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Monsieur de Lustrac, l'Amadis-Omnibus, courut chez madame de Fischtaminel, publia cette petite scène le plus spirituellement qu'il le put, et madame de Fischtaminel prit un petit air Célimène pour dire-Pauvre femme, dans quelle extrémité se trouve-t-elle !

Bah! nous aurons le mot de cette énigme dans huit mois, répondit une vieille femme qui n'avait plus d'autre plaisir que celui de dire des méchancetés.

On ne vous parle pas de la confusion de Caroline, vous l'avez devinée.

Voici le second. Jugez de la situation affreuse dans laquelle s'est trouvée une femme délicate qui babillait agréablement à sa campagne, près de Paris, au milieu d'un cercle de douze ou quinze personnes, lorsque le valet de chambre de son mari vint lui dire à l'oreille : Monsieur vient d'arriver, madame.

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Tout le monde avait entendu le roulement de la voiture. On savait que monsieur était à Paris depuis lundi, et ceci se passait le samedi à quatre heures.

- Il a quelque chose de pressé à dire à madame, reprit Benoît. Quoique ce dialogue se fit à mi-voix, il fut d'autant plus compris que la maîtresse de la maison passa de la couleur des roses du Bengale au cramoisi des coquelicots. Elle fit un signe de tête, continua la conversation, et trouva moyen de quitter la compagnie sous prétexte d'aller voir si son mari avait réussi dans une entreprise importante; mais elle paraissait évidemment contrariée du manque d'égards de son Adolphe envers le monde qu'elle avait chez elle.

Pendant leur jeunesse, les femmes veulent être traitées en divinités, elles adorent l'idéal : elles ne supportent pas l'idée d'être ce que la nature veut qu'elles soient.

Quelques maris, de retour aux champs, font pis: ils saluent la compagnie, prennent leur femme par la taille, vont se promener avec elle, paraissent causer confidentiellement, disparaissent dans les bosquets, s'égarent et reparaissent une demi-heure après.

Ceci, Mesdames, sont de vraies petites misères pour les jeunes femmes; mais pour celles d'entre vous qui ont passé quarante ans, ces indiscrétions sont si goûtées, que les plus prudes en sont flattées;

car,

Dans leur dernière jeunesse, les femmes veulent être traitées en

mortelles, elles aiment le positif : elles ne supportent pas l'idée de ne plus être ce que la nature a voulu qu'elles fussent.

AXIOMES.

La pudeur est une vertu relative: il y a celle de vingt ans, celle de trente ans, celle de quarante-cinq ans.

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Aussi l'auteur disait-il à une femme qui lui demandait quel âge elle avait : Vous avez, madame, l'âge des indiscrétions. Cette charmante jeune personne de trente-neuf ans affichait beaucoup trop un Ferdinand, tandis que sa fille essayait de cacher son Ferdinand Ier.

LES RÉVÉLATIONS BRUTALES.

PREMIER GENRE.

Caroline adore Adolphe ;

elle le trouve

bien, elle le trouve superbe, surtout en garde national. — Elle tressaille quand une sentinelle lui porte les armes, - elle le trouve moulé comme un modèle, elle lui trouve de l'esprit,

ce qu'il fait est bien fait,

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tout

personne n'a plus de goût qu'Adolphe, enfin, elle est folle d'Adolphe.

C'est le vieux mythe du bandeau de l'amour qui se blanchit tous les dix ans et que les mœurs rebrodent, mais qui depuis la Grèce est toujours le même.

Caroline est au bal, elle cause avec une de ses amies. Un homme connu par sa rondeur, et qu'elle doit connaître plus tard, mais qu'elle voit alors pour la première fois, monsieur Foullepointe, est venu parler à l'amie de Caroline. Selon l'usage du monde, Caroline écoute cette conversation, sans y prendre part.

