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impofteur prétendu fe trouve revêtu d'un caractere de fainteté, de fageffe de divinité fi éclatant & fi marqué, qu'il foit impoffible de ne pas s'y rendre. Si Dieu a permis qu'un tel homme annonçât des erreurs, je fuis en droit de dire avec un pieux Auteur: Seigneur, fi je fuis trompé, c'eft à vous que je dois m'en prendre: Domine, fi error eft, à te decepti fumus (a). Dieu, fans bleffer fa bonté, fa fageffe, fa juftice, n'a pu permettre qu'un Légiflateur auffi divin que l'a été JesusChrift, de votre propre aveu, enfeignât autre chofe que la vérité, ou abufât fes auditeurs par des preftiges. S'il l'a permis, il n'y a plus de providence, c'est le hazard qui conduit l'Univers. Remarquez, Monfieur que la conduite que nous attribuons à Dieu, eft un plan fuivi; & qui ne dément point fa fageffe; celle que vous lui prêtez, est une vraie comédie, l'établiffement de la plus fainte Religion qui fut jamais, eft un chaos & une extravagance. Si on eut fuivi vos idées, jamais il n'y auroit eu un Chrétien dans le monde. Dans notre fyftême, nous fommes obligés de croire des myfteres; mais nous les croyons fur le

(a) Richard de S. Victor. Partie 1.

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témoignage de Dieu; la raifon elle-même nous invite à préférer ce flambeau à nos foibles lumieres. Dans le vôtre, on rejette les mysteres que l'on ne conçoit pas, pour admettre des abfurdités cent fois plus inconcevables. Chez vous, c'est l'enthoufiafme feul qui décide: l'Evangile yous paroît un Livre divin; aux yeux d'un Juif, l'Evangile eft une fable, & le Thalmud vient de Dieu : felon le jugement d'un Mahométan, l'Evangile n'enfeigne qu'une doctrine imparfaite; c'eft P'Alcoran qui eft defcendu du Ciel. Quels principes pourront fervir à vuider la conteftation Chez nous, il eft question d'abord de prouver la miffion du Prédicateur, & de la prouver par des fignes, dont le Juif, le Mahométan, l'Idolâtre, le fçavant & l'ignorant foient également touchés. Ce point unique, une fois vérifié, tout, eft décidé.

Remarquez encore, je vous prie, que la preuve que vous donnez de la divinité de l'Evangile, qui eft fi frappante & fi lumineufe pour tout homme inftruit, eft nulle pour un ignorant. Celui qui ne sçait pas lire, eft-il en état de comparer la morale de Jefus-Chrift avec celle des Philofophes, le ton modefte & infinuant de ses difcours avec la pompe faftueufe de leur

Eloquence? Eft-il capable de faire le parallèle entre la vie & la mort de Jefus & celle de Socrate? Connoît-il affez la groffiéreté de l'efprit & des mœurs Judaïques, pour fentir les vues fupérieures qu'a eues la Providence, en faifant éclorre la révé lation chez un peuple fi méprisable? En fçait-il affez pour comprendre par l'enchaînement des dogmes, des préceptes, des faits de l'Evangile, que cette Histoire n'a pu être compofée par un impofteur, & fur-tout par des Auteurs Juifs? Cette preuve, dont vous vous fçavez fi bon gré, eft donc défectueufe; elle ne peut faire impreffion fur les trois quarts du genre humain. Ce n'eft point celle qui a converti le monde, & dont Dieu a voulu fe fervir.

Pourquoi vous y bornez-vous, Monfieur 2 Vous convenez qu'à rejetter la révélation, les difficultés ne font pas moindres qu'à l'admettre (a). L'aveu eft remarquable; mais vous n'avez pas pris la peine d'expofer ces difficultés. Vous avez raffemblé avec grand foin toutes les objections que l'on peut faire contr'elle ; & pas un mot des preuves qui l'établissent, pas un mot des inconvéniens où l'on tombe en la rejettant. Eft-ce-là inftruire de bonne foi, & mettre le Lecteur en état (a) Lettre, [ 62.

de balancer également de part & d'autre les raifons & les difficultés. Il m'a donc fallu fuppléer à votre filence, mais la vérité y perd; vous euffiez fait fentir avec plus de force & d'éloquence que moi, les abfurdités qu'il faut dévorer en rejettant la révélation: & cette fincérité vous eut fait honneur.

Mais c'eft à faire des objections que yous triomphez ; vous n'en avez omis aucune: yotre Livre fera déformais le recueil des incrédules. Je tâcherai, en y répondant, d'y mettre un peu plus d'ordre, & je m'engage à vous convaincre de trois chofes 1. que comme en rejettant les myfteres, vous êtes forcé d'en admettre plus que nous; de même, en refufant de croire aux miracles, vous les multipliez; 2°. que la plupart de vos difficultés contre la Religion révélée, font tout auffi fortes contre la Religion naturelle, & que vous êtes obligé d'y répondre auffi-bien que nous; 3°. que plufieurs font une rétractation formelle de l'hommage que vous avez rendu à l'Evangile. Je vous en avertis d'avance, afin que vous y regardiez de plus près. Déja j'ai répondu à ce que vous avez dit pour prouver l'impof fibilité & l'inutilité de la révélation; nous n'y reviendrons plus,

Dieu lui-même a parlé aux hommes ; pour quoi donc n'en ai-je rien entendu? Il a chargé d'autres hommes de vous rendre fa parole. J'entends: ce font des hommes qui vont me dire ce que Dieu a dit. J'aimerois mieux avoir entendu Dieu lui-même ; il ne lui en auroit pas coûté davantage, & j'aurois été à l'abri de la féduction ( a ).

Voilà, en vérité, Monfieur, une façon finguliere de raisonner. Dieu pouvoit me parler à moi-même, il ne l'a pas fait; donc, je ne dois pas le croire, lorfqu'il me parle par d'autres. J'aimerois mieux avoir entendu Dieu lui-même ; donc il devoit me parler lui-même. Ajoutez, pour rendre l'argument complet parce que Dieu doit faire ce que j'aime le mieux.

Il ne lui en auroit pas coûté davantage : nous verrons tout-à-l'heure le contraire. J'aurois été à l'abri de la féduction. Je me flatte de vous montrer que, quand Dieu vous parle par d'autres hommes Vous êtes autant à l'abri de la féduction, que s'il vous parloit à vous-même. Allons ordre, s'il vous plaît.

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par

Pourquoi faut-il des intermédiaires entre Dieu & moi ( b )? Parce que Dieu

(a) Emile, tome 3, p. 130,

(b) Lettre, p. 101.

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