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factum, de se reprendre et de rejeter son erreur sur une faute de typographie, il a réellement, Meigret le lui démontre sans peine, laissé échapper cette théorie inexcusable que, contrairement à ceux qui « veulèt reigler l'escripture selon la prononciation, il sembleroit plus conuenant reigler la prononciation selo l'escripture : pource que la prononciation uzurpée de tout le peuple auquel le plus grand nombre est des idiots et indoctes, est plus facile a corrompre que l'escripture propre aux gens scavants ». Il vaut mieux, dit-il, «< prononcer tout ce qui est escript1».

Ainsi, pour faire l'application du système, si on écrit teste, beste, pendant que l'on prononce tete, bete, c'est la prononciation qui est à blâmer; il n'y a nulle superfluité en l'écriture, « veu mesmement que les autres langues vulgaires, Italienne et Espaignole prononcent I's ». A ce compte, comme l'observe fort bien Meigret, on devra aussi prononcer escripre, recepueur, doibvent, estoient, et infinis autres vocables, aussi étranges.

Au reste, Des Autels lui-même, avec des idées aussi enfantines que celles dont je viens de parler, ne laisse pas, par une inconséquence singulière, de reconnaître qu'il y a bien à reprendre dans l'abus de la commune écriture (Rep. c. Meigr., 56). Malheureusement, il n'a dit ni à Meigret, ni à nous, sur quels points il croyait que la réforme dût porter. Ses opuscules sont donc plus intéressants par les renseignements qu'ils apportent sur l'histoire de la prononciation, que pour la réforme de l'orthographe.

Le petit livre de Peletier du Mans n'a aucun titre belliqueux, tout au contraire 3. Le ton de l'auteur est tout à fait autre que celui de Des Autels, et tel vraiment que le méritait l'œuvre sérieuse

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1. Ce non-sens linguistique, inexcusable, même à l'époque, est vertement relevé par Meigret : Q'elle reponse pourroę tu fer' a vn peintre, qi... ne s'estimant pas moins sauant en son art, qe tog en ton ecritture Françoęze », voudrait «< corrijer nature com ayant defally es orelles de Gyllaome pour les auoer fẹt trop courtes. ę etroęttes: ę qe finablement il les te fit en son pourtręt d'vne tell' auenú' e̟ poel, qe le port vn áne rou ́e? Qelle defense pourras tu amener, que suiuant la même loę dont tu nou' veu' tous forcer à prononçer tę` lettres superflues (q'onqes lange de bon Françoęs ne prononça) qe tu ne doques aosi charjer ę enter en ta tête çes belles ę amples orelles d'Ane? » Def., B. II, vo.

H. Estienne, tout étymologiste qu'il est, signale au contraire le danger de cette prononciation des pindariseurs, qui fait rentrer dans la prononciation des lettres devenues muettes (Hypomn. de l. Gall., p. 2).

Dans sa réplique, Des Autels dit que l'imprimeur a passé ne avant prononcer, p. 24: c'est une excuse d'écolier que tout le passage dément.

2. Meigret lui demande encore à ce propos (Def.. B. III, ro) si « le Françoęs sont tenuz de parler Gręc, Latin, Hespañol, ne Italien ?... Je m'emervel'le que tu n'as dit testa: a celle fin qe tu gardasses du tout la prononçiaçion Italiene »,

3. Apologie a Louis Meigret Lionnoes (réimprimée dans le Dialogue de l'ortografe e prononciacion françoęse departi en deus Liures, Lyon, Jan de Tournés, 1555). Dédicace du 29 janvier 1550.

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de Meigret. Il a pris grand plaisir à voir «< restituer »> notre écriture, et tout en proposant son système à lui, il s'accommode autant qu'il peut à celui de Meigret, ne voulant dédaigner de « tenir avec lui un chemin qui de soe n'etoèt que bon ». Mais il ne faudrait se tromper ni au titre, ni à l'exorde. La condescendance de Peletier ne va pas très loin, et les critiques sont beaucoup plus nombreuses, dans ses quelques pages, que les éloges.

