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LE DÉIS ME

REFUTÉ

PAR LUI-MÊM E

LETTRE PREMIERE.

D

Sur la poffibilité d'une révélation
Surnaturelle.

MONSIEUR,

ANS la caufe du Souverain qui eft celle de l'Etat, tout fujet eft né foldat; lorsque la Religion eft en péril, tout Chrétien eft obligé de rendre témoignage de fa foi (a); quand l'honneur d'un Čorps eft attaqué, chacun de fes membres eft en droit de venger fa réputation. Il femsa

(a) 1 Petr. c. 3, V. I 5¢ Partie I,

A

ble que vous n'ayez pris la plume que pour outrager le Chriftianifme, le Gouvernement, le Clergé ; de fi puiffans intéréts ne peuvent être abandonnés fans crime. Lors même que vous feignez de vouloir feulement vous défendre, vous attaquez tout le genre humain ; fe pourroit-il faire que perfonne ne fe crût affez fort pour repouffer des traits lancés au hazard? Perfuadé que vous êtes fait pour dire au Public des vérités dures, vous ne devriez pas être furpris, fi quelqu'un, par reconnoiffance, prenoit enfin la liberté de vous dire les vôtres.

Quelle prife ne donnez-vous pas à la fatyre, par le récit burlesque de vos aventures, & de ce que vous appellez la bizarrerie de votre deftinée (a)? Cette bizarrerie, Monfieur, n'eft une énigme que pour vous; & vous pourriez en trouver Pexplication en vous-même, pour peu que vous vouluffiez vous examiner avec impartialité. Dans vos divers Ouvrages il y a ordinairement un peu de bien & beaucoup de mal, quelques vérités & beaucoup d'erreurs, tout cela revêtu des plus brillantes couleurs ; il n'eft donc pas

' # ) Lettre à M. l'Archevêque de Paris, page 1,

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étonnant que vous ayez eu des admirateurs & des ennemis, des partifans & des cenfeurs, des profpérités & des revers. Depuis environ vingt fiécles que la place de Diogéne étoit vacante, vous vous êtes présenté pour lui fuccéder; qui eut ofé vous difputer ce privilége? Comme lui, vous affichez le mépris pour les hommes, la haine contre leurs loix, leurs fentimens, leurs ufages; comme lui, fous un extérieur de modeftie, vous laissez appercevoir un fond d'orgueil & de malignité; comme lui, vous affectez une pauvreté faftueufe. Ne pouffons pas plus loin le parallèle. Eft-ce donc une merveille que vous ayez été recherché à la Cour? L'homme que vous copiez, amusa quelques momens le loifir d'Alexandre. La curiofité, il eft vrai, eft un mouvement auffi peu durable, qu'il eft vif quelquefois ; c'eft auffi, à le bien prendre, tout ce que mérite la fingularité.

Mais, Monfieur, fupprimons les perfonnalités. Si je commence par des reproches qui peuvent vous paroître offenfans, c'eft contre mon inclination, & uniquement pour vous montrer qu'il ne feroit pas difficile de vous répondre fur le ton indécent que vous avez pris. A Dieu ne plaife que j'imite votre exemple ; je vou

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Trois pour l'honneur des Lettres, pour votre propre gloire, que vous ne l'eufliez jamais donné. Un ftyle aigre, mordant paffionné, peut convenir à ceux qui attaquent la Religion; ils ne font pas fcrupuleux fur le choix des armes ; on ne le pardonneroit point à ceux qui la défendent, Nous fommes également redevables aux plus fages & à ceux qui le font le moins (a). C'eft en fouffrant & en plaignant ceux-ci qu'il faut effayer de les guérir. Je rends juftice à vos talens, je refpecte les vertus morales dont vous faites profeflion, j'applaudis au zéle que vous faites paroître pour les grandes vérités de la Religion naturelle, je vous paffe les faillies de votre humeur; mais je ne dois aucun ménagement à vos opinions. Vous me permettrez d'en démontrer la fauffeté & les pernicieuses conféquences, avec toute la force dont je puis être capable,

Malheureufement, vous n'avez pas en moi un adverfaire fort redoutable, c'eft pour la premiere fois que j'ofe entrer en lice. Je fuis peut-être un de ces Cuiftres en petit collet, un de ces chétifs habitués de Paroiffe que vous traitez fi mal. Mais

e) Sapientibus & infipientibus debitor fum. Rom, 1, 148

les qualités font étrangeres au fujet qui va nous occuper. Fuffiez-vous cent fois plus grand, & moi cent fois plus petit, vous pourriez par hazard avoir tort, tandis que j'aurois raifon. Sans avoir autant d'efprit que vous, on peut en avoir affez pour vous faire voir que vous vous trompez. Non, Monfieur, je ne pofféde point le talent dangereux d'éblouir les Lecteurs, de déguiser le faux fous les apparences du vrai je n'ai point ce ftyle brillant, nerveux, tranchant qui vous diftingue ni cette intrépidité qui vous fait envifager de fang froid les conféquences abfurdes de vos principes; je n'ai pour moi que la raifon & la vérité ; fi elles triomphent par une plume auffi peu aguerrie que la mienne, elles en auront tout l'hon

neur.

Pour entrer en matiere, commençonspar nous tracer un plan fuivi des queftions que nous avons à traiter, & qui feront l'objet d'autant de Lettres. Nous examinerons dans la premiere ce que Dieu peut ou ne peut pas nous révéler; ou, fi vous voulez, la poffibilité d'une révélation furnaturelle dans la feconde, fa neceffité; dans la troifiéme, nous en ver~ rons l'exiftence & les preuves dans la quatrième, nous chercherons quelle eft

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