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gnez de fâcheufes inquietudes, & fuívis de remords & de repentir. Quoi! Peut-on bien connoître la dignité de sa nature, la nobleffe de fon origine, la fin de fa creation; & craindre, je ne dis pas la mort la diffolution de ce corps de peché, qui nous empêche de jouir de nos droits revendiquez par Jefus-Chrift; mais le neant même, qui nous délivreroit du moins de la honte de nôtre dégradation & de tous les maux qui l'accompagnent. Pefez exactement tous les biens dont nous jouïffons, & tous les maux que nous fouffrons ici-bas: mais pefez-les en prefence de la Raifon, & fans que l'imagination s'en mêle, & je fuis certain que les maux l'emporteront infiniment fur les biens. Or fi les maux faifoient feulement équilibre avec les biens, l'amour propre éclairé eftimeroit autant le neant que la vie. Donc en regardant la mort comme l'aneantiffement de nôtre être, elle n'eft nullement à craindre, s'il eft vrai que les maux de la vie l'emportent de beaucoup fur les biens dont on y jouït.

ARISTE.Apparemment, Theotime, mes balances font trompeufes. Je fuis la

duppe de l'imagination, qui prend le. mal pour le bien, ou qui augmente de beaucoup le poids de biens fort legers: car je ne fuis point du tout de vôtre fentiment ; & je doute mêmes que Theodore l'approuve, lui qui décide toûjours en vôtre faveur.

THEODORE. L'immortalité de de l'ame rend inutile cette difcuffion. Car, quelque heureux que vous foyez. maintenant, vous ne devez point craindre la mort, s'il eft vrai que c'eft le paffage à une éternité bien-heureuse.

ARISTE. Ouï; mais fi la mort me plongeoit dans le néant, ou qui pis eft, fi elle me précipitoit dans les enfers.

THEODORE. Vous n'avez pas grand fujet de craindre ni l'un ni l'autre : le premier, fi vous étes bon Philofophe: le fecond, fi vous êtes un vrai Chrézien. Car pour commencer par l'aneantiffement de nôtre être, quelle raifon, je vous prie, avez-vous de l'apprehender? Le paffage de l'être au neant n'eftil pas naturellement impoffible, auffibien que celui du neant à l'être ?

ARISTE. Cela me paroît ainfi. Cependant je m'imagine toûjours qu'a

prés la mort je ne ferai plus.

THEODORE. Vous vous l'imaginez; mais le concevez-vous bien ? Vous êtes perfuadé que vôtre ame eft une fubftance diftinguée de vôtre corps, & dont les proprietez font bien differentes : des modifications de l'étenduë. Or réduire à rien une fubftance n'est pas plus concevable. que d'en faire une de rien: l'une & l'autre eft également impoffible aux forces ordinaires de la nature. Vous ne devez donc pas croire que lorfque vô➡, tre corps fera détruit vous ne ferez plus vous-même. Si vôtre imagination vous le dit, c'eft qu'alors elle ne fera plus, & qu'elle ne parle, à l'efprit, & ne l'effraye que pour fa propre confervation. Mais la Raifon dit le contraire. Votre imagination vous dit auffi qu'aprés la mort no tre corps fera aneanti. Mais fi vous confultez la raifon, elle vous répondra que les fubftances font immortelles & incorruptibles en qualité de fubftance, & qu'il n'y a que leurs modifications qui se détruifent & s'aneantiffent.

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Aprés la mort nôtre corps ceffera d'être organife. Il fera changé en terre en vapeurs, en pouffiére. En un mot, il aura des modifications toutes differen

tes de celles qu'il doit avoir pour être corps vivant & animé. Mais il n'y aura pas le moindre atome de fa fubftance qui rentre dans le neant. Il en eft de même de nôtre ame.Sa fubftance eft naturellement immortelle. Aprés la mort elle n'aura plus à la verité tous ces fentimens confus qui fe rapportent à la confervation du corps. Mais elle aura fans doute des connoiffances plus claires, des fentimens plus doux, des modifications en un mot d'autant plus parfaites, que le bien qu'elle poffedera alors eft au deffus de ceux de la vie préfente. L'experience apprend en partie ce que deviennent nos corps lorfqu'ils fe corrompent. Mais nous n'avons nulle idée de l'état de l'ame aprés fa confommation : car l'œil n'a point vû, l'oreille n'a point entendu, & l'efprit même n'a jamais conçu ce que Dieu a préparé à ceux qui l'aiment. Mais puifque l'expérience vous apprend que le corps appefantit l'efprit & trouble toutes fes idées ; n'avez-vous pas fujet d'efperer, que dégagé du corps, il fera dans une liberté parfaite. Faifant abstraction des biens que la foi nous promet, ne vous paroît-il pas qu'une intelligence eft bien mal-heureufe de fe

voir tellement esclave d'une portion de la matiere, qu'elle ne peut agir felon ce qu'elle est, ni mêmes fe fouvenir de sa dignité, fans fe fentir maltraitée, fans qu'on la rappelle auffi-tôt, & qu'on l'oblige à quelque fervice honteux.

THEOTIME. L'heureuse condition! Peut-on fans oublier ce qu'on eft, n'aimer pas mieux le neant qu'une telle fervitude?

ARISTE. Jefuis fait à cette fervitude, & je la trouve affez douce. Je n'ai pas comme Theotime le cœur noble & élevé : Je fuis content de mon fort. Et fi je crains de mourir, c'est que je fçai bien ce que je quitte, & que je ne fçai pas ce que j'aurai.

THEOTIME. Et moi je fouhaitte l'heureux moment de la mort, parce que je fçai bien ce que je quitte, & ce que je m'attends de poffeder. Que quittonsnous, Arifte? je voudrois bien vous en voir faire le détail.

ARISTE. Nous le ferons un jour, ce détail. Laiffons maintenant parler Theodore.

THEODO E. N'étes-vous pas con vaincu, Arifte, que la crainte du neant n'eft qu'une vaine frayeur qui fe diffipe

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