croyance à la miflion & à l'autorité de ceux qui l'ont prêchée : il ne s'agit donc encore aujourd'hui que de s'aflurer fi cette million & cette autorité font toujours fubfiftantes.

Il s'en faut donc beaucoup que la queftion de l'autorité de l'Eglife foit auffi obfcure & auffi difficile que vous voulezle perfuader. C'eft un des articles fur lefquels vous défigurez le plus la croyance catholique. Vous trouvez mauvais que M. l'Archevêque de Paris, dans fon Mandement, n'en ait point détaillé les preuves; cela n'étoit pas néceffaire, parce que fes Diocéfains, auxquels il parloit, en font convaincus. Mais je vous les donnerai, Monfieur, je m'y fuis engagé d'a

vance.

Commençons par vous écouter vousmême, ou plutôt votre organe; que ce foit vous, ou que ce foit le Vicaire Savoyard qui parle, cela eft fort égal. Nos Catholiques, dit-il, font grand bruit de l'autorité de l'Eglife; mais que gagnent-ils à cela, s'il leur faut un auffi grand appareil de preuves pour cette autorité, qu'aux autres fectes pour établir directement leur doctrine? L'Eglife décide que l'Eglife a droit de décider. Ne voilà-t-il pas une autorité

bien prouvée? Sortez de-là, vous rentre dans toutes nos difcuffions (a).

Ce Vicaire eft fort mal inftruit ; l'autorité de l'Eglife ne demande point un grand appareil de preuves. Pour l'établir, il n'eft queftion que de prouver la mission des Pafteurs & leur defcendance inconteftable des Apôtres,

Je vous ai montré que la miffion des Apôtres eft certaine par les monumens qui en fubfiftent; or ces monumens atte ftent de même la miffion de leurs fucceffeurs la miffion de ceux-ci est donc auffi certainement établie que celle des Apôtres. De même que Jesus-Chrift a envoyé fes Apôtres, ceux-ci ont envoyé des Pafteurs, & ils les ont envoyés pour remplir le même miniftere dont ils étoient, eux-mêmes chargés. Le Corps apoftolique, c'est-à-dire, le Corps des Envoyés de Jesus-Chrift n'a jamais été diffous ni interrompu ; ceux qui le compofent aujourd'hui, remontent, par une fucceffion continuelle de miffion, jufqu'aux Apôtres & à Jesus-Chrift, L'Eglife ne peut fubfifter fans la prédication de l'Evangile ; & cette prédication, felon Saint Paul ne peut fe faire fans miffion, comment

(4) Emile, tome 3, p. 152. Lettre, p. 122,

t

prêcheront-ils, s'ils ne font envoyés ( a )? Par conféquent le corps des envoyés doit fubfifter autant que l'Eglife; & fans ce corps, l'Eglife ne fubfifteroit plus.

De ces vérités le fimple fidéle forme un raisonnement également clair & perfuafif. Il eft auffi certain que les Apôtres ont envoyé des Pafteurs pour leur fuccéder, qu'il eft certain qu'ils ont fondé des Eglifes done il eft auffi certain que les Pasteurs d'aujourd'hui font envoyés par les Apôtres & par Jefus-Christ, qu'il eft certain que ces Eglifes ont toujours fubfifté, & fubfiftent encore: donc ma foi eft auffi certaine, auffi affurée, en croyant à l'enfeignement des Pasteurs de l'Eglife, qu'elle l'auroit été en croyant à la prédication même des Apôtres.

Il n'eft ici befoin, Monfieur, ni de Livres, ni d'érudition; le fimple fidéle voit dans le miniftere & la miffion de fes Pafteurs, la même certitude qu'il apperçoit dans toutes les charges & les emplois de la fociété, c'est-à-dire, une certitude morale, pouffée au plus haut point d'évidence auquel cette certitude puiffe atteindre & ce privilége eft tellement propre à l'Eglife Catholique, qu'aucune

(a) Rom. 19, 150

autre fecte ne peut le lui difputer ni fe l'approprier; je le montrerai bientôt.

Rien n'eft donc plus clair que la fauffeté de votre propofition : qu'il faut un auffi grand appareil de preuves pour cette autorité qu'aux autres fectes pour établir directement leur doctrine. Les autres fectes: ne peuvent établir leur doctrine que fur des textes de l'Ecriture ; &, felon vousmême, il n'en eft aucun fur lequel on ne puiffe difputer, & qui n'engage à des dif cuffions infinies. L'autorité de l'Eglife. eft démontrée par de fimples faits fur lefquels on ne peut former aucun doute raifonnable.

Il eft encore plus faux que nous faffions ce raifonnement: l'Eglife décide que l'Eglife a droit de décider, ni qu'aucun Théologien ait jamais procédé de cette maniere: l'affertion vague que vous faites du contraire, eft une calomnie ( a ).. Mais nous difons que, par une poffeffion. de plus de dix-fept cens ans, l'Eglife Catholique jouit du droit de décider ; qu'elle l'a exercé depuis les Apôtres, aussi conftamment & aufli évidemment que le Parlement de Paris à exercé le fien depuis fon inftitution; que fi ce droit étoit abu

(b) Lettre, p. 1224

fif, c'eft aux Apôtres mêmes & à Jefus Chrift qu'il faudroit imputer cet abus Comme les Apôtres ne pouvoient prê cher, ni dans tous les temps, ni dans tous les lieux, ils ont envoyé des Difciples pour fonder des Eglifes, comme ils en avoient fondé eux-mêmes, pour y exercer le même miniftere, la même autorité dont ils étoient eux-mêmes revêtus ; ils ont ordonné aux fidéles d'écouter leurs Pafteurs & de leur obéir, comme on leur obéiffoit à eux-mêmes. Ces Pafteurs, ainfi afsociés aux Apôtres, en ont choifi d'autres pour exercer, avec eux & après eux, les fonctions apoftoliques. Ce Corps des Envoyés de Jefus-Chrift eft donc perpétuel par fa nature avec tous fes privilé ges. En fe donnant de nouveaux membres il leur tranfmet fucceffivement la même autorité qu'il tient de Jefus-Chrift. Cette autorité, toujours folidaire, ne peut recevoir d'accroiffement ni de diminution; elle eft la même, après dix-fept fiécles. Si l'Eglife, au temps des Apôtres, a eu le droit de décider, elle le pofféde encore aujourd'hui ; fi on contefte ce droit aux Apôtres mêmes, il faut donc fuppofer qu'ils l'ont ufurpé, puifque certainement ils ont décidé.

Je pourrois me borner à cette preuve