Sur le fond de la question, comme Peletier le dit lui-même, il est d'accord avec Meigret, et il juge notre écriture avec la même sévérité, comme un vêtement dépenaillé, ou un déguisement qu'on croirait donné à la langue par dérision 1. Le principe à garder dans la réforme semble aussi le même aux yeux de Peletier; tous deux visent «< a un blanc, qui ét de raporter l'Ecriture à la prolacion : c'et, dit-il avec raison à Meigret (9), notre but, c'et notre point, c'et notre fin somme, c'ét notre uniuersel acord2. »

Toutefois, malgré ces prémisses, ce censeur bienveillant trouve presque autant à reprendre soit dans les détails, soit dans les principes qu'un ennemi y eût trouvé. En fait, d'abord, il conteste sur bien des points que la prononciation figurée par Meigret soit la bonne, et on voit la portée de la critique, tombant sur un système dont l'observation rigoureuse de la prononciation était la seule base 3. C'est une condamnation. Peletier en arrive à dire au desti

1. « l'è, antre autres choses, pris grand plęsir a voèr la peine que tu prans a restituer notre Ecriture: laquele, de fet, et si corrompue, e represante si peu ce qu'ele doet represanter, qu'on la peùt ręsonnablemant comparer a une robe de plusieurs pieces mal raportees, eyant l'une manche longue e large, l'autre courte e etroęte e les cartiers çan deuant derriere, laquele un pere balhe a son anfant, autrémant de bele talhe e bien proporcionne de tous ses mambres, ou par nonchaloer, ou par chichete, ou par contannémant, ou an sommé, par pôurete (p. 6). Cęrteinemant il i a fort long tans, e a peine me souuient il auoér ù le jugemant si jeune, que je n'ee ù bien grand honte, voere depit, de voer une tele Langue comme la Françoęsé, étre vetue, męs plus tót masqueé d'un habit si diforme (ib.). » Dans le Dialogue il montre d'une manière intéressante la supériorité de l'écriture espagnole, déjà marquée de ce temps-là, aujourd'hui éclatante (p. 112 et 113).

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2. Sur certains points aussi, ils tombent d'accord. Peletier trouve aussi mauvaise que Meigret l'écriture de maistre, paistre, et « l'ę a keue du moyen âge, dont Geoffroy Tory s'était déjà servi en latin, que Meigret propose, lui paraît très bien convenir pour ce son. Dans son Dialogue, Dauron, qui parle au nom de Peletier. condamne, comme Meigret le t de et, le d de aduenir, l's de hlasme, trosne (p. 114), le ch de charactère (p. 112), I'n des verbes au pluriel (p. 128), le t final suivi de F's de flexion (p. 129), l'u étymologique de umbre pour ombre et le r de gracieux (p. 132); il accepte l'y grec, mais non avec l'abus qu'on en fait à la fin des mots (132); il écrit ei, ey dans einsi, efreyant; à ph il substitue souvent f: filosofie; à 1 + i, ç : descripcion.

3. Il ne croit pas que l'i de nacion soit long, les voyelles françaises étant toujours brèves les unes devant les autres, sauf devant e muet (p. 19). De même pour l'u de puant (p. 20); alè, donnè, ont la dernière syllabe brève (p. 21); violet n'est pas de deux syllabes; veramant ne peut être qu'une faute pour vremant (p. 22); cué ne peut pas se proférer par u tout nu, mais par la diphtongue eu; naguere, protręré, n'ont

nataire de cette singulière apologie que, si ses opinions étaient reçues, il aurait abouti à un résultat contraire à celui qu'il cherchait, et trouverait même le langage déguisé, en l'entendant prononcer tel qu'il l'avait écrit.

Sur les propositions proprement relatives à l'écriture, mêmes observations on ne peut utilement noter les longues d'un accent, ou plutôt d'une apicule que certains mots auraient alors sur chaque syllabe (p. 19). Ou est inséparable de notre vulgaire. Au, qu'il vaudrait mieux remplacer par o, que par ao, s'entend dans cause, aussi bien que dans causa, ou du moins il y sonne d'une manière si analogue que cela ne saurait causer une erreur, etc. L'introduction de l'apostrophe au lieu de l'e feminin à la fin des dictions, n'est pas bonne, puisqu'il peut arriver qu'on s'arrête sur ces finales. Il n'y a pas d'intérêt à rendre unique la valeur de c, g, en les écrivant toujours avec la même valeur dure, devant e et i comme devant a et o. C'est bien là la vraie puissance de c, mais la nouveauté en serait odieuse. Malgré aguiser, où gu a sa valeur propre, mieux vaut laisser l'u dans longueur, longue, guise. Qu est reçu dans toutes les langues; on pourrait le remplacer par k; mieux vaut qu'on n'y touche pas pour cette heure. Bref, la résistance porte sur la plupart des points qui tenaient à cœur à Meigret 1.

