviij, note (a).

(a) « Tant que je jouirai de ma raison, je ne mettrai rien au dessus de l'amitié: >>

Nil ego contulerim jucundo sanus amico.

[blocks in formation]

attaqué, ce n'a guère été que relativement à la manie des vers; ce qui n'est pas fort important dans un pareil sujet. Quand on accorderoit qu'à d'autres égards il en vouloit au tyran, ce qui n'est pas prouvé (a), on pourroit lui reprocher qu'il en a trop dit ou pas assez, et qu'il manquoit de prudence ou de clarté. S'il craignoit, il falloit se taire; sinon il falloit parler plus clairement, afin d'être entendu quelque jour.

S'il n'avoit insisté que sur des modes ou sur des ridicules passagers, on pourroit à certain point lui pardonner son obscurité; mais il a traité des sujets philosophiques avec un style embarrassé et mal assorti. D'ailleurs, malgré sa promptitude artificielle, que de temps il emploie pour embrouiller des questions qu'Horace expose et

(a) Dans la Satire IV il introduit Alcibiade, et sous ce nom il se moque d'un jeune homme qui vouloit gouverner la république. «La plupart des interprètes, dit M. le Monnier, croient que Perse a voulu désigner Néron. Ce point, ajoute-t-il, est assez problématique, et laisse un vaste champ aux conjectures. » Traduction de Perse, page 112.

résout en peu de mots (a)! C'est que celuici savoit discuter sans effort et réfuter sans pédantisme.

Son plus grand défaut, après l'obscurité, c'est de se donner à chaque instant la torture pour être facétieux en dépit de son humeur. Après avoir parodié ce mot du barbier de Midas, « Qui n'a pas des oreilles d'âne (b)? » il s'arrête pour se féliciter de sa bonne fortune; puis il ajoute : « Ce mot qui n'est rien, presque rien, ce petit mot enjoué, je ne le donnerois pas pour une

comparer

la

(a) Pour s'en convaincre il suffira de cinquième Satire de Perse, où il s'agit de prouver qu'il n'y a de vraiment libre que le sage, avec les Satires trois et sept du second livre d'Horace.

(b) Auriculas asini quis non habet?

Satir. I, vers. 121.

On dit que Perse avoit d'abord écrit:

Auriculas asini Mida rex habet.

mais que Cornutus lui fit changer ce vers, de crainte que Néron ne s'y reconnût. Voici comment Boileau, toujours clair et ingénieux, a imité ce trait :

S'il ne m'est pas permis de le dire au papier,'
J'irai creuser la terre, et, comme ce barbier,

Iliade (a). » Quand on est naturellement sérieux et préoccupé d'idées philosophiques, pourquoi ne pas leur donner la teinte qui convient? pourquoi recourir, comme il le fait si souvent, à des ironies triviales et plus injurieuses que plaisantes 14?

Avec beaucoup d'esprit et d'érudition Perse ne se doutoit pas de ce qui constitue la bonne plaisanterie; il ressembloit à ceux qui, n'ayant aucun usage du monde, et voulant y jouer un rôle, disent tout, font tout à contre-sens, et prennent les contorsions pour de belles manières. Un de ses moyens les plus familiers étoit de railler dans les autres ce qu'on avoit coutume de reprocher à ses pareils 15. Mais toutes ces petites ruses d'un bel-esprit novice répugnent au ton de l'antique urbanité, à celui que Plotius, Varius et Virgile faisoient ré

(a)

[ocr errors]

Faire dire aux roseaux, par un nouvel organe,
Midas, le roi Midas a des oreilles d'âne.

Hoc ego opertum

Hoc ridere meum tam nil, nulla tibi vendo
Iliade.

Satir. 1, vers. 123.

« PredošláPokračovať »