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des fentimens effentiellement differens des mêmes objets, & des fentimens femblables de fubftances bien differentes. Le rapport des fens ett toûjours obfcur & confus. Il faut juger de toutes chofes par les idées qui reprefentent leur nature. Si je confulte mes fens, la neige, la grefle, la pluye, les vapeurs, font des corps de differente efpece. Mais

en confultant l'idée claire & lumineuse de l'étendue, je conçois bien, ce me femble, qu'un peu de mouvement peut reduire la glace en eau,& mêmes en vapeur, fans changer la configuration des petites parties dont ces corps font compofez. Je conçois mêmes qu'en changeant leur configuration, il n'y a rien qu'on n'en puiffe faire. Car puis que tous les corps ne different effentiellement que par la groffeur, la configuration, le mouvement, & le repos des parties infenfibles dont leurs maffes font compofées: il est évident que pour faire de l'or, par exemple, avec du plomb, ou avec tout ce qu'il vous plaira, il n'y a qu'à divifer, ou plûtôt qu'à joindre les petites parties du plomb, & leur donner la groffeur & la configuration effentielle aux petites parties de l'or, &

qui font que telle matiere eft de l'or. Cela fe conçoit fans peine. Mais je croi neanmoins que ceux qui cherchent la pierre philofophale, reduiront plûtôt leur or en cendres & en fumée, qu'ils n'en feront de nouveau.

THEODORE. Il eft vrai, Arifte. Car qui fçait quelle eft la groffeur & la configuration des petites parties de ce métail fi recherché? Mais que cela foit connu qui fçait comment font configurées les petites parties du plomb ou du vif argent? Mais donnons encore à ces operateurs qui travaillent aveuglément au hazard, que trois parties de vif argent jointes enfemble de telle maniere, faffent au jufte une de ces petites parties dont l'or eft compofe; je les défie de les joindre fi exactement ces trois parties, qu'elles n'en faffent plus qu'une femblable à celles de l'or. Allurement la matiere fubtile, qui fe fait place par tout, les empêchera bien de les joindre exactement. Peut-êrre fixeront-ils le mercure, mais fi mal, fi imparfaitement, qu'il ne pourra fentir le feu fans s'élever en vapeur. Qu'ils le fixent neanmoins de maniere qu'il fouf fre bien les épreuves: que fera-ce? Un

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métail nouveau: plus beau que l'or, je le veux; mais peut-être fort méprife. Les parties du vif-argent feront jointes 4 à 4, 5 à 5, 6 à 6. Mais par malheur il falloit qu'elles ne le fuffent que trois à trois. Elles feront jointes d'un fens, au lieu de l'être d'un autre. Elles laifleront entr'elles certains vuides, qui lui ôteront de fon poids, & qui lui donneront une couleur dont on fera mécontent. Les corps, Arifte, fe changent facilement en d'autres, quand il n'eft pas neceffaire que leurs parties infenfibles changent de configuration. Les vapeurs fe changent facilement en pluye: c'eft qu'il fuffit pour cela qu'elles diminuënt leur mouvement, & qu'elles fe joignent imparfaitement plufieurs enfemble. Et par une raison semblable, il ne faut qu'un vent froid pour durcir la pluye en grefle. Mais pour changer l'eau, par exemple, en tout ce qui s'en fair dans les plantes, outre le mouvement, fans lequel rien ne fe fait, il faut des moules faits exprés pour figer ensemble de telle & telle maniere cette matiere fi coulante.

THEO TIME. Hé bien, Theo dore, à quoi vous arrêtez vous? Vous

vouliez parler de la Providence, & vous vous engagez dans des questions de Phyfique.

THEODORE. Je vous remercie, Theotime: peut-être m'allois-je égarer. Neanmoins il me femble

que tout ce que nous venons de dire n'eft pas fort éloigné de nôtre fujet. Il falloit qu'Arifte comprift bien, que c'eft par le mouvement que les corps changent de figure dans leurs maffes, & de configuration dans leurs parties infenfibles. Il falloit, pour ainfi dire, lui faire fentir cette verité; & je penfe que ce que nous vcnons de dire y peut fervir. Venons donc à la Providence.

XIII. C'est affurément par le foleil que Dieu anime le monde que nous habitons. C'eft par lui qu'il éleve les vapeurs. C'eft par le mouvement des vapeurs qu'il produit les vents. C'eft par la contrarieté des vents qu'il amaffe les vapeurs, & qu'il les refout en pluyes; & c'est par les playes qu'il rend fecondes nos terres. Que cela foit, ou ne foit pas, Arifte tout-à-fait, comme je vous le dis, il n'importe. Vous Eroyez du moins, par exemple, que la pluye fait croitre l'herbe: car s'il ne

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pleut, tout fe feche. Vous croyez que telle herbe a la force de purger, celleci de nourrir, celle-là d'empoifonner: que le feu amollit la cire, qu'il durcit La boue, qu'il brûle le bois, qu'il en reduit une partie en cendre, & enfin en verre. En un mot vous ne doutez

pas que tous les corps ont certaines qualitez ou vertus, & que la Providence ordinaire de Dieu confifte dans l'application de ces vertus, par lesquelles il produit cette varieté que nous admirons dans fon ouvrage. Or ces vertus, auffibien que leur application, ne confiftent que dans l'efficace du mouvement, puis que c'est par le mouvement que tout fe fait. Car il eft évident que le feu ne brûle que par le mouvement de fes parties: qu'il n'a la vertu de durcir la bouë que parce que les parties qu'il répand de tous côtez venant à rencontrer l'eau qui eft dans la terre, elles la chaffent par le mouvement qu'elles lui communiquent, & ainfi des autres effets. Le feu n'a donc ni force ni vertu que par le mouvement de fes parties; & l'application de cette force fur tel fujet ne vient que du mouvement qui a tranfporté ce fujet auprés du feu. De même... ARISTER

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