Il y a plus. Malgré les affirmations du début, les principes des deux réformateurs diffèrent radicalement. Ramener les lettres à leur naïve puissance est une utopie aux yeux de Peletier. Il y a en notre langue, qui malheureusement a pris, par nonchalance de nos aïeux, les lettres des Romains, « une maniere de sons, qui ne se sauroét exprimer par aucun assamblémant ni eide de letres Latines ou Greques» (p. 9), par exemple la dernière syllabe de homme, famme, la première de laques, iambes, la dernière de batalhe. Pour les écrire il faut abuser de e, i, l. De même du c aspiré pour écrire charité, du v pour écrire valet, de gn pour écrire gagner?.

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pas d'e ouvert, ni long (p. 22); bone, comode ne se prononce pas par o simple, mais bonne, commode (p. 22); troup, clous, nous, pour trop, clos, noz et inversement bot, buert pour bout, ouuert, sont des prononciations de la Gaule Narbonnoęse, Lionnoese, et de quelques androez de l'Aquiteine. » Meigret ne reconnaît que deux sortes d'e, l'e à queue, qui est ouvert, l'autre sans queue, qu'il fait servir à deux offices. Or, il y a trois e, comme le montre le mot defere. Écrire deduiré, peré, avec le même e, c'est défaillir, car l'un des deux est un e sourd. Peletier note e sourd par e, empruntant cette lettre à quelques impressions. Voy. Dial., p. 108-109.

1. Sur d'autres points, Peletier d'accord avec Meigret pour critiquer, propose des solutions à lui: il emprunte lh aux Provençaux, Toulousains et Gascons, pour remplacer ill (v. Dial., 111), il laisse tomber le t devant s du pluriel, mais lui substitue un z: moz.

2. Peletier avait un moment pensé écrire nh comme lh; il ne l'a pas osé.

Pour parvenir au but que l'on propose, il faudrait avoir des lettres nouvelles, et ce ne serait jamais fait. Notre Langue aurait perdu son usage, avant que nous puissions mettre telles nouveautés en la bonne grace des Français'. Meigret lui-même convient qu'une lettre peut avoir deux offices, comme le s, qui, final, sonne visiblement comme un z, quand il se lie à des mots commençant par une voyelle Tous hommes e fammés ont a mourir (p. 12-13). Dès lors, il faut se borner à réformer seulement les abus qui causent erreur. Des mots comme outil, sutil, ville, cheville, espris (du verbe éprendre) et (espriz pluriel de esprit) s'écrivent de même sorte, bien qu'il y ait des différences manifestes entre leur prononciation : « Ce sont les moz, qui meritet reformacion, non pas ceus qui s'ecriuet d'une sorte qui ét tousjours samblable a sɔę, et qui jamęs ne se demant. Ce sont ceus que nous deuos tascher a restituer »> (ibid.).

Peletier tout en visant aussi à une refonte, s'en défend; c'est un révolutionnaire honteux et timoré. Il l'avoue du reste très longuement à propos d'un détail (p. 18)3. Ainsi les principes qu'il affiche au début de son livre ne doivent pas faire illusion. Évidemment, il n'en est pas comme Des Autels à attendre la réforme d'une «< authorité» quelconque, il veut « s'entremettre de la faire », mais il apporte là, comme partout ailleurs, son tempérament hésitant.

Il en a même donné une preuve curieuse, en publiant, au lieu d'un livre de doctrine, un dialogue, où différents personnages,

1. Voy. Dial., p. 118. Meigret dit lui-même : « Il et vrey qe c'ęt bien le me lleur d'approcher le plus q'il sera possibl' ao' plus ęzés ę comuns caracteres : affin de releuer le lecteur de peine : çe qe je pens' auoer fet. » Toutefois, ajoute-t-il, « il ny a point de loe qi me force, ne toę ny aotre, a vne çerteine figure (Meigr., Rep. à G. des Aotels, 30).

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2. Les plus frappantes innovations de Peletier du Mans, dans l'orthographe proprement dite, sont la substitution de a à e dans la nasale ent, de ei à ai dans des mots comme ainsi, de k à c dans keur, etc., enfin la suppression d'un grand nombre de lettres étymologiques.

