Obrázky na stránke
PDF
ePub

prend pas, il ne doit pas croire non plus les attributs de Dieu, qu'il ne comprend pas mieux; & s'il doit rejetter la révélation, il doit auffi rejetter la religion naturelle. En croyant donc, il agit fagement & fenfément; s'il refufoit de croire, il feroit coupable; les difficultés que vous mettez dans fa bouche, pour le révolter contre la doctrine chrétienne, feront diffipées avec l'objection fuivante.

Ou toutes les Religions font bonnes & agréables à Dieu; ou s'il en eft une qu'il prefcrive aux hommes, & qu'il les puniffe de méconnoltre, il lui a donné des fignes certains & manifeftes pour être diftinguée & connue pour la feule véritable. Ces fignes font de tous les temps & de tous les lieux, également fenfibles à tous les hommes, grands & petits, fçavans & ignorans, Européens, Indiens, Afriquains Sauvages. S'il étoit une Religion fur la terre, hors de laquelle il n'y eût que peine éternelle, & qu'en quelque lieu du monde, un feul mortel de bonne foi n'eût pas été frappé de fon évidence le Dieu de cette Religion feroit le plus inique & le plus cruel des tyrans (a).

Voudriez-vous, Monfieur, prendre la peine de répondre le premier à cette ob

(a) Emile, tome 3, p. 128,

jection; elle tombe à plomb fur la Religion naturelle. Je n'ai befoin que de changer quelques termes pour vous le faire fentir. S'il eft une Religion naturelle que Dieu prefcrive aux hommes, il lui a donné des fignes certains & manifeftes pour être diftinguée & connue pour la feule véritable. Ces fignes font de tous les temps & de tous les lieux, également fenfibles à tous les hommes, grands & petits, fçavans & ignorans, Européens, Indiens, Afriquains, Sauvages. S'il fe trouve en quelque lieu du monde un feul mortel de bonne foi, qui qui ne foit pas frappé de fon évidence, le Dieu de cette Re ligion eft le plus inique & le plus cruel des tyrans.

Or, felon vous, il eft d'une impoffibi lité demontrée qu'un Sauvage puiffe jamais élever fes réflexions jufqu'à la connoiffance du vrai Dieu, ni par conféquent jufqu'à la connoiffance de la Religion naturelle (a).

Auffi prétends-je, direz-vous, que fon ignorance ne lui fçauroit être imputée à crime, & qu'il ne fera pas puni pour n'avoir point eu de Religion. Mais nous vous difons de même que l'Infidéle ou le Sau

(e) Emile, tome 2, p. 326, & Lettre 2 P. 39.

vage ne fera pas puni pour n'avoir pas reconnu la Religion révélée, s'il n'a point eu de moyen pour la connoître, C'est le fentiment unanime de tous les Théologiens Catholiques, après Saint Thomas, que l'infidélité négative n'eft pas un péché, ni par conféquent un fujet de damnation. Aimi voilà votre objection résolue par yous-même.

C'est donc très-mal-à-propos que vous faites une longue énumération de tous les pays où les Miffionnaires ne pénétrent point, & de tous les peuples qui n'ont jamais entendu parler de Jefus-Christ; tout cet étalage d'érudition est déplacé, & ne fait rien contre nous, puifqu'encore une fois, aucun homme à qui l'Evangile n'a jamais été annoncé, ne fera damné pour n'avoir pas connu l'Evangile.

A quoi fert donc la révélation, direzvous? Je vous demande à mon tour, quoi fert donc la Religion naturelle, puifque fans elle le Sauvage ne laiffera pas, felon vous, d'être fauvé? Tel homme parvenu jufqu'à la vieilleffe, fans croire en Dieu, ne fera pas pour cela privé de sa préfence dans l'autre vie, fi fon aveuglement n'a pas été volontaire (a). Ce que

(a) Emile, tome 2, p. 325, & Lettre, p. 33.

[ocr errors]

vous répondrez pour la Religion naturelle, nous fervira pour la Religion revélée. Nous reviendrons à ce fujet dans la cinquiéme Lettre.

Je me flatte, Monfieur, de vous avoir tenu fidélement parole, d'avoir démontré que vos plus fortes objections prouvent autant contre vous que contre nous; que les unes font des contradictions avec vos principes, les autres de pures fuppofitions; que fi elles ébranlent d'abord le Lecteur, c'eft moins par leur solidité que par l'air impofant & le ton de confiance avec lequel vous les proposez.

Je fuis, &c.

LETTRE

IV.

Sur la voie dont Dieu veut fe fervir pour nous faire connoître la révélation, ou fur l'autorité de l'Eglife. CE feroit envain, Monfieur, que Dieu auroit éclairé les hommes par une lumiere furnaturelle, s'il ne leur avoit donné des moyens fûrs pour connoître quelle est la doctrine qui les oblige de croire & de profeffer. Conféquemment, ce n'eft pas Partie I.

H

[ocr errors]

affez d'avoir montré l'existence d'une ré vélation, & la folidité des preuves fur lefquelles elle eft établie; il refte encore à fçavoir où l'on en peut trouver le dépôt, & ce qu'elle nous apprend. Il n'eft que deux voies pour y parvenir ; l'examen des dogmes qu'elle nous propose, c'eft le moyen auquel vous vous arrêtez, & dont fe fervent les Proteftans; l'examen de la miflion ou de l'autorité de ceux qui enfeignent, c'eft la méthode qu'ont retenue les Catholiques.

J'ai déja montré dans les Lettres précé dentes, que dans l'hypothèse que Dieu a révélé des dogmes obfcurs & incompréhenfibles, hypothèse où nous fommes certainement; l'examen de ces dogmes eft non-feulement impraticable, mais encore ridicule; que quand il feroit proportionné aux fçavans, ce qui n'eft point, il feroit impoffible au peuple, c'eft-à-dire, aux trois quarts du genre humain, Dieu, en faifant prêcher la Religion Chrétienne, ne l'a point foumise aux recherches de la raison, dont elle paffe les lumieres ; nous renvoyer à ce feul tribunal, c'eft anéantir la foi & l'autorité de la parole divine. Cette Religion fainte doit fe perpétuer par le même moyen dont Dieu s'eft fervi pour l'établir: or elle s'eft établie par la

« PredošláPokračovať »