point. Il fe dépouille feulement de fes habits & de les armes. Il quitte fes cornes avec lesquelles il fait fon trou, & fe faifit des fourmis qui y tombent. En effet je les ai remarquées ces cornes dans le tombeau qu'ils fe font dans le fable, & dont ils fortent, non plus en qualité de Formica-leo, mais en qualité de Demoifelles fous une forme plus mágnifique.

THEODORE. Vous y voilà. Le Formica-leo & la Demoiselle ne font point proprement deux animaux de differente efpece. Le premier contient le fecond, ou toutes les parties organiques dont il eft compofé mais remarquez qu'il a de plus tout ce qu'il lui faut pour attraper la proye, pour fa proye, pour le nourrir lui-même, & pour preparer à l'autre une nourriture convenable. Or tâchons maintenant de nous imaginer les refforts neceffaires aux mouvemens que fait ce petit animal. Il ne va qu'à reculons en ligne fpirale, & toûjours en s'enfonçant dans le fable de forte que jettant en dehors à chaque petit mouvement qu'il fait, le fable qu'il prend avec fes corenes, il fait un trou qui fe termine en pointe, au fond duquel il fe cache, toû

jours les cornes entr'ouvertes, & pretes à fe faifir des fourmis, & autres animaux qui ne peuvent fe retenir fur le penchant de fa foffe. Lors que la proye lui échappe, & fait affez d'efforts pour lui faire craindre de la perdre, il l'accable & l'étourdit à force de lui jetter du fable, & rend encore par ce moyen le penchant du trou plus roide. Il fe faifit donc de fa proye, il la tire fous le fable, il lui fuce le fang, & la prenant entre fes cornes, il la jette le plus loin qu'il peut de fon trou. Enfin au milieu du fable le plus menu & le plus mouvant, il fe conftruit un tombeau parfaitement rond: il le tapiffe en dedans fort proprement pour y mourir, ou plûtôt pour y repofer plus à l'aife: & enfin aprés quelques femaines, on le voit fortir tout glorieux, & fous la forme de Demoifelle, aprés avoir laiffe plufieurs envelopes, & les dépouilles de Formicaleo. Or combien faut-il de parties or ganifées pour tous ces mouvemens? Combien de canaux pour conduire ce fang dont le Formica-leo fe nourrit & fa Demoiselle? Il eft donc clair que cet animal s'étant dépouillé de toutes ces parties dans fon tombeau, il a beaucoup

moins

moins d'organes, lors qu'il paroît fous la forme de mouche, que lors qu'on le voit fous celle de Formica-leo ; fi ce n'eft peut-être qu'on veüille foûtenir, que des organes peuvent le conftruire & s'ajuster ensemble en confequence des loix du mouvement. Car que Dieu ait ordonné à quelque intelligence de pourvoir au befoin de ces infectes, d'en entretenir l'efpece, & d'en former toûjours de nouvelles, c'eft rendre humaine la Providence divine, & lui faire porter le caractere d'une intelligence bornée.

il

ARISTE. Affurément, Theodore, y a une plus grande diverfité d'organes dans le Formica-leo que dans la mouche, & par la même raifon dans le ver à foye que dans le papillon. Car ces vers quittent auffi de riches dépouilles, puis qu'ils laiffent une espece de tête, un grand nombre de pieds, & tous les autres organes neceffaires pour chercher, devorer, digerer, & diftribuer la nourriture propre à la forme de ver, & à celle du papillon. Je conçois de même qu'il y a plus d'art dans les œufs des vers, que dans les vers mêmes. Car fuppofé que les parties orga

Tome II.

G

niques des vers foient dans l'œuf.comme vous dites, il eft clair que l'œuf entier contient plus d'art que le ver feul, & ainfi à l'infini.

THEODORE. Je voudrois bien De Bom- que vous euffiez lû le Livre de Mr. Malpighi du ver à foye, & ce qu'il a écrit fur la formation du poulet dans l'œuf. Vous verriez peut-être que tout ce que je vous dis n'eft pas fans fondement. Oui, Arifte, l'œuf eft l'ouvrage d'une intelligence infinie. Les hommes ne trouvent rien dans un œuf de ver à foye, & dans un œuf de poulet, ils ne voyent que du blanc & du jaune, & peut-être les cordons, encore les prennent-ils pour le germe du poulet.

Mais...

ARISTE. Quoi le germe du poules! N'eft-ce pas ce qu'on y trouve d'abord qu'on l'ouvre, qui eft blanc, qui a quelque dureté, & qu'on ne mange pas volontiers ?

THEODORE. Non, Arifte, c'eft un des cordons qui fert à tenir le jaune tellement fufpendu dans le blanc, que de quelque maniere qu'on tourne & retourne l'œuf, le côté du jaune le moins pelan, & où eft le petit poulet, foit

toûjours en haut vers le ventre chaud de la poule. Il y a deux de ces cordons qui font attachez d'un côté à la pointe de l'œuf, & de l'autre au jaune, un à chaque bout.

ARISTE. Voilà une mecanique admirable!

THEODORE. En cela il n'y a pas beaucoup d'intelligence. Mais vous comprenez toûjours par là, qu'il faut plus d'art & d'adreffe pour former l'œuf, & tout ce qu'il renferme, que le poulet feul, puis que l'œuf contient le poulet, & qu'il a de plus fa conftruction particuliere.

VII. Or, je vous prie, concevez maintenant, fi vous le pouvez, quelle doit être actuellement la conftruction des organes des œufs ou des vers qui feront papillons dans dix mille ans en confequence des loix du mouvement. Admirez la varieté des organes de tous les vers ou de tous les œufs qui font renfermez les uns dans les autres pour tout ce temps-là. Tâchez de vous imaginer quelle pouvoit être la nourriture dont les vers ou les papillons d'aujourd'hui fe nourriffoient il y a fix mille ans. Il y a une grande difference entre la