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montré, par l'exemple de l'aveugle, qu'un dogme obfcur, impénétrable à la raison ou qui eft au-deffus de la raison, doit nécef fairement nous paroître contraire à la rai fon, c'est-à-dire, à nos idées naturelles.

Car enfin, qu'eft-ce que la raifon ? C'eft la faculté de juger des objets. Nous n'en pouvons juger que fuivant les idées que nous en avons ; & notre jugement n'eft certain qu'autant que nos idées font claires. Or nos idées naturelles étant obfcures, bornées, fouvent fautives, elles ne peuvent nous fervir de régle pour juger certainement de la vérité ou de la fauffeté d'un dogme incompréhenfible. Il faut donc recourir à une autre régle, à un jugement de réflexion, que la raison elle-même nous enfeigne à former ainfi Dieu ne peut, ni se tromper, ni nous jetter dans l'erreur; donc tout ce qu'il a révélé, eft néceffairement vrai or il a révélé tel myftere; donc ce myftere est une vérité. C'eft précisément le procédé de l'aveugle. La foi des myfteres n'eft donc jamais contre la raison; c'eft au contraire la raison qui nous prefcrit cette foumiffion à l'autorité divine, & c'eft le mot de S Paul: rationabile obfequium (a).

(a) Rom. 12, Is

Vous prétendez prouver le contraire il eft jufte d'écouter vos objections. Vous ne m'accuferez pas de paffer fur cet article, comme fur des charbons ardens: nous y marcherons, Monfieur, auffi lentement qu'il vous plaira fi la fituation eft douloureufe, j'efpere que ce fera pour vous, & non pas pour moi.

:

M. l'Archevêque de Paris vous avoit dit: fi la raifon & la révélation étoient oppofées l'une à l'autre, il est conftant que Dieu feroit en contradiction avec lui-même (a). Vous ajoutez d'abord : voilà un grand aveu que vous nous faites-là ; car il eft für que Dieu ne fe contredit point ; après quoi vous lui adreffez cet argument: vous conviendrez bien, je penfe, qu'une de ces vérités éternelles qui fervent d'élémens à la raifon, eft que la partie eft moindre que le tout. Or, felon votre doctrine de la tranfubftantiation, lorfque Jefus fit la derniere Cene avec fes Difciples, & qu'ayant rompu le pain, il donna fon corps à chacun d'eux il est clair qu'il tint fon corps entier dans fa main; & s'il mangea lui-même du pain confacré, comme il put le faire, il mit fa tête dans fa bouche.

Voilà donc bien clairement, bien précisé

(a) Lettre, page 120,

ment la partie plus grande que le tout, & le contenant moindre que le contenu. Que ditesvous à cela, Monfeigneur ?

Je réponds pour Monfeigneur, fans en avoir aucune commiflion, ou que vous êtes mauvais Théologien, ou que vous dé mentez votre caractere. L'abfurdité prétendue que vous nous oppofez, ne fuit point du dogme de la tranfubftantiation,mais de celui de la préfence réelle, deux dogmes fort différens. Que le corps de Jefus-Chrift foit dans l'Euchariftie par impanation, comme l'ont enfeigné autrefois les Luthériens; qu'il y foit par ubiquité, comme ils le prétendent aujourd'hui; qu'il foit par tranfubftantiation, comme nous le foutenons, cela est égal, votre argu ment demeure le même. Si vous n'avez pas fenti cela, vous êtes mauvais Théologien.

y

Mais vous pouvez avoir eu vos raifons. En argumentant contre la tranfubftantiation, vous n'attaquez que l'Eglife Romaine, avec laquelle vous n'avez rien à ménager; en combattant contre la préfence réelle, vous blefferiez les Luthériens & l'Eglife Anglicane, cela ne feroit pas prudent: on ne fçait de qui l'on peut avoir befoin. Ici vous démentez votre caractere: un homme auffi intrépide que vous, Monfieur, ne doit point avoir de refpect humain. B v

Oferois-je vous demander pourquoi vous n'avez pas fait une objection femblable contre le myftere de la Sainte Trinité ? Cette propofition: un n'eft pas trois, & trois ne font pas un, eft auffi claire, auffi inconteftable que ce principe: la partie eft moindre que le tout ; la conféquence étoit claire: donc trois perfonnes ne fçauroient être un feul Dieu. Vous auriez eu la fatisfaction de retenir plus long-tems M. l'Archevêque de Paris fur les charbons ardens , vous euffiez mieux goûté le plaifir de fon embarras. Mais par difcrétion, vous avez abrégé le moment; vous euffiez pu fcandalifer le bon peuple de Mouthier-Travers, qui eft peut-être affez Chrétien pour croire la Trinité ; & vous vous êtes fait une loi de ne point fcandalifer le troupeau dont vous êtes membre, ni par vos fentimens, ni par votre conduite (a), Cela eft édifiant, Monfieur; facrifier le plaifir de la vengeance à la crainte de fcandalifer, eft un acte héroïque de vertu.

Revenons à votre difficulté. Je vais yous montrer que c'eft un fophisme : 1°. La partie eft moindre que le tout, cela eft vrai à l'égard d'un corps confidéré dans le même état ; mais fice corps change d'état,

(a) Lettre, page 18

:

le principe n'eft plus vrai la tête d'un homme fait eft plus groffe que n'étoit tout fon corps dans l'état d'embryon, de même le corps entier de J. C. dans fon état naturel, étoit néceffairement plus grand que fa main ou que fa bouche, confidé rées dans ce même état: mais dans l'Euchariftie ce corps n'eft plus un corps natu rel; il peut alors être renfermé tout entier dans un moindre efpace que celui que fa main occupoit dans l'état naturel. Nierez vous que J. C. par fa toute-puiffance air pu réduire fon corps à un moindre volume ?

2o. On peut encore vous donner une autre réponse. Vous comprenez fans doute que ce principe: le tout eft plus grand que la partie, la partie eft moindre que le tout, a pour objet les propriétés des corps & fuppofe leur étendue; rien ne peut être plus grand ou moindre fans étendue. Si donc on vous foutient que le corps de J. C. eft dans l'Euchariftie fans éténdue (a), pouvez-vous en raisonner felon le principe de l'étendue ? Votre argument porte donc fur une fauffe fuppofition; ce n'eft qu'un fophifme; & ce que vous faites dire à votre infpiré (b) eft une extravagance.

(a) L'Auteur n'adopte point ce systeme. 4b) Emile, tome 3, P. 139.

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