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Lui la plus haute fagesse; ici, c'est un homme: qui ne voit plus les chofes comme elles font. Voici donc où vous en êtes réduit, à croire des myfteres plus abfurdes que ces lui de l'incarnation, & que tous ceux que vous rejettez; je le prouve. Comme je ne conçois pas ce que c'eft que la nature & la perfonne divine, je ne comprends. pas non plus fi la divinité & l'humanité ont pu ou n'ont pas pu être unies à la même perfonne ; & cela n'eft qu'obfcur.. Mais je conçois très-clairement ce que e'eft que la fageffe & la folie, je comprends parfaitement qu'une fagesle confommée ne peut pas fubfifter dans la même tête avec une folie complette; que Dieu n'a pu nous envoyer un Législateur qui fut tout-à-la-fois le plus fublime de tous les Sages, & le plus extravagant de tous les Vifionnaires. Ainfi, j'aime beaucoup mieux croire Jefus-Chrift Dieu & homme, que de le croire fage & infenfé: mon myftere eft moins révoltant que le vôtre. Ce n'eft encore-là qu'une bagatelle.

Cet homme fingulier, cet infenfé fu blime eft venu à bout de communiquer fon enthoufiafme à douze malheureux qui en ont été comme lui les victimes. Comme lui, ils fe font faits Miffionnai xes, & les Miffionnaires ne vous fembleng

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guères plus fages que les Conquérans (a). Comme lui, ils ont fait des miracles par ce qu'ils croyoient bonnement que les miracles pouvoient quelque chofe. Comme lui, ils font morts pour attefter qu'ils difoient la vérité plus heureux que lui, ils ont eu le plus brillant fuccès. En avouant naïvement qu'ils étoient infenfes pour l'amour de leur maître (b), ils ont forcé toute la fageffe humaine de céder à leur folie; & l'ouvrage de ces cerveaux dérangés fubfifte depuis plus de dix-fept fiécles. Voilà encore douze myfteres dont il faut charger votre fymbole; le nôtre n'en renferme pas tant.

les

Non-feulement ces infenfés ont éclairé l'Univers; mais, ce qui étoit beaucoup plus difficile, ils l'ont fanctifié ; leur Evangile y a caufé la plus heureuse révolution. Ils ont fait tomber l'idolâtrie avec toutes extravagances, toutes les abominations, toutes les cruautés dont elle étoit la fource. Ils ont fupprimé ou adouci l'esclavage, & donné aux mœurs des peuples, une douceur, une humanité que les Lettres n'avoient pu leur communiquer. Ils ont rendu les Gouvernemens plus mo

(a) Lettre, p. 83.

(b) Nos ftulti propter Chriftum, 1. Cor, 4, 190

dérés & moins fanguinaires, par-là même moins chancelans & moins fujets aux révolutions ils ont ainfi pourvu à la fûreté des Maîtres & au bonheur des Sujets. Vous vous appercevrez, Monfieur, qu'ici je ne fais que vous copier ( a ). Comment le fanatifme, ce monftre fi abhorré, a-t-il pu opérer tant de biens? Autre mystere inconcevable.

Dieu a voulu donner une révélation aux hommes; on croiroit que c'étoit pour les inftruire, point du tout; felon vos principes, ce n'étoit que pour leur tendre un piége, & leur commander l'impoffible. Il envoie un Meffie avec le pouvoir de maîtriser la nature & d'étonner la raifon, un homme qui vit en Saint, & qui meurt en Dieu. Qu'a-t-il enfeigné? D'un côté, une morale pure & fublime; de l'autre, des dogmes qu'il eft impoffible de concevoir ni d'admettre. A-t-il du moins laiffé la liberté de croire l'une, & de ne pas croire les autres ? Non, il a dit en termes exprès à fes Apôtres : Préchez l'Evangile à toute créature: celui qui croira, fera fauvé, & celui qui ne croira pas, fera condamné (b). Point d'exception. Nous voilà dans la cruelle alternative,

(a) Emile, tome 3, p. 185.

(b) Marc, 16, 25+

ou de croire ce qu'il eft impoffible de croire, ou d'être damnés. Bonté fouveraine ! eft-ce ainfi que vous vous jouez des foibles humains? Nouveau myftere, mais myftere d'iniquité. C'eft bien ici le cas de dire: je croirois plutôt à la magie, que d'admettre une pareille abfurdité.

Dès que Dieu nous donnoit une révélation, il falloit qu'elle fût prouvée. Er quelle preuve en a-t-il donnée ? Un Livre l'Evangile ; c'eft la pièce qui décide (a). Mais les Livres font des fources intariffables de difputes : les peuples qui n'ont point de Livres, ne difputent point (b). Auffi, felon vous, ce Livre énigmatique, vraie pomme de difcorde, a-t-il été la fource des maux du genre humain. A peine fut-il connu, que l'on commença à difputer fur ce qu'il contenoit. On fe querella, on se battit, on fe zua, & l'on continue encore. Croironsnous, fuivant ce fyftême, que Dieu vouloit le bien de l'humanité, en lui donnant ce monument unique, ce feul organe de la révélation? Non, il vouloit plutôt fe donner le plaifir de voir du haut du Ciel les hommes s'entr'égorger pour des logo

(a) Lettre, page 112

b) Ibid. p. 75

gryphes (a): & c'est ainsi qu'il s'amufe depuis dix-fept cens ans.

Mais fi Dieu a établi une nouvelle Religion, fans doute il a voulu qu'elle fût reçue de tout le monde. Il eft-vrai que ceux qui l'ont annoncée, le déclarent ainfi ; ils fe font dits envoyés pour la prêcher à toutes les Nations. Cependant Dieu lui a imprimé, felon vous, un caractere de réprobation, elle eft fondée fur l'erreur & le menfonge (b). Elle s'eft établie par le fanatifme, & fe maintient par l'hypocrifie (c). Auffi chaque peuple eft fort le maître de demeurer dans fa croyance, & de ne point s'embarrasser de ce que penfent les autres.

Le fublime de tous ces myfteres, c'eft qu'en nous donnant ces idées de la Divinité, vous êtes le défenfeur de la cause de Dieu & de l'humanité; au lieu que ceux qui tâchent de juftifier fa conduite, font des exécrables Prêtres qu'il faudroit brûler.

Vous avez dit, Monfieur, que vous n'aviez pas une foi robufte (d); en vérité, vous êtes trop modefte; je rends homma

(a) Lettre,

P. 80.

(b) Du Contrat focial, liv. 4, ch. 8, p. 345. (c) Lettre, p. 76.

d) Ibid. p. 62.

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