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de fçavoir quelle raison l'on pourroit lui en donner, parce que vous n'en donnez aucune; voilà toute votre preuve (a). Sans avoir l'habileté de Locke ni la vôtre, ne peut-on pas dire à un enfant ? fi quelqu'un vous mentoit quand vous l'iņterrogez, cela ne vous feroit-il pas de la peine? Ne feriez-vous pas fâché que l'on vous trompât, quand vous fouhaitez de fçavoir quelque chofe? Devez-vous faire à un autre la peine que vous ne voulez pas que l'on vous faffe à vous-même ? Vous comprenez que vous ne devez pas maltraiter votre domeftique ou votre camarade, parce que vous ne voudriez pas en être maltraité; vous ne devez donc pas lui mentir ni le tromper, puifque yous ne voulez pas qu'on vous trompe,

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Il comprendra de même que, puifqu'il yeut être obéi par fon chien, quand il lui commande, & puifqu'il le punit de fa défobéiffance il doit obéir lui-même à fon maître, ou être puni de fa défobéiffance. Vous me direz que la compa→ raifon n'est pas exacte ; j'en conviens ; mais elle fuffit pour réveiller dans un enTant le fentiment intérieur, qui eft, felon yous-même, l'interprête de la Religion, &

(a) Emile, tome 1, p. 179.

de la loi naturelle. Quelle autre raison pourriez-vous donner vous-même à un homme de trente ans ?

Vous avez donc tort d'avancer que vou loir apprendre les enfans à dire la vérité, n'eft autre chose que leur apprendre à mentir (a). Vous avez encore tort de fuppofer démontré que l'on ne peut pas donner à un enfant une connoiffance au moins imparfaite de Dieu & des principaux devoirs de la morale; c'eft plutôt le contraire qui eft démontré par raifon & par expérience. Si on le peut, pourquoi ne le feroit-on

pas ?

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Votre raison eft fimple; c'est que je veux que la jeuneffe ait une Religion & que je ne lui veux rien apprendre dont fon jugement ne foit en état de fentir la vérité (b). C'eft-à-dire, fuivant la méthode que vous prescrivez par-tout, que vous ne voulez pas que votre éleve croie autre chofe que ce qui lui fera démontré ; qu'ainfi vous voulez réduire toute fa Religion à un fyftême de Philofophie.

Nous avons déja vu les abfurdités & les inconvéniens de ce fyftême; ce qu'il y a de plus frappant, c'eft que vous l'aban

(a) Emile, tome 1, p. 224. (b) Lettre, p. 34.

donnez vous-même, dès qu'il n'eft plus queftion de former un Sçavant, un Philofophe. Il femble que vous vous foyez attaché à rétracter dans le quatriéme volume, tout ce que vous aviez dit dans les précédens contre la méthode ordinaire d'enseigner la Religion.

En parlant de l'éducation des filles, Vous penfez que l'idée de la Religion eft au-deffus de leur conception; c'est pour cela même, ajoutez-vous, que je voudrois en parler à celles-ci de meilleure heure ; ear, s'il falloit attendre qu'elles fuffent en état de difcater méthodiquement ces queftions profondes, on courroit rifque de ne leur en parler jamais.... leur croyance est affervie à l'autorité. Toute fille doit avoir la Religion de fa mere & toute femme celle de fon mari..... Hors d'état d'être juges elles-mêmes, elles doivent recevoir la décifion des peres & des maris comme celle da

guje..... Fuque l'autorité doit rég'er la Religion des femmes, il ne s'agit pas tant de leur expliquer les raifons qu'on a de croire , que de leur expofer nettement ce qu'on croit (a).

Ah, Monfieur, que ce malheureux fexe eft à plaindre ! Ce n'eft point l'évi

(a) Emile, tome 4, P. 72.

dence & la raifon qui réglent fa foi (a); fa croyance eft affervie à l'autorité. Pour croire en Dieu, il faut que les femmes renoncent au jugement qu'elles ont reçu de lui (b). Tous les articles de leur Religion font pour elles des Myfteres, par conféquent des abfurdités: elles font obligées de les croire fur la parole de leurs maris, de foumettre à l'autorité des hommes l'autorité de Dieu, parlant à leur raison ( c ).

Mais, répondront-elles, car elles fçavent répondre; nous ne fommes, ni des brutes, ni des automates, nous avons reçu de Dieu un jugement auffi-bien que les hommes; il nous faut des raifons pour foumettre notre raifon (d), & on ne nous en dit point; on ne prend pas feulement la peine de nous expliquer les raisons que l'on a de croire. Nos maris font des impies qui veulent que nous ajoutions foi à leur parole comme à celle de Dieu; que nous ayons pour eux une obéiffance aveugle; que nous leur rendions un culte qui n'eft dû qu'à Dieu (e). Selon les principes de M. Rouffeau, nous ferons des imbécilles,

(a) Emile, tome 4, P. 74.

(b) Ibid. tome 3, p. 6.

(c) Ibid. p. 145.

(d) Ibid. p. 129.

e) Ibid. tome 4, p. 88. Lettre, p. 132.

des fanatiques, des hypocrites: on nous fait mentir en difant notre catéchisme (a), ce que nous gagnons à le fçavoir dès l'enfance, c'eft d'apprendre à mentir de bonne heure, &c. &c. (b)

Bien vous en prendra, fi aucune d'elles n'a lu votre Livre, elle auroit le troifiéme volume tout entier à vous objecter ; que répondriez-vous ? Rien ; il ne faut pas répondre aux femmes.

Si l'examen des principes de la Religion eft au-deffus de la conception des femmes, vous conviendrez fans doute qu'il n'eft pas moins hors de la portée du peuple; il faut donc parler de Religion de bonne heure aux perfonnes du commun: s'il falloit attendre qu'elles fuffent en état de difcuter méthodiquement ces queftions profondes, on courroit rifque de ne leur en parler jamais. Or, felon vous-même, c'eft le peuple qui compofe le genre humain ; ce qui n'eft pas peuple eft fi peu de chofe, que ce n'eft pas la peine de le compter (c). C'eft, tout au plus la milliéme partie de notre espéce; laiffons-la de côté pour un

moment.

(a) Emile, tom. 4, p. 77•
(b) Ibid. tome 2, p. 322.
(e) Ibid, p. 208.

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