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PRÉFACE.

EN traduisant les œuvres d'Horace je ne pensais pas plus à faire un livre que lui-même lorsqu'il les composa. Comme lui, je me laissais entraîner par l'inspiration du moment, par le charme et la variété des sujets; et, à force de choisir, je me trouvai avoir tout traduit.

Lorsque j'entrepris cet ouvrage, je n'avais pas même un Horace à ma disposition. Je le commençai de mémoire; et ce travail me fit éprouver que dans les circonstances les plus pénibles de la vie il est un noble emploi du temps qui rend à l'homme tout ce qui lui appartient de bonheur et de dignité.

Cette traduction était terminée depuis assez long-temps quand elle parut pour la première fois. Il eût été messéant au traducteur d'Horace de violer l'un des plus sages préceptes de cet auteur. Les éditions qui ont suivi font la critique de la première. Celle-ci, quoiqu'elle contienne un assez grand nombre de changemens, en réclamait certainement bien davantage. Nos goûts changent; et, après une révolution de quelques

années, tel genre de mérite cesse d'obtenir la préférence que nous lui donnions. On admire d'abord dans un écrivain les beautés qui tiennent à l'imagination; plus tard, on y cherche cette morale applicable à toutes les situations de la vie.

C'est précisément un des avantages de notre auteur de convenir également aux lecteurs de tous les âges. Si Platon a beaucoup puisé dans Homère, Horace a forcé la philosophie de rendre à la poésie autant qu'elle en avait reçu. Il serait cependant assez difficile de dire quelles étaient ses véritables opinions philosophiques: il paraît qu'il suivait son caractère, et non pas un systême. On reconnaît toujours en lui cette modération qu'il recommande dans le malheur et dans la prospérité. Presque par-tout il se cite pour exemple, mais en évitant toujours de se proposer pour modèle. Son grand principe est de chérir la médiocrité ; il prouve qu'elle est la véritable source du bonheur. Il nous apprend à le trouver dans toutes les conditions, à aimer la vertu, la patrie, et ces beaux arts qui sont la source inépuisable de nos plus pures jouissances. Dans ses épîtres, qui sont moins l'ouvrage d'un poëte que d'un philosophe, il semble avoir eu pour objet de nous enseigner la science si difficile du bonheur; on est fâché seulement de trouver parmi ses préceptes le nil admirari, Ne s'attacher à rien.

La facilité de son caractère se retrouve dans son talent. Badin, sérieux, naïf, tendre, sublime, il a chanté les plaisirs, les passions, la sagesse, la gloire, et jamais il n'a manqué de prendre le ton convenable avec son protecteur, son ami, sa maîtresse, son esclave.

S'il est satisfaisant de s'exercer à imiter un auteur qui approche de la perfection, on sent combien cette lutte devient pénible, désespérante, à cause de cette perfection même. Cette difficulté s'accroît encore de la flexibilité qui est le caractère distinctif du talent d'Horace: c'est le Protée de la fable, qui se métamorphose a chaque instant pour vous échapper. Il faudrait avoir la même souplesse de talent que lui pour espé

rer de le saisir sous toutes ces formès diverses qu'il prend tour-à-tour, sans qu'aucune lui soit jamais étrangère.

Je m'aperçois que, comme tous les traducteurs, je viens de payer un tribut d'admiration à mon modèle. C'est une maladresse sans doute. Louer beaucoup son modèle, c'est faire comme ces poëtes dont parle Horace lui-même, qui, dès leur début, promettent des merveilles qu'ils ne nous montreront pas : il serait mieux de reproduire ces beautés que de les annoncer. Mais mon dessein n'est pas de contracter des engagemens trop difficiles à remplir. On vante l'auteur

qu'on imite, pour justifier le choix qu'on a fait; et pour que la perfection du modèle serve d'excuse à l'infériorité de l'imitation.

Il ne faut cependant rien exagérer, même en parlant de son modèle.

Plusieurs des ouvrages d'Horace sont ce que nous appelons des pièces fugitives. On sent qu'un intervalle de vingt siècles a dû leur faire perdre de l'intérêt que des circonstances passagères leur avaient donné. Je doute que ce poëte, s'il eût écrit de notre temps, eût donné à une si grande partie de ses œuvres le titre générique d'odes; plusieurs ne sont que des billets, des chansons, des pièces de société, et souvent leur agrément ne tient qu'à la connaissance d'une circonstance aujourd'hui ignorée, ou d'un personnage ou blié enfin il y en a peut-être quelques unes dans lesquelles il est resté au-dessous de son ta lent.

Pourquoi craindrais-je de l'avouer, lorsqu'il nous avertit lui-même de ne pas accorder une admiration sans bornes aux anciens?

Si parfois le vulgaire aime la vérité,
Ses préjugés souvent trompent son équité.
Il s'abuse, s'il croit, admirant nos ancêtres,
Qu'ils ne peuvent trouver des rivaux ni des maîtres:
Mais, s'il veut avouer qu'ils sont parfois obscurs,
Énergiques sans grace, et souvent assez durs,

Il fait preuve de goût, il soutient mon systême,
Et juge comme eût fait le Dieu des vers lui-même.
Je ne dis pas qu'il faut brûler ces vieux écrits
Que de rudes pédans m'ont expliqués jadis;
Mais j'admire qu'encor ces muses surannées
Comme un parfait modèle aux nôtres soient données....
Tel, qui des vieux auteurs défend toujours la gloire,
Ne les entend pas trop, mais veut s'en faire accroire;
Et montre, en redoublant ses pénibles efforts,
Plus de haine aux vivans que d'amour pour les morts.
(Épître 1 du liv. II. )

I

Assurément Horace ne mérite pas le jugement sévère qu'il porte ici lui-même des anciens poëtes latins; mais enfin il a ses imperfections naturelles, et les défauts qui tiennent au temps il écrivait.

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Les anciens ne connaissaient pas aussi bien que nous les lois de la décence et de la méthode: des passages licencieux déshonorent assez souvent ses poésies lyriques et ses satires. Et, quoique la méthode ne soit pas nécessaire dans tous les genres, il est cependant il est cependant un ordre un ordre que, même dans ses écarts, le poëte doit observer sans le laisser apercevoir: on ne peut qu'être étonné de voir un homme aussi judicieux qu'Horace laisser du désordre dans la disposition même de ses pièces philosophiques, supprimer souvent des transitions indispensables, et négliger presque toujours de réserver pour la fin de ses pièces les

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