Dites-moi donc, madame, demande monsieur Foullepointe, quel est ce monsieur si drôle qui vient de parler cour d'assises devant monsieur un tel dont l'acquittement a fait tant de bruit; qui patauge, comme un bœuf dans un marais, à travers les situations critiques de chacun. Madame une telle a fondu en larmes parce qu'il a raconté la mort d'un petit enfant devant elle, qui vient d'en perdre un il y a deux mois.

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Ce gros monsieur, habillé comme un garçon de café, frisé

comme un apprenti coiffeur... tenez, celui qui tâche de faire l'aimable avec madame de Fischtaminel...

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Taisez-vous donc, dit à voix basse la dame effrayée, c'est le mari de la petite dame à côté de moi!

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C'est monsieur votre mari? dit monsieur Foullepointe, j'en suis ravi, madame, il est charmant, il a de l'entrain, de la gaieté, de l'esprit, je vais m'empresser de faire sa connaissance.

Et Foullepointe exécute sa retraite en laissant dans l'âme de Caroline un soupçon envenimé sur la question de savoir si son mari est aussi bien qu'elle le croit.

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Second genre. Caroline, ennuyée de la réputation de madame la baronne Schinner, à qui l'on prête des talents épistolaires, et qualifiée de la Sévigné du billet; de madame de Fischtaminel, qui s'est permis d'écrire un petit livre in-32 sur l'éducation des jeunes personnes, dans lequel elle a bravement réimprimé Fénelon, moins le style; Caroline travaille pendant six mois mois une nouvelle à dix piques au-dessous de Berquin, d'une moralité nauséabonde et d'un style épinglé.

Après des intrigues, comme les femmes savent les ourdir dans un intérêt d'amour-propre, et dont la ténacité, la perfection feraient croire qu'elles ont un troisième sexe dans la tête, cette nouvelle, intitulée LE MELILOT, paraît en trois feuilletons dans un grand journal quotidien. Elle est signée : SAMUEL CRUX.

Quand Adolphe prend son journal, à déjeuner, le cœur de Caroline lui bat jusque dans la gorge; elle rougit, pâlit, détourne les yeux, regarde la corniche. Dès que les yeux d'Adolphe s'abaissent sur le feuilleton, elle n'y tient plus : elle se lève, elle disparaît, elle revient, elle a puisé de l'audace on ne sait où,

Y a-t-il un feuilleton ce matin? demande-t-elle d'un air qu'elle croit indifférent et qui troublerait un mari encore jaloux de sa femme.

- Oui! d'un débutant, Samuel Crux. Oh! c'est un pseudonyme; cette nouvelle est d'une platitude à désepérer les punaises, si elles pouvaient lire... et d'une vulgarité !... c'est pâteux; mais c'est...

Caroline respire. C'est ?... dit-elle.

C'est incompréhensible, reprend Adolphe. On aura payé quelque chose comme cinq à six cents francs à Chodoreille pour insérer cela... ou c'est l'œuvre d'un bas-bleu du grand monde qui

promis à madame Chodoreille de la recevoir, ou peut-être est-ce l'œuvre d'une femme à laquelle s'intéresse le gérant... une pareille stupidité ne peut s'expliquer que comme cela... Figure-toi, Caroline, qu'il s'agit d'une petite fleur cueillie au coin d'un bois dans une promenade sentimentale, et qu'un monsieur du genre Werther avait juré de garder, qu'il fait encadrer, et qu'on lui redemande onze ans après... (il aura sans doute déménagé trois fois, le malheureux). C'est d'un neuf qui date de Sterne, de Gessner. Ce qui me fait croire que c'est d'une femme, c'est que leur première idée littéraire à toutes consiste toujours à se venger de quelqu'un.

Adolphe pourrait continuer à déchirer LE MELILOT, Caroline a des tintements de cloche dans les oreilles, elle est dans la situation d'une femme qui s'est jetée par-dessus le pont des Arts, et qui cherche son chemin à dix pieds au-dessous du niveau de la Seine. AUTRE GENRE. · Caroline a fini par découvrir, dans ses paroxismes de jalousie, une cachette d'Adolphe, qui, se défiant de sa femme et sachant qu'elle décachète ses lettres, qu'elle fouille ses tiroirs, a voulu pouvoir sauver des doigts crochus de la police conjugale sa correspondance avec Hector.

