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fe contenter de donner à la raifon une connoiffance plus diftincte des attributs de la divinité & des devoirs de la loi na turelle; il pouvoit affurer la béatitude éternelle à l'homme qui voudroit profiter de ce nouveau fecours. Quand il s'agit de la puissance abfolue de Dieu, qui ofera lui prefcrire des bornes, ou en fixer l'étendue ?

Mais fi Dieu a pu fuivre ce plan, il a pu auffi s'en former un autre, & même plufieurs dont nous n'avons pas feulement l'idée. Il a pu ne recevoir l'homme en grace qu'en vûe des mérites d'un Rédempteur Dieu & homme ; il a pu attacher l'application de ces mérites à certaines pratiques qu'il a daigné prefcrire : & il eft clair que dans cette hypothèse, il falloit abfolument une révélation expreffe des deffeins de Dieu, pour nous faire connoître les nouvelles conditions qu'il mettoit à fon alliance.

Nous n'entrerons pas dans la difcuffion de ce fyftême divin, fi je puis ufer de ce terme; nous n'examinerons pas s'il eft plus digne de Dieu, plus utile à l'hom'me, que tous ceux que l'on pourroit imaginer des fpéculations fi fublimes font au-deffus de ma portée. Il faut fimplifier la queftion, autant qu'il eft poffible. Nous

-nous bornerons donc à demander, fi, en confidérant l'état où l'homme étoit réduit,. forfque la révélation fut annoncée, on doit juger qu'elle eft conforme à fes be→ foins? Il me paroît que cela fuffit pour établir la néceflité d'une révélation, & que nous ne fommes pas obligés de cher-cher ailleurs que dans vos écrits, les preu ves de cette néceffité.

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Après avoir expofé fommairement less vérités de la Religion naturelle, vous ajoutez: il est bien étrange qu'il en faille une autre ; par où connoîtrai-je cette nécessi té ( a )? La réponse est fort simple ; vous la connoîtrez par votre propre expérien ce, & par les aveux que vous avez été forcé d'en faire..

On ne peut pas enfeigner plus hautement que vous faites, l'infuffifance de la raifon, & les ténèbres dont elle eft envi ronnée. L'Etre incompréhenfible qui embraffe tout qui donne le mouvement au monde, & forme tout le fyftême des êtres, n'eft ni vifible à nos yeux, ni palpable à nos mains; il échappe à tous nos fens. L'ouvras ge fe montre mais l'ouvrier fe cache. Ce n'eft pas une petite affaire de connoître enfin qu'il exifte, & quand nous fommes par

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(a) Emile, tome 3, P. 122

venus là, quand nous nous demandons quel eft-il? où est-il ? notre efprit fe confond 'égare, & nous ne fçavons plus que penfer (a). Il fe dérobe également à mes fens & à mon entendement; plus j'y penfe, plus je me confonds (b).

S'il eft fi difficile de connoître par les feules lumieres de la raifon l'exiftence de Dieu, & encore plus fon effence, l'hom me avoit donc befoin d'un autre fecours pour y parvenir. Il étoit de la bonté de Dieu, qui veut être connu, & dont la connoiffance nous eft fi néceffaire, de fe manifefter par une autre voie.

On a beau vouloir établir la vertu par la raifon feule quelle folide bafe peut-on lui donner (c)? Philofophe tes loix morales font fort belles, mais montres - m'en, de grace,la fanction.

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Si la raison n'eft pas capable d'établir la vertu & les régles de nos devoirs fur des fondemens folides, fi elle ne nous montre les loix morales que comme une belle fpéculation, fans fournir aucun motif affez puiffant pour nous y rendre fidéles, il n'y avoit donc rien de plus digne de la fagefle & de la bonté de

(a) Emile, tome z, p. 313+
1) Tome 3, p. 58.

Tome 3, P. 1876

Dieu, , que de nous donner une loi plus expreffe, & de nous engager à l'accom plir par la crainte d'une peine éternelle & par l'espoir d'une récompense infinie. Vous reconnoiffez votre ignorance fur l'économie de la vie à venir. Vous ne fçavez s'il y aura d'autres fources de bonheur & de peines, que la volupté pure qui naît du contentement de foi-même, & le regret amer de s'être avili (a). Et il faut avouer que la raison feule ne peut dévoiler ce myftere. Mais convenez auffi, Monfieur, que ce font-là de bien foibles mobiles pour entraîner le commun des hommes. Si Dieu, par la révélation, ne nous eut rien découvert de plus après la mort, il fe roit fort dangereux que le nombre des méchans ne s'accrût encore; que le vice ne perdît par la multitude des exemples une partie de l'aviliffement où il nous réduit; que la volupté pure, la volupté pure, dont la vertu remplit une ame bien faite, ne fût bientôt regardée comme une belle chimere.

Tout le monde n'eft pas fufceptible de cet enthoufiafme dont vous êtes faifi, en étalant les beautés de la vertu ; pour ébranler la multitude, il faut frapper imagi nation. Le Maître divin, qui nous a donné

(a) Emile, tome 3, p. 82.

P'Evangile, a mieux connu que vous fes refforts de notre ame; la crainte d'un feu éternel doit faire un tout autre effet que le regret de s'être avili ; & vous auriez pu dire de l'Enfer à plus jufte titre, ce que: vous dites du Poul-Serho des Mahométans (a). Voilà la véritable fanction des loix morales que la raifon feule ne pouvoit découvrir.

Bientôt, oubliant votre propre doctrine, vous prétendez que la raison, nous fuffit. Les plus grandes idées de la divinité nous viennent par la raifon feule Voyez le Spectacle de la nature, écoutez la voix intérieure.. Dieu n'a-t-il pas tout dit. à nos yeux, à notre confcience, à notre jugement (b)?

Sans relever ici vos contradictions auxquelles il faut déformais nous accoutumer, nous vous répondons par vos propres termes.. L'ordre de l'Univers, tout admirable qu'il eft, ne frappe pas également tous les yeux. Le peuple y fait peu d'attention, manquant des connoiffances qui rendent cet ordre fenfible, & n'ayant point appris à réfléchir fur ce qu'il apperçoit. Ca n'eft, ni endureiffement, ni mauvaise vo

(a) Emile, tome 3, p. 1864
(b) Ibid. p. 1220.

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