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des fuppofitions; le peuple n'eft pas en état d'examiner ces preuves; dans toutes les Religions, il eft obligé de s'en rapporter à ceux qui l'inftruifent. Emile,. tome 3, page 152. Lettre, page 122 & fuiv.

Vous le voyez, Monfieur, par-tout vous faites de cet axiome la base de vos raifonnemens ; c'eft donc à en démontrer la fauffeté que je dois principale ment m'attacher. Ce fondement une fois détruit, l'édifice bizarre de vos idées s'écroulera de lui-même, & ne fera que jetter un peu de pouffiere aux yeux du Lecteur. Pour le réfuter, il faut y oppofer d'abord votre propre déclaration, & vous faire voir que, felon la méthode familiere à nos adverfaires, vous bâtiffez tou jours d'une main, tandis que vous détrui fez de l'autre.

Après avoir reconnu que les notions que nous avons de l'intelligence, de la puiffance, de la bonté, de la juftice de: Dieu font très- obfcures & très - impar-faites, vous ajoutez : Que fi je viens de découvrir fucceffement ces attributs dont je n'ai nulle idee abfolue, c'eft par des conféquences forcées, c'est par le bon usage de ma raifon; mais je les affirme fans les comprendre ; & dans le fond, c'eft n'affir

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mer rien. J'ai beau me dire, Dieu eft ainfi, je le fens-, je me le prouve, je n'en conçois pas mieux comment Dieu peut être ainfi (a).

Il y aura une petite obfervation à faire fur une de vos expreffions, mais il n'en pas encore tems.

eft

Enfin, continuez-vous, plus je m'efforce de contempler fon effence infinie, moins je la conçois ; mais elle eft, cela me fuffit; moins je la conçois, plus je l'ado re. Je m'humilie, & je lui dis: Etre des Etres, je fuis parce que tu es ; c'eft m'élever à ma Source que de méditer fans ceffe. Le plus digne ufage de ma raison, eft de s'anéantir

devant toi.

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Rapprochons, je vous prie, cette confeffion fi humble & fi édifiante de ce que vous avez dit ailleurs, & effayez, fi vous pouvez de vous concilier avec vous-même. D'un côté Dieu eft enveloppé d'épaiffes ténèbres : fon ouvrage fe montre mais l'ouvrier fe cache (b). Il fe dérobe également à mes fens & à mon entendement (c). Je n'ai de fes attributs aucune idée abfolue, je les affirme fans les

(a) Emile, tome 3., p. 88. Lettre, p. 54
(b) Emile, tome 2.
› P. 214

(c) To me 3 P• s&

comprendre; plus je contemple fon effence, moins je la conçois. D'un autre côté, le Dieu que j'adore, n'eft point un Dieu de ténèbres. Tantôt, me dire de foumettre ma raifon c'eft outrager fon Auteur : ici, le plus digne ufage de ma raifon eft de s'anéan tir devant lui.

J

Décidez-nous, Monfieur : auquel de→ vons-nous croire, à votre confeffion ou à votre défaveu? A la premiere fans doute. Elle eft conforme au langage de P'Ecriture qui appelle le Dieu d'Ifraël, un Dieu caché, un Dieu qui fe tient dans une obfcurité redoutable (a). Elle est réfléchie & appuyée fur un examen profond des attributs de Dieu. Ce que vous avez dit contre cette faine doctrine, vous eft fûrement échappé dans des momens de diftraction : il eft fâcheux que vous y foyez fi fouvent retombé..

De ce témoignage éclatant que vous rendez à la gloire de Dieu, l'on peut tirer un raifonnement fort fimple. Selon vous & felon la vérité

nous ne pouvons com→

prendre les attributs de Dieu; il nous les a cependant révélés, l'Ecriture fainte les publie, les célèbre, en mille endroits, & jamais les hommes n'en ont eu une juste

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idée que depuis que Dieu les a révélés.. Dieu peut donc nous révéler ce que nous ne pouvons pas comprendre. If y a même plufieurs de fes attributs qu'il nous paroît impoffible de concilier enfemble, & qui. nous femblent contradictoires : par exem→ ple, la liberté de Dieu avec fon immutabilité, fon unité parfaite (a) & fon immenfité, fa bonté infine & fa juftice: Dieu nous les a cependant révélés ; c'eft l'Ecriture qui nous en a inftruits; & furt ces objets, les Philofophes n'ont fait que bégayer: Dieu peut donc nous révéler ces qui paroît contradictoire, ce qui révolte notre raison.

Ainfi, Monfieur, pou entir le foible de vos opinions fuffit de vous rapprocher de vou tone, c'eft la mé-thode que je fus conftamment. Je prendrai donc forvent la liberté de vous opposer votre propre autorité, il n'en eft point de plus teipectable à vos yeux.

Ce n'eft pas affez de détruire votre principe par votre propre témoignage, il fant core l'examiner en lui-même.,, & montrer la propofition contradic-toire Dieu peut nous révéler & nous obli

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(a) Les Théologiens l'appellent fimplicité; elle exclud de Dieu toute efpéce de compofition; mais ce terme n'est Pas ufité en ce fens dans notre langue.

ger à croire des dogmes que nous ne concevons pas & qui nous paroiffent abfurdes. Je vous demande pardon, fi j'emploie dans une Lettre les raisonnemens ferrés & con-cis, qui femblent ne convenir qu'aux dif-putes de l'Ecole. Il ne m'eft point donné comme à vous d'embellir les matieres les plus abftraites, de répandre les graces fur des difcuffions épineufes. Ami fincere de la vérité, vous ne la goûterez pas moins fous un air fimple & négligé. Puifque vous argumentez quelquefois, il m'eft permis de le faire à mon tour..

Dieu étant infini, & moi borné, je ne puis comprendre tous fes attributs & leurs rapports, tous fes ouvrages & leur nature, tous fes décrets & leurs motifs :: ou, fi vous voulez, je ne puis concevoir. tout ce qu'il eft, ni comment il l'eft;, tout ce qu'il a fait, ni comment il l'a: fait tout ce qu'il veut, ni pourquoi il le veut; c'eft votre confeffion même. Donc fi Dieu juge à propos de m'ap-prendre quelque chofe fur fes perfections,, fur fes œuvres, fur fes volontés; refufer de le croire, parce que je ne le comprends pas, parce que cela contredit mes idées (a),

(a) Par le mot idées, les Philofophes entendent fet lement les notions claires & évidentes ; dans le langage

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