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bonne franquette, moi! je parlais à monsieur de Grandville; mais si le procureur général est là, je reprends mes cartes et je poitrine. Et moi qui, si vous m'aviez donné votre parole, allais vous rendre les lettres écrites à Lucien par mademoiselle Clotilde de Grandlieu ! Cela fut dit avec un accent, un sang-froid et un regard qui révélèrent à M. de Grandville un adversaire avec qui la moindre faute était dangereuse.

néral.

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Est-ce là tout ce que vous demandez? dit le procureur gé

Je vais vous parler pour moi, dit Jacques Collin. L'honneur de la famille Grandlieu paye la commutation de peine de Théodore : c'est donner beaucoup et recevoir peu. Qu'est-ce qu'un forçat condamné à perpétuité?... S'il s'évade, vous pouvez vous défaire si facilement de lui! c'est une lettre de change sur la guillotine! Seulement, comme on l'avait fourré dans des intentions peu charmantes à Rochefort, vous me promettrez de le faire diriger sur Toulon, en recommandant qu'il y soit bien traité. Maintenant, moi, je veux davantage; j'ai le dossier de madame de Sérizy et celui de la duchesse de Maufrigneuse, et quelles lettres!... Tenez, monsieur le comte : Les filles publiques en écrivant font du style et de beaux sentiments, eh bien! les grandes dames qui font du style et de grands sentiments toute la journée, écrivent comme les filles agissent. Les philosophes trouveront la raison de ce chassez-croisez, je ne tiens pas à la chercher. La femme est un être inférieur, elle obéit trop à ses organes. Pour moi, la femme n'est belle que quand elle ressemble à un homme !

>> Aussi ces petites duchesses qui sont viriles par la tête ont-elles écrit des chefs-d'œuvre... Oh! c'est beau, d'un bout à l'autre, comme la fameuse ode de Piron... »

Vraiment ?

Vous voulez les voir?... dit Jacques Collin en souriant. Le magistrat devint honteux.

Je puis vous en faire lire; mais, là, pas de farce! Nous jouons franc jeu?... Vous me rendrez les lettres, et vous défendrez qu'on moucharde, qu'on suive et qu'on regarde la personne qui va les apporter.

-Cela prendra du temps? dit le procureur général.

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Non, il est neuf heures et demie... reprit Jacques Collin en regardant la pendule; eh bien! en quatre minutes nous aurons

une lettre de chacune de ces deux dames; et, après les avoir lues, vous contremanderez la guillotine! Si ça n'était pas ce que cela est, vous ne me verriez pas si tranquille. Ces dames sont d'ailleurs averties...

Monsieur de Grandville fit un geste de surprise.

Elles doivent se donner à cette heure bien du mouvement, elles vont mettre en campagne le garde des sceaux, elles iront, qui sait, jusqu'au roi... Voyons, me donnez-vous votre parole d'ignorer qui sera venu, de ne pas suivre ni faire suivre pendant une heure cette personne?

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-

Je vous le promets !

Bien, vous ne voudriez pas, vous, tromper un forcat évadé. Vous êtes du bois dont sont fait les Turenne et vous tenez votre parole à des voleurs... Eh bien! dans la salle des Pas-Perdus, il y a dans ce moment une mendiante en haillons, une vieille femme, au milieu même de la salle. Elle doit causer avec un des écrivains publics de quelque procès de mur mitoyen; envoyez votre garçon de bureau la chercher, en lui disant ceci : Dabor ti mandana. Elle viendra... Mais ne soyez pas cruel inutilement !... Ou vous acceptez mes propositions, ou vous ne voulez pas vous compromettre avec un forçat... Je ne suis qu'un faussaire, remarquez!... Eh bien! ne laissez pas Calvi dans les affreuses angoisses de la toilette...

L'exécution est déjà contremandée... Je ne veux pas, dit monsieur de Grandville à Jacques Collin, que la justice soit audessous de vous !

Jacques Collin regarda le procureur général avec une sorte d'é tonnement et lui vit tirer le cordon de sa sonnette.

Voulez-vous ne pas vous échapper? Donnez-moi votre pa role, je m'en contente. Allez chercher cette femme...

Le garçon de bureau se montra.

« Félix, renvoyez les gendarmes... » dit monsieur de Grandville.

Jacques Collin fut vaincu.

Dans ce duel avec le magistrat, il voulait être le plus grand, le plus fort, le plus généreux, et le magistrat l'écrasait. Néanmoins, le forçat se sentit bien supérieur en ce qu'il jouait la justice, qui lui persuadait que le coupable était innocent, et qu'il disputait victorieusement une tête; mais cette supériorité devait être sourde,

secrète, cachée, tandis que la Gigogne l'accablait au grand jour, et majestueusement.

Au moment où Jacques Collin sortait du cabinet de monsieur de Grandville, le secrétaire général de la présidence du conseil, un député, le comte des Lupeaulx, se présentait accompagné d'un petit vieillard souffreteux. Ce personnage, enveloppé d'une douillette puce, comme si l'hiver régnait encore, à cheveux poudrés, le visage blême et froid, marchait en goutteux, peu sûr de ses pieds grossis par des souliers en veau d'Orléans, appuyé sur une canne à pomme d'or, tête nue, son chapeau à la main, la boutonnière ornée d'une brochette à sept croix.

Qu'y a-t-il, mon cher des Lupeaulx? demanda le procureur général.

Le prince m'envoie, dit-il à l'oreille de monsieur de Grandville. Vous avez carte blanche pour retirer les lettres de mesdames de Sérizy et de Maufrigneuse, et celles de mademoiselle Clotilde de Grandlieu. Vous pouvez vous entendre avec ce monsieur...

Qui est-ce? demanda le procureur général à l'oreille de des Lupeaulx.

Je n'ai pas de secrets pour vous, mon cher procureur général, c'est le fameux Corentin. Sa Majesté vous fait dire de lui rapporter vous-même toutes les circonstances de cette affaire et les conditions du succès.

-Rendez-moi le service, répondit le procureur général à l'oreille de des Lupeaulx, d'aller dire au prince que tout est terminé, que je n'ai pas eu besoin de ce monsieur, ajouta-t-il en désignant Corentin. J'irai prendre les ordres de Sa Majesté, quant à la conclusion de l'affaire qui regardera le garde des sceaux, car il y a deux grâces à donner.

Vous avez sagement agi en allant de l'avant, dit des Lupeaulx en donnant une poignée de main au procureur général. Le roi ne veut pas, à la veille de tenter une grande chose, voir la pairie et les grandes familles tympanisées, salies... Ce n'est plus un vil procès criminel, c'est une affaire d'État...

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Mais dites au prince que, lorsque vous êtes venu, tout était

Vraiment?

Je le crois.

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Vous pouvez vous entendre avec Monsieur..... c'est le fameux

Corentin.

(DERNIÈRE INCARNATION DE VAUTRIN.)

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