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c'est-à-dire, que ne la concevant point, vous ne la croyez pas non plus. Mais vous n'en êtes pas demeuré là; vous avez essayé enfuite de donner les raisons de votre incrédulité; il s'agit de les examiner.

Si l'existence éternelle & néceffaire de la matiere a pour nous fes difficultés, fa création n'en a pas de moindres..... C'est de toutes les idées qui ne font pas clairement contradictoires, la moins compréhenfible à l'efprit humain (a).

Je vous avoue fans balancer, que la création n'eft point une idée qui fe préfente naturellement à l'efprit humain, puifqu'aucun des anciens Philofophes ne s'en eft douté, & que tous l'ont combattue. Le pouvoir de créer eft un des attributs de la Divinité, ou plutôt une des propriétés de fa puiffance. Comme vous convenez que cette puiffance infinie nous eft trés-imparfaitement connue, il n'eft pas étonnant que nous ayons la vûe trop bornée pour y appercevoir le pouvoir de créer. Il eft donc trèsprobable que fi Dieu ne nous eût point révélé la création, jamais les Métaphy

(a) Lettre, p. 48 & 491

ficiens les plus profonds n'y auroient pensé.

Mais je ne conviendrai point que la création renferme d'auffi grandes diffi cultés que l'exiftence éternelle & néceffaire de la matiere. Celle-ci renferme clairement contradiction; & vous avouez que l'idée de la création n'est pas clairement contradictoire.

Vous fçavez que l'on démontre en Métaphyfique que l'existence éternelle & néceffaire eft évidemment la plénitude de l'Etre, que la plénitude de l'Etre est la fouveraine perfection; qu'il eft par conféquent impoffible que ce qui existe éternellement & néceffairement, ne renferme pas en foi toute perfection. Je penfe, comme vous, que Clarke est celui qui a mis cette vérité dans la plus grande évidence. Il n'eft pas moins clair que la matiere ne renferme point toute perfection dans fon effence, qu'elle ne peut même y renfermer la penfée, quoi qu'en difent certains raifonneurs, que vous avez très-bien réfutés. Il eft donc évident que la matiere ne peut avoir une existence éternelle & néceffaire.

On vous accorde encore moins que la co-existence des deux principes, Dieu & la matiere, femble expliquer mieux

la conftitution de l'Univers, que la créa tion (a); fi la matiere exifte éternellement & néceffairement, elle eft indépendante, elle n'eft point foumise au pouvoir de Dieu. Il eft impoffible de concevoir que Dieu ait pu disposer de la matiere pour en former le monde, fi elle ne dépend point de lui. Par conféquent l'Univers formé d'une matiere éternelle, n'eft pas plus facile à comprendre que l'Univers créé par un pouvoir infini.

Faites attention, je vous prie, que tous les anciens Peres de l'Eglife ont fait ufage de ce raifonnement, pour prouver contre les Philofophes la création de la matiere.

Si la matiere exifte éternellement & néceffairement, elle eft immuable ; fa difpofition fait partie de fon effence, & ne peut pas plus changer qu'elle; ayant telle difpofition par elle-même, elle l'a néceffairement. Donc, dans cette hypothèse, Dieu n'a pas pu donner une nouvelle conformation à la matiere.

Enfin, ce que vous ajoutez, n'eft pas plus vrai que cette co-existence des deux principes femble lever les difficultés qu'on

(a) Lettre, P. 50*

a peine à réfoudre fans elle, entr'autres Porigine du mal (a). Toute la difficulté d'expliquer l'origine du mal, consiste à pouvoir l'accorder avec la bonté infinie du Créateur. Or, les partifans du Manichéisme vous prouveroient que l'existence éternelle de la matiere ne leve point cette difficulté. Un Dieu infiniment bon, diroient-ils, connoiffant les maux qui naîtroient nécessairement des imperfections de la matiere, devoit plutôt s'abftenir de former l'Univers, que d'y fouffrir tant de défauts, & de produire des créatures qu'il ne pouvoit pas empêcher d'être malheureuses.

L'hypothèse des deux principes ne peut donc aucunement foulager la raifon humaine; elle ne fait que fubftituer des abfurdités à un dogme incompréhenfible. Il y a moins d'inconvéniens d'admettre la création, que l'éternité de la matiere.

Mais vous n'êtes pas bien für fi Dieu nous a effectivement révélé la création, quoiqu'elle foit clairement énoncée dans nos traductions de la Genèfe. Il faudroit fçavoir encore fi elle eft dans l'original. Il faudroit entendre parfaitement l'Hé

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breu, & même avoir été contemporain de Moyfe, pour fçavoir certainement quel fens il a donné au mot qu'on rend par le mot

créa.

Tout cela peut être néceffaire dans le fyftême Proteftant, que vous faites profeffion de fuivre, & que vous trahissez en ce moment, mais je vous montrerai tout-à-l'heure que cela n'eft point nécessaire dans la croyance Catholique.

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Ce terme continuez-vous eft trop philofophique, pour avoir eu, dans fon origine, l'acception commune & populaire que nous lui donnons maintenant sur la foi de nos Docteurs. Cette acception a pu changer & tromper même les Septante déja imbus des queftions de la Philofophie Grecque ; rien n'eft moins rare que des mots dont le fens change par trait de temps, & qui font attribuer aux anciens Auteurs qui s'en font fervis, des idées qu'ils n'ont point eûes. Il est très-douteux que le mot grec ait eu le fens qu'il nous plaît de lui donner &c. (a).

Vous êtes ici mal fervi par votre mémoire. Il est fâcheux que dans le feul endroit où vous étalez un peu d'érudition critique, elle fe trouve fautive.

(a) Lettre, p. Sie

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