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Hector est un ami de collége, marié dans la Loire-Inférieure. Adolphe soulève le tapis de sa table à écrire, tapis dont la bordure est faite au petit point par Caroline, et dont le fond est en velours bleu, noir ou rouge, la couleur est, comme vous le verrez, parfaitement indifférente, et il glisse ses lettres à madame de Fischtaminel, à son camarade Hector, entre la table et le tapis.

L'épaisseur d'une feuille de papier est peu de chose, le velours est une étoffe bien moelleuse, bien discrète... Eh bien, ces précautions sont inutiles. A diable mâle, diable femelle; l'enfer en a de tous les genres. Caroline a pour elle Méphistophélès, ce démon qui fait jaillir du feu de toutes les tables, qui, de son doigt plein d'ironie, indique le gisement des clefs, le secret des secrets!

Caroline a reconnu l'épaisseur d'une feuille de papier à lettre entre ce velours et cette table: elle tombe sur une lettre à Hector au lieu de tomber sur une lettre à madame de Fischtaminel, qui prend les eaux de Plombières, et elle lit ceci :

« Mon cher Hector,

» Je te plains, mais tu agis sagement en me confiant les difficultés dans lesquelles tu t'es mis à plaisir. Tu n'as pas su veir la

différence qui distingue la femme de province de la Pari» sienne. En province, mon cher, vous êtes toujours face à face >> avec votre femme, et par l'ennui qui vous talonne, vous vous jetez à corps perdu dans le bonheur. C'est une grande faute : le » bonheur est un abîme, on n'en revient pas en ménage quand on » a touché le fond.

(

>> Tu vas voir pourquoi ; laisse-moi prendre, à cause de ta femme, » la voie la plus courte, la parabole.

» Je me souviens d'avoir fait un voyage en coucou de Paris à » Ville-Parisis: distance, sept lieues; voiture très-lourde, cheval >> boiteux; cocher, enfant de onze ans. J'étais dans cette boîte mal » close avec un vieux soldat. Rien ne m'amuse plus que de souti» rer à chacun, à l'aide de ce foret nommé l'interrogation, et de » recevoir au moyen d'un air attentif et jubilant la somme d'ins»truction, d'anecdotes, de savoir, dont tout le monde désire se >> débarrasser ; et chacun a la sienne, le paysan comme le banquier, >> le caporal comme le maréchal de France.

» J'ai remarqué combien ces tonneaux pleins d'esprit sont dis» posés à se vider quand ils sont charriés par des diligences ou » des coucous, par tous les véhicules que traînent les chevaux, car » personne ne cause en chemin de fer.

» A la manière dont la sortie de Paris s'exécuta, nous allions » être pendant sept heures en route : je fis donc causer ce caporal » pour me divertir. Il ne savait ni lire ni écrire, tout était inédit. >> Eh bien ! la route me sembla courte. Le caporal avait fait toutes » les campagnes, il me raconta des faits inouïs dont ne s'occupent » jamais les historiens.

>> Oh! mon cher Hector, combien la pratique l'emporte sur la >> théorie ! Entre autres choses, et sur une de mes questions rela>> tives à la pauvre infanterie, dont le courage consiste bien plus à >> marcher qu'à se battre, il me dit ceci, que je te dégage de toute >> circonlocution :

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Monsieur, quand on m'amenait des Parisiens à notre 45°, » que Napoléon avait surnommé le terrible (je vous parle des » premiers temps de l'Empereur, où l'infanterie avait des jambes » d'acier, et il en fallait), j'avais une manière de connaître ceux » qui resteraient dans le 45°... Ceux-là marchaient sans aucune >> hâte, ils vous faisaient leurs petites six lieues par jour, ni plus ni » moins, et ils arrivaient à l'étape prêts à recommencer le lende

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