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étoit un être ou une fubftance, & non une modalité de fubftance, par cette raifon qu'on pouvoit y penfer fans penfer à autre chofe. Car en effet il eft évident, que tout ce qu'on peut appercevoir feul, n'eft point une maniere d'èmais un être ou une fubftance. Ce n'eft que par cette voye qu'on peut diftinguer les fubftances de leurs modalitez. J'en fuis convaincu. Mais la matiere ne feroit-elle point une autre fubftance que de l'étendue ? Cela me revient toûjours dans l'efprit.

tre,

THEODORE. C'eft un autre mot, mais ce n'eft point une autre chofe, pourvû que par la matiere vous entendiez ce dont le monde que nous habitons eft compofe. Car affurément il eft compofé d'étenduë; & je ne croi pas que vous pretendiez que le monde materiel foit compofé de deux fubftances. Il y en auroit une d'inutile, & je penfe que ce feroit la vôtre; car je ne voi pas qu'on en puiffe rien faire de fort folide. Comment feroit-on, Arifte, un bureau, des chaifes, un ameublement de vôtre matiere? Un tel meuble feroit bien rare & bien precieux. Mais donnez-moi de l'étendue, & il n'y a rien que je n'en

faffe

par le moyen du mouvement. ARISTE. C'est-là, Theodore, ce que je ne comprens pas trop bien.

X. THEODOR E. Cela eft pourtant bien facile, pourvû qu'on juge des chofes par les idées qui les reprefentent, & qu'on ne s'arrête point aux préjugez des fens. Concevez, Arifte, une étendue indéfinie. Si toutes les parties de cette étendue confervent entr'elles le même rapport de distance, ce ne fera là qu'une grande maffe de matiere. Mais file mouvement s'y met, & que fes parties changent fans ceffe de fituation les unes à l'égard des autres; voilà une infinité de formes introduites, je veux dire une infinité de figures & de configurations. J'appelle figure, la forme d'un corps affez grand pour fe faire fentir; & configuration, la figure des parties infenfibles dont les grands corps font compofez.

ARISTE. Oüi voilà toutes fortes de figures & de configurations. Mais ce ne font peut-être pas là tous ces differens corps que nous voyons. Les corps que vous faites avec votre étendue toute feule ne different qu'accidentellement: mais la plupart de ceux que

nous voyons different peut-être effentiellement. De la terre n'eft pas de l'eau: une pierre n'eft pas du pain. Mais il me femble que vous ne fçauriez faire avec vôtre étendue toute feule que des corps d'une même efpece.

THEODORE. Voilà, Ariste, les préjugez des fens qui reviennent. Une pierre n'eft pas du pain, cela eft vrai. Mais je vous prie, de la farine eft-ce du bled? du pain cft-ce de la farine ? du fang, de la chair, des os, eft-ce du pain, eft-ce de l'herbe? Sont-ce là des corps même ou de differente efpece?

de

ARISTE. Pourquoi me demandez-vous cela ? Qui ne voit que du pain, de la chair, des os, font des corps effentiellement differens?

THEODORE. C'eft qu'avec du bled on fait de la farine, avec de la farine du pain, & avec du pain de la chair & des os. C'est par tout la même

matiere. Si donc nonobftant cela vous convenez que tous ces corps font de differente efpece, pourquoi ne voulezvous pas qu'avec une même étenduë on puiffe faire des corps effentiellement

differens?

ARISTE. C'eft que vos figures &

vos configurations font accidentelles à la matiere, & n'en changent point la

nature.

THEODORE. Il eft vrai, la matiere demeure toûjours matiere, quelque figure qu'on lui donne: mais on peut dire qu'un corps rond n'eft pas de mê me efpece qu'un corps quarré. ARISTE. Quoi ! fi je prens de la cire, & que j'en change la figure, ce ne fera pas la même cire ?

pas

THEODORE. Ce fera la même cire, la même matiere: mais on peut dire que ce ne fera le même corps, car affurément ce qui eft rond n'est pas quarré. Otons les équivoques. Il est effentiel au corps rond que toutes les parties de fa furface foient également éloignées de celle qui fait le centre: mais il ne lui eft point effentiel que fes parties interieures ou infenfibles ayent une telle ou telle configuration. De même il eft effentiel à la cire que les petites parties dont elle eft compofée ayent une telle configuration: mais on ne la change point, quelque figure qu'on donne à fa maffe. Enfin il eft effentiel à la matiere d'être étenduë: mais il ne lui eft point effentiel d'avoir ni telle figure

dans fa maffe, ni telle configuration dans les parties infenfibles qui la compofent. Prenez donc garde, qu'arrivetil au bled, lors qu'il paffe fous la meule ? Qu'arrive-t'il à la farine, lors qu'on la paîtrit, & qu'on la cuit? Il eft clair qu'on change la fituation & la configuration de leurs parties infenfibles, auffi-bien que la figure de leur maffe:& je ne comprens pas qu'il puiffe leur arriver de changement plus effentiel.

XI. ARISTE. On pretend, Theodore, qu'il leur furvient outre cela une forme fubftantielle.

THEODORE. Je le fçai bien qu'on le pretend. Mais je ne voi rien de plus accidentel à la matiere que cette chimere. Quel changement cela peut-il faire au bled que l'on broye?

ARISTE. C'eft cela feul qui fait que c'eft de la farine.

THEODORE. Quoi fans ccla du bled bien broyé ne feroit point réduit en farine?

ARISTE. Mais peut-être que la farine & le bled ne font pas effentiellement differens. Ce font peut-être deux corps de même efpece.

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