Quant à son alphabet, il présente des nouveautés importantes. Les voyelles longues sont marquées d'un accent aigu, les brèves d'un grave: málin, è̟t, grés, óter, út; pouuoèr, assiél, sù. L'e ouvert est à queue e, l'e muet barré é, la diphtongue oi s'écrit oę, le c est cédillé, ll mouillé est noté par lh; il est fait usage du tréma" poësie, et de l'apostrophe, contr'opinion.

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Mais presque tous les anciens défauts subsistent j et g concourent à rendre le j; s, ss, ç ont la même valeur; k alterne avec c, et qu; g avec gu (figure, guerre), x avec ce ficcion, contraccion); d'autre part un même signe garde deux valeurs : gn sonne comme g+n, ou comme ǹ; s est tantôt dure, tantôt sonore, avec le son de z (joyeuse, occision).

3. Il raconte dans son Traité même (p. 6) qu'étant sujet au vouloir et plaisir de l'évêque du Mans, René du Bellay, il n'avait pu lui faire trouver bonne sa mode d'écrire, et que pour cela il n'avait osé en publier sa fantaisie. Page 26, il ajoute qu'il n'a pas osé employer son système dans son Arithmétique, et ne l'appliquera que dans la réimpression de ses poésies.

mais surtout de Bèze et Dauron défendent l'un l'usage, l'autre la réforme. La doctrine de ce dernier est celle de l'auteur. Mais on n'en sait rien positivement; l'opuscule est sans conclusion. De Bèze est parti après la première journée, les autres interlocuteurs se séparent, malgré une véhémente péroraison de Dauron, et rien ne se décide 1.

Meigret répondit à Peletier, comme à Des Autels, avec un peu d'âpreté peut-être, plus poliment toutefois. Du détail, il n'y a rien à dire; il avait si bien donné ses raisons qu'il ne lui restait qu'à les répéter dans la polémique. Quant à ces atermoiements qu'on lui proposait, il les repoussa avec vigueur, laissant à Peletier du Mans sa timidité, et lui jetant en dérision ce proverbe qui résume assez justement l'impression causée par ce réformateur trop prudent : « Pour te satisfére en te' remontrançes pleines de creinte, je suys d'avis qe qi a peur de' feulles ne voeze poît ao boes » ao boes» (3 v°).

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DESTINÉE DE LA RÉFORME. Considérée comme décisive 3 pour développement et la diffusion de la langue, cette querelle, pour futile qu'elle paraisse à quelques-uns, eut un retentissement considérable dans tout le monde qui lisait ou qui écrivait. A dire vrai, c'est de ce monde que la solution dépendait, bien plus que des spécialistes. Il ne faut pas oublier que les polémiques coïncident avec l'apparirition du manifeste de Du Bellay, et précèdent la magnifique éclosion de la Pléïade. Si elle eût été adoptée par ceux qui allaient devenir des demi-dieux, et portée dans toute la France par leurs œuvres, la réforme avait les plus grandes chances de succès; l'important, en effet, en ces matières, n'est pas seulement

1. Un des interlocuteurs est Sauvage. Denis Sauvage promet « qu'il traitera de l'orthographie et autres parties de grammaire rançoise. En attendant (dans ses Histoires de Paolo Jovio, Comois... traduictes de Latin en François et reveües pour la seconde édition par Denis Sauvage Signeur de Parc-Champenois... Lion, Rouille, MDLVIII), il introduit deux signes : la parenthesine ( ) et l'entrejet ; ;

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Mais il n'a pas été très rigoureux dans leur emploi, « n'ayant encores voulu; nom plus qu'en l'orthographie; tenir ce qu'il m'en semble jusques à ce que i'en aye mis mes raisons en auant: apres celles de tant de doctes personnages, qui en ont escrit. A l'exemple desquels ie ne dédaigneray d'entrelaisser choses; qui pourroyent sembler de plus grande importance; pour m'empleyer à tel fondement, nécessaire au bastiment de nostre langage François si nous voulons qu'il soyt de marque si belle que les estrangers le choisissent de loing, s'approchent d'iceluy, et le contemplent à merveilles. »

2. « Quant a ton moyen pour gager petit a petit, et finablement fére le sot tout de gre, si tu le trouue' bon, fé le : car qant a moę je ne preten' par mon ecritture qe pourtrére le plus exactement q'il me sera possible la prononçiaçion Françoeze, en ballant a chacune voęs son propre charactere pour en uzer e en bátir un écritture suyuant le batiment de la parolle: sans ao demourant fér' état si je serey suyui, ou non » ( r').

3. Pasquier, Aneau, Sebilet, etc., y font allusion.

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