Obrázky na stránke
PDF
ePub

Mais, lorfque tranfmife des peres aux enfans, cette Religion fut devenue celle d'une partie de la Nation Françoife, & que le Prince eut folemnellement traité avec cette partie, par l'édit de Nantes, cet édit devint un contrat inviolable, qui ne pouvoit plus être annullé qué du commun confentement des deux parties; & depuis ce temps, Pexercice de la Religion Proteftante eft. felon moi, légitime en France (a).

C'eft une grande queftion, Monfieur; de fçavoir fi un édit extorqué les armes à la main, arraché du Souverain par la néceffité des circonftances, eft une loi fi inviolable, que le Souverain ne puiffe plus y donner atteinte, lors même qu'il croira que le bien de fes peuples & la tranquillité de fon Royaume l'exigent; c'eft une autre grande queftion d'examiner fi la diverfité de Religions dans un Royaume, & fur-tout de Religions aigries l'une contre l'autre par le fouvenir du paffé, n'est pas toujours un grand mal ; & fi pour en prévenir les fuites, le Souverain n'eft pas en droit de retrancher ce mal que la foibleffe des Gouvernemens précédens avoit laiffé introduire.

C'est enfin une troifiéme queftion de

[merged small][ocr errors]

fçavoir fi les Calviniftes ont été jufqu'ici affez foumis & affez tranquilles, pour que l'on n'ait rien à craindre d'eux dans un temps de fermentation intérieure, & dans le cas où ils fe croiroient en état de bouleverser le Royaume comme ont fait leurs peres.

[ocr errors]

Comme ces queftions ont plus de rapport à la politique qu'à la Religion, vous me permettrez de laiffer à d'autres le foinde les décider. Je parle volontiers de Religion, parce que je l'ai étudiée, & que je fuis chargé de l'enfeigner; mais je ne me mêle point de politique, parce que je n'y entends rien, & que je ne fuis point fait pour y entendre. Entre nous, Monfieur, fi vous & bien d'autres faifiez de même, les chofes n'en iroient pas plus. mal.

Ici, comme ailleurs, vous ne raisonnez pas conféquemment. Selon vous, la forme du culte eft la police des Religions, & non leur effence, & c'eft au Souverain qu'il appartient de régler la police de fon pays (a). Le Souverain eft donc en droit d'interdire par fait de police l'exercice de la Religion Proteftante en France: jamais il n'a prétendu fe priver, par l'édit de Nan

(a) Lettre, p. 85.

tes, du droit de régler la police dans fes Etats, ni par conféquent de défendre un jour ce qu'il croyoit devoir permettre pour lors.

Vous accordez au Souverain le droit d'empêcher l'établiffement des nouvelles Religions; c'eft fans doute parce que cela intéreffe le bien & la tranquillité de l'Etat. Or cette tranquillité ne peut-elle pas exiger de même que l'on fupprime une Religion déja établie ? Par quelle raifon conteftera-t-on au Souverain le droit de le faire, lorfqu'il le jugera néceffaire ou utile? Rien de fuivi, rien de lié dans vos opinions, par-tout elles fe démentent & fe détruisent..

Quand vous auriez raifon pour le fond, vous auriez encore tort pour la forme. Ce n'eft point à un étranger, à un Républicain, à un homme fans caractere, de venir diriger le Confeil de nos Rois. Il lui convient encore moins de reprocher à ceux qui nous gouvernent, que ce font leurs préjugés & leurs courtes vûes qui font le malheur des Nations ( a ). Il est surprenant, qu'avec une vûe fi longue, vous ne vous apperceviez pas que ce ton indécent n'eft propre qu'à indifpofer tout

(a) Lettre, p. 90.

.

le monde contre la caufe que vous voulez foutenir; qu'il nous fait fentir que le parti dont vous êtes, n'a pas dégénéré de fon ancien génie.

Je laiffe à part la harangue funèbre du Parfis de Surate (a). C'est un fermon fort. éloquent fur la tolérance; mais les tours. de phrase ingénieux, le ftyle oriental les figures brillantes, ne font pas des raifons. Je crois avoir fuffifamment répondu à toutes celles que vous avez dites.

[ocr errors]

Si la France eût profeffé la Religion du Prêtre Savoyard cette Religion fi fimple. & fi pure, qui fait craindre Dieu & aimer les hommes, des fleuves de fang n'euffent: point fi fouvent inondé les champs François (b). Nous avous vu, Monfieur, par vos propres aveux, à qui l'on doit imputer les fleuves de fang qui ont inondé les champs François. Il eft fingulier que vous nous reprochiez encore les maux que vos peres nous ont faits. Si la France eût profeffé la Religion du Prêtre Savoyard, nous ferions aujourd'hui fans Religion.. Avec le beau fyftême de la tolérance, la: France feroit devenue le refuge de tous. les vifionnaires & de tous les libertins de: l'Univers, toujours prêts à s'y introduire

(a) Lettre, P. 90.
(b.) Ibid. p. 97. -

Nous ferions réduits à tolérer l'Athéifme,. & à vivre en fociété avec des Monftres.. Après avoir oublié les loix de l'Evangile, nous aurions vu abolir nos propres loix, les féditions renaître fans ceffe, le trône, dont la Religion eft le plus ferme appui, toujours chancelant & peut-être renversé, les peuples devenir la proie & le jouet du premier ufurpateur. Inftruits par l'exemple de nos voifins & par nos propres dangers, nous bénissons le Ciel d'avoir sauvé par un même prodige la Religion & la Monarchie.

Je paffe aux prétendus abus que vous imputez à la Religion; c'eft ce qui fera le fujet de la Lettre fuivante..

Je fuis, &c.

LETTRE

V I.

Sur les abus & les maux que l'on attribue à ta Religion.

Vous m'avez difpenfé, Monfieur, de chercher des réponses aux reproches que vous faites fi fouvent à la Religion, en prenant la peine de la juftifier vous-même contre les Philofophes qui la calomnient.

« PredošláPokračovať »